Les équipementiers 1ère monte font-ils le lit de leurs concurrents aftermarket?

Jean-Marc Pierret
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Les violents effets qu'a la crise sanitaire et économique sur les pièces et fonctions produites par les grands équipementiers de 1ère monte leur font-ils perdre leur bon sens aftermarket ? L'écosystème de l'après-vente se pose la question de façon de plus en plus ouverte. Confidences inquiètes -mais rassurantes pour les réparateurs- d'équipementiers et de distributeurs...
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On ne peut certes reprocher aux grands acteurs de la pièce 1ère monte d'être victimes d'une incontrôlable car massive désorganisation de leurs chaînes de production calibrées sur celles des constructeurs. Leur maigre flexibilité ne peut s'adapter aux inédits et géographiquement changeants effondrements de volumes à deux chiffres vécus depuis plus d'un an.

Mais la distribution comme la réparation automobiles commencent, à tous les niveaux de la chaîne logistique, à s'inquiéter de la façon dont le problème est géré par les grands équipementiers mondiaux. Ceux qui justement sont depuis longtemps parmi leurs fournisseurs-clés car créateurs de technologies et de valeurs. Et à ce titre, souvent consacrés “strategic” ou “preferred” par les grands groupements d'achats nationaux, continentaux, voire planétaires comme par les plus petits distributeurs locaux.

« Positions aftermarket dévastées »

Car même la distribution, aussi stockiste soit-elle, commence à se plaindre de ruptures. Les effondrements des taux de service équipementiers s'étirent et se prolongent jusqu'à prendre parfois des couleurs plus structurelles que conjoncturelles. « C'est parfois surréaliste, raille cet acheteur ; on les voit communiquer frénétiquement sur les nouvelles mobilités de demain, alors même qu'ils ne se préoccupent même plus de répondre aux attentes d'entretien et de réparation des mobilités d'aujourd'hui ».

Lâchent-ils la proie pour l'ombre ? Menacent-ils le trône qu'il ont conquis à coup de R&D, d'innovations et d'accompagnement du marché de la rechange ? Le jugement est aussi lapidaire que trop souvent partagé : « Obnubilés par leurs problématiques industrielles, nos dirigeants sont en train de dévaster leurs propres positions aftermarket ». Ce patron de division aftermarket est encore sous le choc d'une inconcevable déroute. Il égraine tristement les millions d'euros perdus en Europe auprès des acheteurs de centrales de distribution qui se détournent de lui. Et sans grande réaction de son état-major...

« Gammes erratiques et taux de service indignes »

« On a parfois le sentiment que les grands équipementiers sont tellement convaincus d'être incontournables qu'ils pensent que le marché les attendra », confirme un distributeur.

Nous avons recontacté ce commercial d'une grande marque qui nous confiait en décembre n’avoir pu livrer, de longues semaines après une commande passée, que 30 % des références promises. Sans visibilité sur les 70 % restants. Depuis, rien n'a changé. Pire : « ça s'aggrave et se généralise », souffle-t-il. Il nous confirme avoir les mêmes confidences d'autres commerciaux parmi moult autres grands noms de la pièce : trop souvent, les coupes sombres dans les équipes commerciales et techniques, les réductions à la serpes des stocks déportés riment avec gammes erratiques et taux de service indignes.

Ce qui inquiète le plus, c'est effectivement de voir trop de ces grands faiseurs de l'équipement automobile renoncer même à réagir. Et si on les attend trop souvent, depuis trop longtemps, le pire reste à venir, confie un autre équipementier : « quand nos chaînes vont se réamorcer avec la reprise de la demande VN, elles vont prioritairement servir les constructeurs ».

Les réparateurs peuvent rester sereins

Reste que la nature même du business après-vente a horreur du vide. Les réparateurs peuvent donc rester sereins : ils seront toujours livrés. 39 millions de VP roulants en France -quelque 240 millions dans toute l'UE- ne peuvent attendre.

Les assembleurs de gammes ne manquent pas des composants de qualité qui leur permettent d'assembler leurs kits comme leurs gammes. Ils les trouvent en Chine où les usines de 1ère monte tournent à nouveau. Ou même auprès d'équipementiers qui, ces jours-ci, sont trop contents de déstocker en bradant dans l'urgence leurs sous-composants faute de pouvoir assembler des pièces orphelines d'une ultime composant en rupture.

Quant aux grands distributeurs, ils sont déjà forts de leurs MDD pesant parfois jusqu'à 25 % du business concerné. Et ils sont devenus suffisamment puissants pour industrialiser leurs propres sourcing concernant toute pièce que leurs grands équipementiers-partenaires livrent trop mal. En attendant de toute façon, les acteurs du dépannage assurent en gonflant leurs volumes, leurs marges et en comptant les dollars...

La pandémie va-t-elle favoriser l'émergence de spécialistes aftermarket que les équipementiers maintenaient jusqu'alors à distance respectueuse de leur parts de marché en rechange ?

Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...

Jean-Marc Pierret
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