Experts de la mobilité : un « think tank » pour anticiper demain

Jamais le marché n'a été autant bousculé, constate Fabrice Godefroy, DG d'IDLP et d'Alternative-Autoparts. S'il a créé le Collectif des Experts de la Mobilité mi-février, c'est avant tout parce que les changements profonds qu'induit l'électrification du marché rend la visibilité des futurs particulièrement flous.

Éviter le simplisme

C'est la première fonction du collectif : aider les professionnels comme le grand public à remettre en perspective l'évolution des marchés. Parallèlement, la jeune structure déploie une stratégie de lobbying chargée de redresser les visions manichéennes de consommateurs influencés par les fantasmes trop simplistes de l'électro-révolution et les prises de position trop électoralistes des pouvoirs publics.

« Au sein d'une structure qui s'organise depuis maintenant plus de deux mois, nous avons déjà considérablement accru et structuré notre veille technologique et réglementaire, poursuit F. Godefroy. Elle nous permet, dans nos interventions médiatiques, d'argumenter factuellement sur des réalités essentielles et trop vites oubliées ». Comme une stratégie de renouvellement écologique du parc dont les primes à la conversion participent en fait à un vieillissement du parc en favorisant les VO récents ; ou comme la trop vite mise au rebut idéologique du diesel.

Remettre l'église thermique au milieu du village

Car « à lire trop rapidement les statistiques VN, on a tendance à conforter la vision d'un reflux accéléré du diesel et plus largement, du moteur thermique. Mais on oublie ainsi que du côté des véhicules hybrides, on retrouve des diesel non comptabilisés ; on oublie aussi que ces hybrides en croissance exponentielle sont d'une complexité accrue qui promet au moins autant d'opportunités d'entretien-réparation qu'avant ».

Cette remise de l'église thermique au milieu du village s'accompagne d'un déploiement d'outils d'information et de formation à destination des professionnels. Tout d'abord pour leur rendre un peu d'espoir dans un monde qui crucifie une automobile accusée de tous les maux. « Il faut rappeler sans cesse que pendant le 1^er confinement, la circulation auto chutait de 80 % et les particules fines, de seulement 17 % », s'agace ce défenseur impénitent des vertus oubliées du diesel.

Anticiper plutôt que subir

Mais aussi et surtout, pour préparer la distribution comme la réparation aux prestations de demain. Et le défi prend en la matière des dimensions encore insoupçonnée que le collectif s'emploie à anticiper au plus vite.

« Il faudra demain commencer à changer des modules de batterie. Or, il nous faut identifier, contacter et accompagner dès maintenant des fournisseurs totalement nouveaux. Car ceux qui produisent les modules de batteries, leurs composants périphériques et d'autres fonctions émergentes ne sont pas nécessairement ceux qui nous accompagnent habituellement», avertit-il. Sans oublier qu'en aval, les réparateurs vont aussi devoir s'approprier de nouvelles prestations.

Et dans cette époque de ruptures technologiques et d'accélération des changements, tout l'écosystème de l'après-vente est concerné. « Pour la rechange et la réparation traditionnelle, l'inertie du parc roulant nous donne certes un temps d'adaptation ; mais ce n'est pas le cas par exemple des concessionnaires et des agents de marque. Eux qui commercialisent et entretiennent par définition des véhicules récents sont déjà très conscients d'être en première ligne d'une réduction drastique des entrées-atelier ».

En creux, le collectif a donc aussi pour mission de maintenir les grands équilibres entre rechange indépendante et rechange constructeur : familiariser les premiers aux nouvelles technos en sachant que les seconds vont devoir accélérer leur recherche de relais de croissance vers le parc plus âgé.

Penser demain sans dogmatisme

En se voulant ainsi carrefour des tendances et chercheur de nouvelles opportunités, le collectif fédère toutes les énergies pour informer et former. « Nous regroupons des sources et des partenaires multiples. Au sein d'IDLP et d'Alternative-Autoparts, nous nous appuyons sur nos services techniques et marketing pour préparer d'ores et déjà les lignes de produits portées par les nouvelles technologies électriques et hybrides. C'est un véritable “think tank” opérationnel où dialoguent formateurs et équipes techniques d'équipementiers qui elles-mêmes s'appuient sur leurs propres services de R&D 1^ère monte ».

Alors que le collectif prépare déjà des modules de formation nouveaux pour déploiement au second semestre, il se donne aussi pour mission d'ouvrir les chakras de la rechange et de la réparation indépendantes. « Qu'on le souhaite ou qu'on le déplore, les mentalités changent et les pressions réglementaires s'accentuent ; les ZFE se multiplient dans les grandes agglomérations qui favorisent et encouragent l'émergence de nouvelles mobilités. Nos réflexions prospectives en tiennent compte sans dogmatisme aucun. Les compétences technologiques et logistiques de la distribution et de la réparation indépendantes peuvent et doivent s'y préparer ».

Quand on est effectivement capable d'identifier et de fournir les quelque 30 000 pièces qui composent une automobile en assumant tous les services qui en accompagnent la fourniture et le montage, il doit effectivement être aussi possible de devenir un acteur crédible des avatars multimodaux qui s'annoncent déjà. Qui peut le plus peut effectivement le moins. De la trottinette aux émergents VE exclusivement urbains en passant par les vélos électriques VP et maintenant VUL (dits « vélos cargos »), le naissant et volontaire Collectif des Experts de la Mobilité a bien l'intention de réfléchir à tous les futurs possibles sans n'insulter aucun avenir...