analyse – Newdis / Otop remettra-t-il le réparateur au centre du marché?

Jean-Marc Pierret
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En proposant de livrer quotidiennement aux réparateurs des pièces Premium à des prix égaux ou inférieurs à ceux promis aux automobilistes par les sites de vente en ligne , Otop choisit clairement son camp : remettre les réparateurs au centre du jeu. Ce faisant, il secoue les fondamentaux de la distribution traditionnelle et embarrasse ses fournisseurs équipementiers... 
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Considérer l'initiative Otop comme une expérience improbable de plus peut être une grave erreur. Car en bien des points, expliqués par le menu dans notre article «Otop : Newdis ose la distribution… disruptive», l'initiative peut tout autant devenir un événement fondateur, voire même potentiellement refondateur de la distribution de pièces multimarque en France. Non pas parce qu'il pourrait s'approprier une telle part de marché qu'il en viendrait à submerger les modèles existants : Otop ne compte s'adjuger, au terme de ses 4 ans de développement, que 3,5% des 6,5 milliards d'euros d'achats réalisés par les réparateurs (marché estimé au prix de vente à réparateur) en pièces, pneus, lubrifiants et outillage.
Otop dangereux d'abord pour les jobbers
De toute façon, avec les 35 000 références pour 121 lignes de produits annoncés par Otop, il n'y a pas là de quoi torpiller, et encore moins couler, les vaisseaux amiraux de la distribution traditionnelle française que sont des  Autodistribution et autres Alliance/Groupauto. Ni même les vedettes rapides façon Alternative Autoparts ou IDRechange.Si Otop devait envoyer par le fond une partie de la distribution en proposant jusqu'à -30% par rapport au prix de vente habituel à réparateur, ce sera plus sûrement la flottille des jobbers qui pêchent le réparateur en eaux troubles en l'appâtant certes avec des prix similaires, mais issus de pièces incertaines ou d'offres erratiques remontées de fonds de cales inavouables.
une initiative mutagène
Reste une évidence qui risque bien de s'imposer à tous : Otop souffle un vent nouveau qui, en cas de succès, va possiblement meurtrir quelques voiles de l'armada de la distribution traditionnelle et la forcer à recalculer sinon son cap, au moins ses marges. Car le nouveau-né affiche un convaincant profil de mutant. Il est capable de promettre aux réparateurs des pièces premium à un meilleur prix d'achat que celui qu'exhibent aujourd'hui les rois de la remise que sont les oscaro, Mister-Auto et autres Yakarouler !Sur le papier au moins, le concept Otop est tellement malin, structuré, financé et pertinent qu'il peut prétendre modifier l'ADN de tout un secteur. Sa force ? La simplicité de son approche. Le coup de génie d'Otop est d'être reparti d'une page blanche sans rien avoir à ré-inventer de fondamental.
Du neuf avec du vieux
Il se contente en fait d'assembler des briques existantes avec les prérequis identifiés comme essentiels (logistique optimisée, sourcing premium, digitalisation omniprésente, structure centrale comme locales ultra-légères, circuit ultra-court façon pure-players), le tout en s'appuyant sur une proximité physique assortie de services à la fois élémentaires et différenciants.Cela fait, Otop n'a plus qu'à cimenter l'ensemble avec les deux frustrations recuites du secteur : en amont, celle des équipementiers agacés par les exigences tarifaires de la distribution ; en aval, celle des réparateurs malmenés par les prix assénées quotidiennement aux millions d'automobilistes visitant les sites grand public des acteurs web de la pièce.Otop peut dès lors assumer et justifier pleinement les limites intrinsèques de son modèle (une seule livraison par jour, une seule référence par montage). Car c'est ainsi et seulement ainsi qu'il peut rendre possible l'impossible : réconcilier le meilleur de deux mondes jusqu'alors réputés antinomiques, à savoir les prix imbattables de la vente de pièces en ligne, avec quelques-uns des services-clés de proximité apportés par la distribution traditionnelle.
Tout un marché au pied du mur
Bien sûr, Otop a encore tout à prouver. Tout ne sera pas nécessairement aussi rose que le promet la couleur de son logo, aussi disruptive que son concept. Bien sûr, la distribution traditionnelle ne va pas laisser grandir l'expérience sans réagir. Et bien sûr encore, quelques grands équipementiers ont décliné l'opportunité. Au nom de différentes raisons : par fidélité au modèle existant ; par peur de s'attirer les foudres de leurs puissants distributeurs historiques ; parce qu'ils craignent d'associer leurs marques à des prix de vente inférieurs à ceux affichés par Oscaro ; ou tout simplement parce qu'ils trouvent qu'à trop casser les prix, c'est le référentiel constructeur qui peut dévisser en emportant tout le marché.
Des fournisseurs (im)prudemment contre
Mais qu'elle soit sincère ou de circonstance, il y a plusieurs limites à la résistance des équipementiers réfractaires. Très peu d'entre eux peuvent prouver qu'ils sont absents, ou au pire présents malgré eux, sur les sites de ventes en ligne qui affichent des tarifs grand public similaires à ceux d'Otop. Les réparateurs, qui fréquentent assidument les sites en question, ne sont pas aveugles.Car refuser trop ouvertement Otop sans toutefois s'extraire des pages des pure-players peut s'avérer dangereusement contre-productif. Les mêmes équipementiers sont-ils vraiment prêts à prouver qu'ils sont ainsi plus soucieux du pouvoir d'achat des automobilistes ou de la rentabilité des distributeurs que de l'intérêt des réparateurs eux-mêmes ? Pas facile à assumer, à l'heure où les mêmes fabricants de pièces sont prêts à toutes les aventures, même parfois les plus incertaines, pour faire salon privé avec les réparateurs...C'est pour toutes ces raisons au moins qu'Otop est dangereusement subversif pour l'ordre établi de la distribution. Il met en lumière les contradictions, tarifaires ou stratégiques, des principaux acteurs et se propose de les abolir. A tout le moins, Otop est sur le point de convaincre les réparateurs −qui ne demandent qu'à l'être− qu'il est finalement possible, dès lors qu'on le décide, d'allier la meilleure des pièces avec le meilleur des prix.Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...Le défi que lance Otop à la distribution en quelques chiffres. Otop vendant les pièces 30% moins cher au réparateur, il suffit à un centre-type de son réseau d'atteindre 1,2 million d'euros pour peser le même volume qu'un distributeur traditionnel réalisant 1,8 million. Le reste du graphique est éloquent: l'ultra-light concept optimise la rentabilité à tous les niveaux, qu'il s'agisse de masse salariale, d'investissements en équipements et surtout, de stock puisque la livraison à J+1 permet de s'en dispenser. Otop fera-t-il mentir la vieille maxime des distributeurs : "c'est le stock qui fait les ventes"? Le défi que lance Otop à la distribution en quelques chiffres. Otop vendant les pièces 30% moins cher au réparateur, il suffit à un centre-type de son réseau d'atteindre 1,2 million d'euros pour peser le même volume qu'un distributeur traditionnel réalisant 1,8 million. Le reste du graphique est éloquent: l'ultra-light concept optimise la rentabilité à tous les niveaux, qu'il s'agisse de masse salariale, d'investissements en équipements et surtout, de stock puisque la livraison à J+1 permet de s'en dispenser. Otop fera-t-il mentir la vieille maxime des distributeurs : "c'est le stock qui fait les ventes"?
Jean-Marc Pierret
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