Hyundai : la FNAA porte plainte pour atteinte à la libre concurrence !

Jérémie Morvan
Image
COMMISSION EUROPÉENNE
La FNAA a décidé de mettre en demeure Hyundai de se conformer à la législation et a porté plainte devant la Commission européenne. Pourquoi ? Le 24 février, le siège européen du constructeur a envoyé un courrier aux réparateurs indépendants leur annonçant qu'à compter du 1er mars,  la garantie commerciale de 5 ans kilométrage illimité ne serait plus accordée qu’aux seuls véhicules vendus au travers de son réseau agréé...
Partager sur
Il fallait oser : Hyundai l’a fait. Et s’il n’est certes pas le premier à avoir essayé, les précédentes tentatives avaient été tuées dans l’œuf. Mais cette fois, c’est écrit noir sur blanc.Alors que la Commission européenne s’évertue à favoriser au maximum la libre concurrence sur les marchés au bénéfice des consommateurs, voilà en effet que le constructeur coréen Hyundai vient de jeter un sacré pavé dans la mare : son siège européen a envoyé fin février une jolie salve de courriers à plusieurs garages indépendants de l’Europe de l’Ouest (dont la France) vendant des véhicules de sa marque. Objet de cette missive : à compter du 1er mars, sa garantie commerciale de 5 ans, kilométrage illimité, ne sera plus appliquée aux véhicules neufs vendus par un professionnel indépendant. Entendre hors réseau de marque. Et ce, quand bien même ledit véhicule aurait été acheté auprès d’un distributeur agréé.
Décision arbitraire… et abusive !
Aussitôt alertée, la FNAA a réagi. D’abord sur la forme : en date du 24 février dernier, le courrier, qui a donc dû être reçu aux alentours du 27, ne laissait guère que quelques heures aux professionnels destinataires pour se retourner : seulement trois jours ouvrables avant l’application de cette décision ! Avec le risque évident de se retrouver avec des stocks de véhicules au mieux difficilement vendables (allez dire à un acheteur potentiel que le véhicule est une Hyundai mais qu’il ne bénéficiera pas de la garantie de 5 ans kilométrage illimité…), au pire pas vendables du tout.Mais c’est surtout sur le fond que l’organisation professionnelle s’insurge. Elle estime en effet que cette stratégie a pour objectif de restreindre abusivement l’accès pour les consommateurs à l’achat de ses véhicules hors de son réseau. Une entrave à la libre concurrence manifeste, que ne sauraient tolérer des professionnels qui, au passage, ont légalement contribué à l’essor de la marque sur le marché européen. La FNAA souligne par ailleurs que cette annonce par le constructeur ne va pas dans le sens des intérêts des consommateurs, pour qui cette garantie commerciale peut être constitutive d’un critère déterminant dans l’achat d’un véhicule. En la réservant à son seul réseau, Hyundai entendrait en effet de cette manière verrouiller les prix de vente de ses modèles…Pire : l’entrave est double puisque, sur le plan de l’entretien-réparation, retirer cette garantie commerciale revient à orienter un peu plus l’automobiliste vers son réseau agréé. Une pratique anti-concurrentielle faisant fi du principe du libre choix de son réparateur !
Les précisions de la Commission
Face à cette situation, l’organisation professionnelle a donc décidé de mettre en demeure le constructeur d’automobiles de se conformer à la législation européenne. Et pour lui mettre un peu plus la pression, elle a également annoncé avoir déposé plainte devant la Commission européenne pour atteinte à la concurrence.Et elle semble plutôt sûre de son fait. La Commission européenne, saisie d’un nombre croissant de plaintes de la part de distributeurs automobiles parallèles (indépendants), principalement en Allemagne, a apporté de nécessaires clarifications en raison de distributeurs agréés qui se rangeraient derrière la jurisprudence européenne «Cartier» pour justifier de leur refus de reconnaître la validité d’une garantie automobile pour un véhicule lorsque celui-ci a été vendu par un distributeur non agréé. Dans son arrêt Cartier du 13 janvier 1994, la Cour de justice européenne avait en effet déclaré que la limitation de la garantie du fabricant aux montres Cartier vendues par l’intermédiaire du réseau de distribution sélective n’était valide qu’à condition que ledit système de distribution sélective n’enfreigne pas l’article 85 du traité de la Communauté Européenne...
Une garantie constructeur ne peut se limiter aux ventes réseau
Or, le régime de distribution sélective pour le secteur de l’automobile est régi par un règlement spécifique d’exemption par catégorie. Une exemption assortie de plusieurs conditions, dont «la plus importante, rappelle la Commission européenne, est que le consommateur puisse, dans le cadre de sa garantie, bénéficier pour son véhicule d’un service d’entretien ou de réparation dans toute l’Union européenne».Et de rappeler au bon souvenir des constructeurs d’automobiles que «l’article 5 du règlement 123/85 pose comme principe qu’une garantie délivrée par un constructeur automobile pour un produit vendu par l’intermédiaire de systèmes de distribution sélective doit être valable dans toute l’Union européenne et qu’on ne peut en restreindre le bénéfice aux ventes en réseau. Lorsqu’un distributeur non agréé achète un véhicule à un distributeur agréé, le consommateur qui achète ce véhicule doit pouvoir bénéficier de la garantie du constructeur, que le distributeur agréé soit ou non autorisé à effectuer la vente initiale.»Le constructeur va-t-il se conformer à la mise en demeure formulée par la FNAA ou ira-t-il jusqu’au bras de fer ? Si tel est la cas, il lui faudra trouver des sources juridiques au moins aussi claires…
Jérémie Morvan
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire