Carrosserie : mais où sont les vrais chiffres du business ?

Romain Thirion
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Chaque publication des chiffres annuels de l’Observatoire de la petite entreprise donne lieu au même constat. Celui d’un décalage de ses statistiques du business de la réparation automobile et de la santé des garages et carrosseries avec les données des autres études (FFC, GiPA, réseaux…). Alors où sont réellement les vrais chiffres et qui peut prétendre détenir la photographie la plus ressemblante du marché français de la carrosserie ?
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+1,5% de croissance. Telle serait la progression du chiffre d’affaires des carrosseries en France en 2016 selon l’Observatoire de la petite entreprise. L’organisme, rattaché à la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA), qui regroupe des cabinets d’expertise comptable, publie chaque année le taux d’accroissement des chiffres d’affaires des TPE dans la plupart des secteurs de l’économie réelle. Et ceux des entreprises de carrosserie, en 2016, démontreraient que le secteur a relevé la tête par rapport à 2015, où elles affichaient un recul de 0,3% au regard de l’année précédente. Du quatrième trimestre 2015 au quatrième trimestre 2016, la progression est encore plus forte : +1,8% !
Plus fort que les TPE du secteur auto tout entier !
Ainsi l’Observatoire analyse-t-il ces statistiques : «La réparation automobile est l’une des rares professions qui affichent un chiffre d’affaires en hausse en 2016. Après avoir différé certaines interventions non urgentes sur leurs véhicules, les automobilistes ont sensiblement accru leurs dépenses d’entretien-réparation, peut-on lire dans l’étude publiée par la FCGA. Notamment parce que la baisse des prix du carburant a redonné un peu d’oxygène au budget auto des Français. Pour les garagistes indépendants, le marché reste tout de même difficile avec la concurrence farouche des réseaux spécialisés de réparation et le piège des contrats d’entretien des constructeurs.»Selon la FCGA, les carrossiers auraient fait même mieux, en 2016, que leurs confrères de la vente et de la réparation. Pour ces derniers, le chiffre d’affaires aurait tout bonnement stagné (0,0%) après un fort recul de 2014 à 2015 (-3,1%). Les carrossiers font même mieux que les TPE du secteur des services de l’automobile tout entier, dont la progression n’est que de 0,9%, après un recul de 2,8% entre 2014 et 2015 !Ce dynamisme a de quoi surprendre. Surtout lorsque l’on sait, d’expérience, que la sinistralité automobile est en baisse. Que le secteur est en proie à une concentration galopante. Et que le marché est en grande partie captif des orientations des donneurs d’ordres, assureurs comme plateformes de gestion de sinistres, qui compressent les tarifs des pros au travers de leurs conventions d’agrément.
CA carrosserie : sources différentes, chiffres différents
Bien sûr, la FCGA et son Observatoire de la petite entreprise ne sont pas les seuls à délivrer des statistiques. La Fédération française de carrosserie (FFC), l’une des trois principales organisations professionnelles du métier de réparateur, publie régulièrement son baromètre trimestriel. Et dans le dernier, paru fin mars 2017, la FFC y relayait l’estimation du GiPA quant à la progression du chiffre d’affaires des carrossiers (RA1, RA2 et réparateurs indépendants confondus) : +2% par rapport à 2015. Une augmentation plus forte encore que celle avancée par la FCGA ! Et un chiffre qui s’avère en total décalage avec celui des grands réseaux de réparation, selon qui les résultats 2016 seraient stables par rapport aux tendances 2015, avec recul de 0,7% du chiffre d’affaires des carrosseries. Contre 0,8% entre 2014 et 2015.Étonnamment, l’on constate que malgré l’écart affiché entre chiffres FCGA et GiPA, d’un côté, et chiffres des grands réseaux, de l’autre, les statistiques mises en avant pour 2015 s’avèrent moins éloignées les unes des autres que celles de 2016… Alors où est la vérité du business des carrossiers en France ? «Au milieu», selon l’expression populaire ? Ou bien ne peut-elle être issue de ces chiffres-là ? Selon les autres syndicats professionnels de réparateurs, les chiffres de la FCGA ne peuvent être pris pour argent comptant… car ils ne reflètent tout simplement pas les chiffres de l’ensemble des entreprises de réparation carrosserie.
Un panel FCGA non représentatif ?
A la branche Carrossiers du CNPA, on l’affirme depuis plusieurs années : «les chiffres de l’étude FCGA ne rendent compte que des résultats d’une partie seulement des réparateurs». Pourquoi ? Parce qu’ils sont tout simplement issus des statistiques des centres de gestion agréés que la FCGA fédère, et qui procèdent donc à la comptabilité des entreprises qui sollicitent leurs services. Y compris des TPE du secteur de la réparation auto. Et qui paient évidemment ces prestations.«Nous avions déjà écrit à la FCGA il y a deux ans pour lui expliquer que son panel ne saurait donner une image exacte de l’activité carrosserie tout entière car il est pertinent sur le volume, mais pas sur la valeur, ajoute-t-on au CNPA. En effet, leur panel n’est constitué que des plus grosses affaires, des entreprises qui ont les moyens de confier leur comptabilité à un centre de gestion agréé : seuls les comptes certifiés sont inclus dans le panel.»
L’air est meilleur en haut… du panier
Or, une grande partie des carrosseries n’ont pas les moyens de recourir aux services d’un cabinet d’expertise comptable. Et les comptes restent tenus par les conjointes des carrossiers ou par un employé à temps partiel dans de très nombreuses entreprises. D’un côté, cela signifie que les entreprises de carrosserie les mieux structurées, qui peuvent s’offrir les services d’un centre de gestion agréé, ont réussi une bonne année 2016, au regard des chiffres de l’Observatoire de la petite entreprise. Mais d’un autre, cela pose la question de la situation réelle de l’activité des autres sociétés du secteur de la réparation carrosserie.Le CNPA n’est toutefois pas convaincu par la grille de lecture des statistiques des TPE du secteur appliquée par la FCGA. «Le résultat net est sans doute plus parlant que le seul chiffre d’affaires, explique-t-on à la branche Carrossiers. C’est pourquoi nous avons lancé de notre côté, auprès des professionnels de la réparation, notre propre baromètre, sur la base d’une grille empirique. Les pros seront notamment répartis selon leur activité précise.» Peut-être aurons-nous alors des statistiques plus précises sur l’ensemble de l’activité réparation carrosserie plutôt que sur le seul haut du panier.
Romain Thirion
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