Défaillances d’entreprises : la tempête attendra encore un peu

Jean-Marc Pierret
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Encore une fois, le bilan trimestriel des défaillances d'entreprises tiré par Altares montre les meilleurs résultats de décrue depuis... 30 ans. Mais une fois encore, Altares douche toute naïve interprétation. Les aides de l’État ont repoussé lesdites défaillances à la fin de l'année, début 2021 plus probablement. Reste que parmi tous les secteurs, l'entretien-réparation bénéficie d'une réelle activité soutenue depuis la fin du confinement. Mais avec le couvre-feu, pour combien de temps encore ?
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Si les temps n'étaient pas aussi incertains pour les entreprises, a fortiori depuis que le couvre-feu vient de confirmer que nous sommes bel et bien entrés dans une seconde vague sanitaire, les habituels chiffres trimestriels d'Altares seraient une nouvelle fois rassurants. Au troisième trimestre 2020, les défaillances d'entreprises (procédures de sauvegarde, redressements judiciaires et liquidations incluses) sont en recul de 35,6% par rapport au 3ème trimestre 2019. En fait, elles n'ont jamais été si basses depuis 10 ans (voir graphique ci-dessus).

Dans le détail qui concerne notre secteur, l'étude trimestrielle relève que le commerce et la réparation automobiles affichent ainsi -21,6% (312 défaillances contre 398 l'an dernier), les carburants et combustibles constatent aussi un recul de -28,6% (10 contre 14).

Le trompe-l’œil des aides de l’État

Mais avant de s'en réjouir, il faut hélas constater que ces deux activités font partie des entreprises du commerce, secteur qui affiche lui aussi une moyenne de défaillance de... -35,6% toutes activités confondues, une moyenne bien trop belle pour être honnête, quand on écoute le désespoir monter dans les petits commerces français.

D'autant que parmi ces activités en si bonne santé apparente, on trouve des scores vraiment surprenants. Ainsi les commerces d'habillement à -24,8%, les soins de la personne et optique à -33,3% ou encore les “autres commerces de détail” à -44,1%. Et que dire des entreprises de restauration qui seraient tellement solides que leurs défaillances seraient en recul de -33,3% et celles des débits de boissons, de -31,1% ?

Altares souligne à nouveau, comme dans son dernier rapport semestriel, que les aides de l’État ont évidemment suspendu les défaillances attendues. Mais déjà leurs bienfaits s'estompent. Car en descendant plus loin dans le détail des activités, on commence évidemment à débusquer les vilains effets du Covid-19. Les sauna, hammam et autres jacuzzi voient leurs défaillances augmenter de 10 % ; dans l’hébergement (hôtellerie, hébergement touristique et camping), la hausse est de +6,6 %...

Une exception pour l'après-vente ?

Reste qu'à en croire l'Observatoire de Sortie de Crise AM Today -et les multiples confidences recueillies par la rédaction auprès de divers acteurs de l'après-vente-, l'entretien-réparation bénéficie depuis la sortie de confinement d'une activité plutôt soutenue, qui peut mettre à l'abri beaucoup d'acteurs de l'après-vente. Une partie d'entre eux pourraient même avoir sinon effacé tout le recul généré par le confinement, au moins compensé l'essentiel pour se retrouver aujourd'hui entre moins 15% et -10% en tendance annuelle. Certains ont même rattrapé leur budget initial...

Mais ils ne sont pas non plus tous logés à la même enseigne. Les carrossiers subissent logiquement les kilomètres perdus pendant le confinement, synonymes de sinistres en moins. Et les concessionnaires, tributaires des ventes VN, sont par exemple bien plus exposés aux risques que ne le sont les MRA avec leurs petites structures agiles, leur dominance en atelier et leurs clientèles fidèles, souvent des automobilistes sans alternative de transport en commun.

Reste aussi à savoir si l'embellie constatée jusqu'à fin septembre résistera au semi-confinement qu'est le couvre-feu instauré à partir de samedi prochain. il risque bien de rafraîchir les dépenses des ménages, à commencer par celles destinées à leurs voitures maintenant interdites de déplacement à partir de 21 heures pendant que le télétravail est à nouveau grandement conseillé...

30 % à 40 % des liquidations “oubliées”

Pour en revenir au climat général, Altares constate certes que « depuis janvier, les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau de défaillances depuis plus de 30 ans ». Mais la société d'études ne laisse évidemment pas le doute s'installer. « Si la vue d’ensemble tend à laisser penser que la baisse des défaillances profite à tous, une observation à la loupe des statistiques confirme de nombreux points de tension », précise d'entrée son rapport trimestriel.

Et elle trouve hélas une peu engageante explication conjoncturelle : «l’adaptation des textes règlementaires relatifs aux entreprises en difficultés durant l’état d’urgence sanitaire écartait notamment toute assignation par un créancier. Depuis, les moratoires restent fortement encouragés, limitant le recours à l’assignation. Si durant l’été 2019, les assignations avaient été suspendues, 30 % à 40 % des liquidations auraient potentiellement pu être “oubliées”, soit environ 2 500 procédures ».

En réintégrant ces 2 500 procédures qui auraient donc dû intervenir en temps normaux, Altares corrige dramatiquement les chiffres constatés. On trouve dès lors une progression potentielle de mises en liquidation de +10% par rapport au 3ème trimestre de l'an dernier...

Risques accrus début 2021

Pas de surprise donc. Altares craint plus que jamais que, grâce aux aides de l’État, beaucoup d'entreprises aient pu reculer... pour mieux sauter en fin d'année ou début 2021.

A ce titre, Thierry Millon, directeur des études d'Altares, annonce des lendemains qui risquent de déchanter. « Une explosion des défaillances est redoutée par beaucoup dès ce dernier trimestre 2020. Mais en réalité, alors que l’économie n’aura pas encore pansé toutes ses plaies, c’est davantage sur le premier semestre 2021 - à la croisée des chemins de la reprise très gourmande en liquidités, et des premières échéances des Prêts Garantis par l’État à rembourser au printemps - que l’heure de vérité pourrait sonner. »

Jean-Marc Pierret
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