Transition énergétique : l’arrêté d’application sur les PIEC enfin publié !

Romain Thirion
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Il aura fallu attendre sa 14è version pour qu’il paraisse enfin ! L’arrêté d’application de l’article L224-67 du Code de la consommation, relatif à la possibilité d’user de pièces issues de l’économie circulaires (PIEC) pour la remise en état d’un véhicule, entrera en vigueur le 1er avril 2019. Il s’avère moins contraignant pour les réparateurs qu’en ses versions initiales, mais n’est toutefois pas totalement satisfaisant pour toutes les organisations professionnelles du secteur…
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C’est l’aboutissement d’un fastidieux processus réglementaire que vient de connaître le secteur de la réparation auto au sujet des pièces issues de l’économie circulaires, autrement appelées PIEC et incluant sous cet acronyme les pièces d’échange standard, d’échange-réparation et de réemploi. L’arrêté d’application tant attendu du décret PIEC de 2016 est paru le 12 octobre dernier au Journal Officiel et entrera en vigueur le 1er avril 2019. Mais que ce fut long pour en arriver là…
Plus de trois années entre la loi et l’arrêté
Il y eut d’abord, en août 2015, la publication au Journal Officiel de la fameuse loi “Royal” relative à la Transition énergétique et pour la croissance verte, dont l’amendement n°798, devenu article L224-67 du Code de la consommation, disposait que «tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves».Il y eut ensuite le décret du 30 mai 2016 fixant les modalités et conditions selon lesquelles les professionnels de la réparation devaient mettre en œuvre la loi, entrée en vigueur au 1er janvier 2017. Des affiches et affichettes avaient déjà été mises à disposition des professionnels mais sans arrêté d’application, rien ne pouvait être retenu contre eux s’ils ne les utilisaient pas. Car ce n’est que depuis ce mois d’octobre 2018 que les réparateurs sont enfin fixés sur la façon dont ils doivent informer le client de son droit à opter pour des PIEC dans le cadre de la remise en état de son véhicule, grâce à la parution de l’arrêté d’application en question. Et comme attendu par toute la filière, celui-ci se révèle moins contraignant que prévu dans ses versions initiales.
D’abord, informer l’automobiliste
«Le présent arrêté a pour objet de garantir la pleine mise en œuvre du dispositif prévu à l'article L. 224-67 du Code de la consommation en assurant, d'une part que le consommateur est clairement informé de son droit d'opter pour des PIEC et, d'autre part, en lui fournissant l'ensemble des informations nécessaires afin qu'il puisse effectuer ce choix en toute connaissance de cause, notamment s'agissant de leur prix et de leur origine : pièces recyclées par des centres de véhicules hors d'usage agrées (VHU) ou pièces remises en état conformément aux spécifications établies par les constructeurs, commercialisées sous la dénomination "échange standard"», est-il ainsi clairement précisé dans l’arrêté.Et par «pleine mise en œuvre», le texte entend notamment l’information du client automobiliste par le réparateur, à l’aide d’un affichage «clair, visible et lisible de l'extérieur […] au niveau de l'entrée du public où le professionnel propose des prises de rendez-vous». L’affichage, en outre, «précise la liste des catégories de pièces concernées, une description des familles dont elles relèvent, et les cas dans lesquels le professionnel n'est pas tenu de les proposer conformément à l'article R. 224-23 du Code de la consommation, […] ces mêmes informations [figurant] sur son site internet».
Ensuite, recueillir son accord… ou son désaccord
«Avant que le consommateur ne donne son accord sur une offre de services, le professionnel recueille, sur support durable, son choix d'opter pour des pièces issues de l'économie circulaire, précise encore l’arrêté. Une mention, claire et lisible, qui suit immédiatement la faculté de choix, précise que "leur fourniture est effectuée sous réserve de disponibilité, de l'indication par le professionnel du délai de disponibilité et de leur prix, et sous réserve de ne pas relever des exemptions de l'article R. 224-23 du Code de la consommation".»Et «lorsque, après recherche, plusieurs pièces issues de l'économie circulaire peuvent être proposées pour remplacer une même pièce défectueuse, notamment lorsque le choix de l'une d'elles a des conséquences sur le délai de réparation, la possibilité de choisir entre les différentes pièces et options est présentée clairement au consommateur [qui] précise son choix sur support durable pour chacune d'elles». L’arrêté stipule en outre que «si la prestation relève de l'article R. 224-23 du Code de la consommation, le professionnel indique, dans les mêmes conditions, le motif légitime de son impossibilité de proposer une pièce issue de l'économie circulaire».
La FNA plutôt satisfaite…
Apparemment satisfaite, la Fédération nationale de l’automobile (FNA) s’est toutefois fendue d’un communiqué pour prendre «acte de la parution attendue de cet arrêté» et rappeler que, «associée dès l’origine à sa rédaction, la FNA a fortement contribué à en limiter le périmètre et à en assouplir le formalisme». Et l’organisation professionnelle annonce s’engager à accompagner ses adhérents et les réparateurs automobiles au sens large dans la mise en place de cette communication.«Cette obligation d’affichage formalise une pratique déjà courante», affirme notamment la FNA. Et Gérald Sgobbo, premier vice-président de la FNA en charge des métiers, d’ajouter que «l’une des particularités des réparateurs de proximité est de s’adapter aux besoins de chaque client. En pratique, lorsque son usage est bénéfique pour le client et ne met pas en cause sa sécurité, l’emploi d’une PIEC est privilégié».Là est la précision essentielle, pour la FNA : le mot «sécurité», qui conditionne une partie des mesures d’exemption prises en compte afin de s’adapter aux contraintes du secteur. «Le réparateur peut être dans l’impossibilité de proposer une PIEC, notamment si cela a un impact sur l’environnement, la santé publique ou encore la sécurité routière, voire s’il invalide la garantie constructeur, souligne à raison Gérald Sgobbo. Reste en suspens la question du formalisme induit par ce texte par rapport au quotidien des réparateurs et principalement des TPE.»
…la branche Carrossiers du CNPA, plutôt pas
L’autre organisation professionnelle reconnue représentative de la profession de réparateur, le CNPA, n’a pas publié de communiqué à l’occasion de la parution de l’arrêté, mais sa branche Carrossiers présidée par Yves Levaillant l’accueille avec circonspection… voire avec une certaine insatisfaction. «La 13è version de l’arrêté, en septembre dernier, avait suscité certaines demandes d’ajustements de notre part, explique-t-il. Nous insistons notamment sur l’exemption dont doit bénéficier le réparateur lorsqu’il a un doute sur les risques encourus par le véhicule sur le plan de la sécurité routière.»Et le responsable syndical de souligner également que l’arrêté tel qu’il est formulé pourrait se heurter à la réalité du terrain, surtout lorsqu’il s’agit de pièces de réemploi, qui ne sont pas référencées sur les mêmes catalogues que les pièces d’échange standard, par exemple. «Tous les professionnels de la réparation auto n’ont pas l’obligation légale de s’équiper d’un outil informatique de type DMS grâce auquel il peuvent se renseigner sur la disponibilité des pièces de réemploi et s’assurer leur approvisionnement, souligne-t-il. En outre, les temps de recherche des pièces en question sont difficilement refacturables, alors qu’ils peuvent durer aussi longtemps que celui nécessaire au montage de la pièce…»Ainsi, même paru au bout de sa 14è version, l’arrêté d’application de l’article L224-67 du Code de la consommation n’a certainement pas connu la dernière de ses péripéties…
Romain Thirion
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