Comment et pourquoi LKQ aime tant l’Europe de la pièce (1ère partie)…

Jean-Marc Pierret
Image

Vous aimeriez comprendre comment et pourquoi LKQ veut tellement conquérir l'Europe de la pièce ? Suivez-nous dans cette étude comparée des principaux chiffres régulièrement publiés par le géant américain. 1er volet de notre analyse : le “comment”, avec un état des lieux de l'insolente conquête européenne du distributeur et de la concentration galopante qu'il impose à tous ses concurrents...

Partager sur

Début 2016, nous rendions ici publics quelques extraits d'un document de LKQ Corporation qu'il destinait à ses investisseurs lors du rachat de l'Italien Rhiag (voir «Le document qui confirme les ambitions de LKQ !»). Il fourmillait de chiffres sur la distribution de pièces en Europe, chiffres dont nous vous faisions alors profiter en partie (l'intégralité du document est cette fois téléchargeable ici).

18 mois plus tard, à l'occasion d'une récente conférence new-yorkaise, le groupe de distribution vient d'éditer une nouvelle analyse du marché européen. Son intérêt ? Comme elle reprend peu ou prou la même structure qu'en 2016, l'étude permet donc de voir ce qu'il s'est passé depuis un an et demi sur notre continent. A commencer par cette évolution du classement européen des plus grands groupes de distribution intégrés entre fin 2015 et mi-2017 (cliquez sur les graphiques et cartes ci-dessous pour les agrandir) :

 

Évolutions entre juin 2017 (graph. 1) et décembre 2015 (Graph. 2)
- en Mds d'€ -
tableau 1 Graphique 1 - Classement juin 2017 (source: LKQ Corp.)
Graphique 2 - Classement fin décembre 2015 (source: LKQ Corp.) Graphique 2 - Classement fin décembre 2015 (source: LKQ Corp.)

A tout seigneur, tout honneur : selon son propre classement, LKQ Corporation affiche maintenant presque 3 milliards d'euros de CA cumulés en Europe. Une sacré performance pour ce distributeur américain que nous vous faisions découvrir fin 2013, quand il nous est apparu que son ambitieuse boulimie de rachats allait finir par bousculer nos acteurs de la pièce (voir «LKQ Europe va-t-il révolutionner la distribution européenne?»).

Fin 2015, le groupe pesait déjà 2,174 milliards d'euros en Europe, lui qui débarquait par l'Angleterre 4 ans plus tôt seulement. Depuis 18 mois, il a encore ajouté la bagatelle de 726 millions d'euros de CA à ses activités européennes, ce qui n'est guère surprenant. Le géant américain a effectivement fait plusieurs nouvelles emplettes sur notre Vieux Continent : Hella Ireland, Andrew Page, Mekonomen, quelques distributeurs au Benelux et dernièrement, AD Polska. Des emplettes significatives pour la plupart puisqu'elles lui ont permis de croître de 33% en un an et demi.

Du coup, l'Europe pèse maintenant plus de 35% des 8,04 milliards d'euros de CA (9 milliards de dollars) réalisés dans le monde par LKQ.

 
AAG, n°2 européen derrière LKQ

Premier constat : à la lumière de ces deux graphiques, c'est Alliance Automotive group (AAG) qui doit être content. Car selon ce dernier classement du leader LKQ qui lui attribue un CA de 1,7 milliard d'euros, voilà AAG propulsé en 18 mois de la 9ème... à la 2ème place européenne !

A l'époque, nos “grandes oreilles” avaient cru entendre qu'AAG s'était vexé de se voir injustement confiné en queue de classement, avec seulement 638 millions d'euros de CA constatés par la précédente analyse de LKQ. Mais il est vrai aussi que la discrétion légendaire du groupe de Jean-Jacques Lafont quant à son mix entre le CA d'Alliance et celui des adhérents indépendants rend du coup les estimations toujours incertaines. On ne saurait donc dire si LKQ avait sous-estimé AAG fin 2015 ou si ce dernier a décroché depuis le record des acquisitions durant les 18 derniers mois. La vérité est probablement au milieu...

Si en revanche Autodis Group (Autodistribution) rétrograde de la seconde à la quatrième position, ce n'est pas en déméritant. Toujours selon les estimations de LKQ, le groupement français est passé en 18 mois de 1,170 milliard à 1,4 milliard, grâce notamment à l'acquisition de Doyen. C'est en fait tout l'environnement concurrentiel qui a changé. Dans l'intervalle, AAG a donc progressé plus vite. Et il n'est pas le seul : l'Allemand Wessels Müller a fini d'absorber son confrère Trost. Dorénavant intégré, leur chiffre d'affaires commun de 1,5 milliard d'euros est logiquement venu s'intercaler entre le 1,7 milliard d'AAG et le 1,4 milliard d'Autodis.

Confirmation d'une concentration généralisée

Reste que, même si les classements ont changé, les 10 plus gros acteurs de la rechange indépendante européenne ont, d'une façon ou d'une autre, grandi en 18 mois. Parallèlement aux LKQ, AAG, Autodis et autres WM+Trost dont on vient de constater les progressions, l'Allemand Stahlgruber a bondi de 1,03 à 1,3 milliard, le Polonais Intercars est passé de 930 millions de CA à 1,1 milliard, l'Anglais Parts Alliance (racheté récemment par le canadien Uni-Select), a crû de 612 millions à 700 millions.

