Duracool et Deepcool (suite) : insaisissables fluides frigorigènes

Romain Thirion
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Nos récents articles sur les fluides frigorigènes Duracool et Deepcool, non homologués par les constructeurs dans le cadre de la recharge clim, ont suscité des interrogations de nos lecteurs, en particulier sur le moyen d’identifier la “pollution” d’une boucle de clim au R134a ou au R1234yf par l’un de ces deux produits. Pas si simple, pour les fabricants de stations de charge et les distributeurs spécialisés…
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« Bonjour, j’aimerais savoir comment on peut reconnaître sur un système de clim R134a qu’il comporte du Deepcool/Duracool et quels sont les risques pour la station de clim R134a en recyclant du Deepcool/Duracool ?»A cette question posée par Philippe, l’un de nos lecteurs, nous avons cherché à en obtenir la réponse auprès de plusieurs acteurs spécialisés du marché de la climatisation automobile, mobilisés depuis plusieurs années contre les démarches commerciales directement dirigées vers les réparateurs par les fournisseurs de Duracool et Deepcool, comme en témoigne la toute dernière sortie de la société SNDC-Ecoclim.
Refus possible de garantie sur la station
Mais puisque les équipementiers et distributeurs spécialisés œuvrant sur ce marché n’emploient QUE les fluides homologués par les constructeurs sur le sol européen, comme le R134 ou le plus récent R1234yf, obtenir une réponse nette et précise relève pour l’instant de la gageure. Ainsi, Jean-Franck Buttarazzi, formateur technique et spécialiste SAV climatisation chez le fabricant italien de stations de charge Texa cite-t-il les ingénieurs de l’entreprise. Il souligne que «le transit d’un autre fluide que le R134a ou le R1234yf dans les machines qui leur sont dédiées compromet purement et simplement la station et entraîne le refus de pris en garantie».
Incompatibilité des composants des stations
Pour procéder à la recharge d’une boucle de clim en fluide frigorigène, en effet, il faut d’abord procéder à la purge de ladite boucle. Ce faisant, la machine que l’on utiliser récupère le produit qu’elle contenait… à ses risques et périls s’il s’agit d’autre chose que d’un chlorofluorocarbure (CFC) ou d’un hydrocholorofluorocarbure (HCFC), gaz fluorés dont sont composés les fluides R134a et R1234yf. Mais dont ne sont pas composés les Duracool et Deepcool.«Ce sont des fluides à base d’hydrocarbures et leur passage dans les circuits des stations de charge peut endommager les joints, compromettre les compresseurs, pervertir le réservoir, parce que ces machines ne sont pas conçues pour les recevoir, avance Jean-Franck Buttarazzi. Sans compter que ce type de fluide est réputé pour être inflammable.»«De plus, moins le gaz frigorigène est pur, moins efficace est son utilisation», ajoute-t-il. Raison de plus pour ne pas faire de mélange, pas même par inadvertance. «En outre, les stations de charge déterminent la quantité de fluide à injecter au poids», ce qui complique la tâche d’une station “polluée” par du Duracool ou du Deepcool car le volume de ces derniers diffère de celui des fluides homologués. Malheureusement, Texa n’a pas, en interne, les outils appropriés pour détecter si la boucle d’air conditionné d’un véhicule embarque du Duracool ou du Deepcool. «Mais nous nous posons sérieusement la question de nous équiper d’un tel matériel», souligne Jean-Franck Buttarazzi.
Un outillage rudimentaire
Car les sociétés distribuant Duracool et Deepcool surfent allègrement, depuis de longs mois, sur le renchérissement croissant du fluide R134a, dont la production a été stoppée et dont les stocks sont comptés, compromettant potentiellement un nombre important de stations de charge. D’autant que le discours tenu a de quoi séduire les garagistes échaudés par ces hausses de tarif : pas d’habilitation nécessaire pour l’usage de Duracool ou Deepcool, pas d’étalonnage de la station de charge, pas de révision annuelle… Pour la simple et bonne raison qu’il n’est nul besoin d’une machine pour charger l’un ou l’autre des deux fluides dans une boucle de clim.«Il suffit de quelques outils pour charger un véhicule avec ces deux fluides, affirme Joseph Bertho, responsable commercial d’Electric Station Climatisation (ESC), distributeur spécialisé de pièces, de stations de charge, de fluides, d’outillage et de consommables dédiés à l’activité clim. Un manifold, une pompe à vide, la bouteille de Duracool ou Deepcool posée sur une balance et la charge effectuée à la pression, à l’ancienne, en dehors des normes strictes que l’on connaît avec les fluides homologués.» Un procédé artisanal, donc.
L’étiquette doit faire foi... en théorie
Et la manière d’identifier le Duracool et le Deepcool sur un véhicule suspect, quelle est-elle, au juste ? «Nos outils nous permettent seulement, en l’état actuel, de déterminer que le fluide extrait du véhicule n’est pas pur, qu’il a été mélangé avec un autre, mais sans être capables de dire lequel, explique Joseph Bertho. Mais nous allons équiper nos techniciens des analyseurs nécessaires pour faire la différence, à la sortie, entre les fluides.»Quoi qu’il en soit, selon le responsable commercial, les kits de recharge au Duracool et au Deepcool contiennent «une étiquette qui doit être laissée sur le véhicule et qui précise que ce dernier a été chargé avec l’un ou l’autre de ces deux fluides» (voir photo ci-dessus).Voilà qui doit suffire à dissuader un réparateur soucieux de la réglementation, des homologations constructeur et de ses obligations environnementales, de ne pas toucher à un véhicule ayant subi ce type de charge.D’autant que le recyclage du Duracool et du Deepcool, n’étant pas homologués pour un usage automobile, n’entre pas dans les canaux de retraitement usités par les professionnels de la clim. Or, comme le rappelle l’Alliance froid climatisation environnement (AFCE), un dégazage dans l’atmosphère expose son auteur à une contravention de 5e classe, passible d’une amende de 1 500 euros par infraction, majorée du double en cas de récidive.Mais cela aussi, c'est aussi théorique que la pose systématique de l'étiquette Duracool/Deepcool...
Romain Thirion
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