Le tant attendu décret « pneu hiver » est enfin paru !

Romain Thirion
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Il faisait figure d’Arlésienne mais les efforts des manufacturiers et des réseaux de négociants-spécialistes ont payé : le décret rendant obligatoire la pose de pneus hiver a enfin été publié au Journal officiel ce dimanche 18 octobre. L’opportunité pour les pneumaticiens et tous les garages situés dans les départements dits "de montagne" de capitaliser sur un marché que les français boudent un peu trop souvent…
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Comme souvent, le modèle étranger a mis du temps avant de faire sa place en France. La faute à un climat globalement plus tempéré ? Ou au caractère irréductible des Gaulois que nous (ne) sommes (pas) vraiment ? Alors que les pays voisins comme l’Allemagne, la Suisse et même l’Italie ont depuis longtemps adopté des règlementations concernant la pose de pneus hiver durant la saison hivernale, l’Hexagone refusait jusqu’ici de rendre celle-ci obligatoire, y compris dans les départements dits "de montagne", où les températures sont souvent négatives l’hiver et où les chutes de neige et le verglas sont fréquents.

Les départements dits "de montagne" concernés

C’est donc la fin d’un long combat pour la filière du pneumatique française que vient signer la toute fraîche publication au journal officiel du décret n° 2020-1264 du 16 octobre 2020, autrement appelé décret "pneu hiver", ce dimanche 18 octobre. Le Syndicat des professionnels du pneu (SPP), le Syndicat national du caoutchouc et des polymères (SNCP), ainsi que les Travaux de normalisation du pneumatique français (TNPF) ont travaillé pendant dix ans pour obtenir cette victoire synonyme, pour les manufacturiers et réseaux de distribution qu’ils représentent, de relance d’un marché trop souvent stable et parfois en recul.

En effet, même si le pneu toutes saisons est plutôt venu cannibaliser les ventes de pneus été, le pneu hiver n’a pas toujours la cote auprès de nos concitoyens et nombreux sont les Français qui, en dépit d’être établis dans des régions au climat continental ou montagnard, ne remplacent pas leurs pneus été par des pneus hiver une fois la saison froide venue. En l’occurrence des enveloppes marquées M+S ou 3PMSF jusqu'au 1er novembre 2024, et M+S et 3PMSF après cette date.

Le pneu toutes saisons concerné

Des marquages qui se retrouvent également sur la majorité des pneus toutes saisons, leurs performances sous les 7 °C et sur chaussée humide et enneigée étant ainsi reconnue. Mais si le pneu toutes saisons a le vent en poupe, sa popularité croissante induit une méprise auprès des conducteurs, comme le rappellent les résultats d’une étude menée par le SPP et le GIPA en 2019, qui démontraient que 52 % des automobilistes étaient convaincus d’être équipés de pneus 4 saisons alors que le taux d’équipement réel ne dépassait pas les 10 %.

Malgré une modification du code de la route et l’ajout d’un article dans la loi Montagne en 2019 afin d’encourager la monte de pneus hiver lorsque les premiers frimas s’installent, rien n’était venu ancrer dans le marbre cette obligation faite aux automobilistes des départements mentionnés à l’article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, autrement dit ceux situés sur les massifs des Alpes, des Pyrénées, du Massif Central, du Jura, des Vosges et de la Corse. Dès le 1er novembre 2021, ils y seront désormais tenus. Il reviendra aux préfets de départements concernés, après avis du comité de massif, de dresser la liste des communes sur lesquelles des obligations s’appliqueront.

Des obligations différentes selon les catégories de véhicules

Dans un communiqué, Dominique Stempfel, président du SPP, qui représente les réseaux de négociants-spécialistes, rappelle savoir « combien certains élus très concernés par les conditions de circulation dans leur région se sont impliqués sur ce dossier qui s’est malheureusement, maintes et maintes fois enlisé » avant de se déclarer, au nom de tous les adhérents du SPP, « très heureux de ce dénouement et nous remercions [les élus] de s’être engagés pour une amélioration de la sécurité sur les routes. Nous sommes persuadés qu’une majorité d’automobilistes accueilleront cette nouvelle avec satisfaction. Dans notre dernière étude, 81 % d’entre eux jugeait positive la future disposition. »

Bien entendu, les différentes catégories de véhicules ne seront pas soumises aux mêmes obligations :

  • Les véhicules M1&N1 (tourisme, SUV et camionnette) devront être être équipés de 4 pneus hiver ou détenteurs de dispositifs anti-dérapants (chaines, ...) permettant d'équiper au moins les 2 roues motrices ;
  • Les véhicules M2&M3 (cars, bus et autobus) et les véhicules N2&N3 (Poids Lourds transport de marchandises) sans remorque ni semi-remorque devront être être équipés de pneus hiver sur au moins 2 roues motrices et 2 roues de l'essieu directeur ou détenteurs de dispositifs anti-dérapants permettant d'équiper au moins les 2 roues motrices ;
  • Les véhicules N2&N3 (Poids Lourds transport de marchandises) avec remorque ou semi-remorque devront être détenteurs de dispositifs anti-dérapants permettant d'équiper au moins 2 roues motrices.
Moins de sel sur les routes ?

Optimiste dans sa communication, le Syndicat des pros du pneu avance que « cette nouvelle réglementation devrait, en outre, contribuer à diminuer l’utilisation de sel sur les routes françaises : en effet, selon la rigueur de l’hiver, c’est entre 800 000 et 1 500 000 tonnes qui sont répandues sur et autour de la chaussée et qui par ruissellement, perturbent les écosystèmes terrestres et aquatiques ainsi que toute leur chaîne alimentaire ». Reste à savoir si une telle contrainte règlementaire aura une réelle influence sur les choix des directions départementales des territoires (DDT) et les préfets qui ont autorité sur elles de saler ou non les chaussées…

En attendant, voilà qui devrait faire l’affaire des réseaux de pneumaticiens ainsi que des centres auto et autres fast-fitters, dont l’activité pneumatique est l’une des plus importantes, sinon la plus importante. Et compte tenu du prix facial généralement plus élevé des pneus hiver ou toutes saisons par rapport aux pneus été, ce décret résonne comme un véritable levier de rentabilité pour les ateliers situés dans les départements concernés.

Une opportunité que ne devraient pas renier non plus les réparateurs sous enseigne constructeur ni les MRA, sachant que le pneumatique reste sur le podium des causes d’entrées-atelier. Le SPP encourage toutefois les propriétaires de grosses cylindrées, de SUV et de berlines dits "atypiques" de réserver leurs pneus en avance, sachant que certaines dimensions et certaines références peuvent se raréfier soudainement lorsque vient le pic de commandes.

Romain Thirion
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