Certes, parmi les 8 leaders européens recensés par LKQ, le Suédois Mekonomen semble le seul à avoir stagné. Mais il s'est quand même indirectement renforcé en tombant pour partie dans l'escarcelle de LKQ. Pourquoi d'ailleurs ce dernier s'est-il arrêter à 26,5% du capital de l'entreprise, lui qui gobe habituellement en une fois la totalité de ses proies ? L'inhabituelle prudence s'explique par le statut partiellement public du distributeur scandinave. Mais de l'avis de beaucoup d'observateurs avisés, LKQ ne devrait pas se satisfaire durablement du quart seulement des 615 millions de CA de Mekonomen...

Bref, on vous l'explique ici suffisamment souvent : la concentration de la distribution indépendante est bel et bien en marche dans toute l'Europe. Ce qui explique d'ailleurs que le Top 10 de décembre 2015 soit depuis devenu un “Top 8”, comme nos lecteurs attentifs l'auront sûrement déjà constaté.

Le débarquement de LKQ en Europe n'a peut-être pas initié ces mouvements, inscrits depuis longtemps dans les gènes d'un marché de la distribution trop atomisé. Mais à coup sûr, il les a accélérés. Jusqu'à d'ailleurs susciter récemment l’intérêt d'Uni-Select, cet autre nord-américain leader de la distribution de pièces au Canada, qui semble vouloir marcher sur ses traces. Le québécois vient de s’offrir les 303,5 millions d’euros de chiffre d’affaires du N°2 britannique Parts Alliance...

 

LKQ consolide ses positions...
Carte 1 - implantations européennes en juin 2017 (source: LKQ Corp.) Carte 1 - implantations européennes en juin 2017 (source: LKQ Corp.) Carte 2 - implantations européennes fin décembre 2015 (source: LKQ Corp.) Carte 2 - implantations européennes fin décembre 2015 (source: LKQ Corp.)

LKQ n'a pas non plus perdu son temps en matière de concentration, même si rien ne semble vraiment avoir changé concernant son “empreinte” géographique (“footprint”) en Europe. Si on n'y prend garde effectivement, la carte ci-contre de juin 2017 apparaît globalement similaire à celle de fin 2015.

Il existe pourtant une première et subtile différence : le Royaume-Uni est cette fois totalement investi par le distributeur, alors que, deux ans plus tôt, il lui restait à conquérir la République d'Irlande pour pouvoir revendiquer une présence sur tous les territoires d'outre-Manche. C'est chose faite depuis le rachat de Hella Ireland mi-2016...

Mais l'Irlande n'est pas l'essentiel. En fait, depuis 18 mois, LKQ Europe s'est surtout attaché à consolider des positions déjà acquises. En plus du quart de Mekonomen venu renforcer son implantation scandinave, il a ajouté Andrew Page  au leader ECP détenu en Angleterre depuis 2011. Quelques distributeurs du Benelux ont ensuite consolidé son poids obtenu sur ce marché par le rachat en 2013 de Stator/Van Heck, puis de Kühne Automotive. Plus récemment, AD Polska était repris par sa filiale Rhiag, déjà préalablement présente en Pologne. Ces seules opérations expliquent à elles seules plus de 500 des 726 millions de CA supplémentaires engrangés par le distributeur depuis fin 2015...

Les gros marchés encore à conquérir

Mais LKQ a encore du pain sur la planche. Il reste absent d'un bon nombre de marchés est-européens malgré le rachat de Rhiag (tous les pays couverts à l'Est sont des filiales du distributeur italien). Et surtout, il n'a toujours pas pénétré ces trois marchés majeurs de l'Ouest européen qui résistent encore à ses appétits conquérants : la France, l'Allemagne (LKQ tentait sans succès d'acheter PV Autoteile fin 2013) et la péninsule ibérique.

C'est donc écrit : tôt ou tard, on verra le géant sortir son chéquier pour poser le pieds sur l'un −ou sur chacun− de la vingtaine de marchés européens qu'il lui reste à conquérir. Car à en croire la société d'études Wolk, il existait encore fin 2016 en Europe une petite cinquantaine de distributeurs indépendants dépassant chacun les 100 millions d’euros de CA. Un certain nombre d'entre eux vont évidemment se mettre en situation d'être rachetés, par crainte d'être disqualifiés à terme par la concentration croissante de leurs puissants concurrents. A eux seuls, ces cinquante prospects pèsent la bagatelle de 5 autres milliards d'euros de CA à acheter.

Sans compter bien sûr le reste du vivier européen : 48 000 entreprises de distribution de pièces de toutes tailles sévissent encore de l'Atlantique à l'Oural…

 

Pour retrouver la deuxième partie de cet article : Analyse – Comment et pourquoi LKQ aime tant l’Europe de la pièce (2ème partie)…

 

Jean-Marc Pierret
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire