Report du contrôle technique (suite) : les premières réactions

Jérémie Morvan
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L’annonce par Edouard Philippe du report de six mois de la prochaine mise à jour du contrôle technique n’a pas tardé à faire réagir. Tandis que le CNPA ne décolère pas du report du CT sans concertation avec la filière concernée, l’association Eco-Entretien compte bien mettre ce temps à profit pour mobiliser un maximum de professionnels et sensibiliser le plus de gens autour des bienfaits écologiques et économiques de l’éco-entretien…
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Mardi dernier, le Premier ministre énonçait dans une allocution télévisée une série de mesures d’apaisement après un samedi particulièrement tendu entre forces de l’ordre et gilets jaunes. Ces mesures, destinées à desserrer l’étau fiscal du coup des Français, consistait en un moratoire sur la nouvelle taxation des carburants, le gel des prix du gaz et de l’électricité ainsi que le report de la mise en place du nouveau contrôle technique.Après-vente Auto s’était alors interrogé sur l’impact de cette dernière mesure sur la filière de l’après-vente automobile : outre les centres de contrôle technique, les réparateurs ayant investi pour capter le très prochain marché de l’éco-entretien allaient-ils en être pour leurs frais alors que le potentiel estimé d’entrées atelier «chuintées» par ce report avoisinerait le million ?A peine le Premier ministre avait-il exposé la série de mesures destinées à faire plier les gilets jaunes que le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) diffusait un communiqué. Si l’organisation professionnelle a accueilli d’autant plus favorablement le moratoire sur la hausse des taxes sur le carburant (moratoire qui depuis s’est mué en annulation pure et simple), bien qu’arrivant très (trop ?) tard, que le CNPA avait depuis le début de la manifestation des gilets jaunes alerté le gouvernement sur la nécessité de renoncer à cette hausse.
Le CNPA pas consulté sur le CT
Toutefois, concernant la suspension pour une durée de six mois de l’entrée en vigueur du contrôle technique (CT) renforcé dans sa dimension contrôle anti-pollution (avec contrôle plus strict des fumées des moteurs diesels, l’organisation professionnelle, dans ce même communiqué, «s’étonne une nouvelle fois du mépris du gouvernement : ce moratoire intervient sans aucune concertation avec les professionnels», ces derniers ayant pourtant été fortement mis à contribution car devant investir en matériels et en formation afin d’être prêt pour le 1er janvier.«Au 1er décembre 2018, plus de 3 000 centres de contrôle technique ont déjà réalisé les investissements nécessaires soit par mise à jour de leur matériel, soit par l’achat d’un nouvel opacimètre, pour des dépenses engendrées allant de 1 000 à 8 000 €», rappelle le CNPA, qui conclut : «Dans un contexte de revendication soudaine, il est malheureux d’oublier les enjeux de santé publique que sert justement cette modification du contrôle technique : diminuer les effets néfastes pour la santé liés à l’activité automobile»…
Décorréler CT et éco-entretien
Quid de la seconde population, celle des réparateurs s’étant mis dans le sens de la piste de l’éco-entretien afin de guérir les véhicules malades recalés à ce nouveau CT ?Pour Jacques Rifflart, président de l’Association Eco-entretien (AEE), le report ne devrait pas être considéré comme un coup dur pour la mise en place de l’éco-entretien. «Le process normé de l’analyse thermodynamqiue du moteur est un métier à part entière, explique-t-il ; un métier que les professionnels doivent redécouvrir car répondant à un besoin en entretien né de la sévérisation progressive des normes anti-pollution et du mauvais usage actuellement fait des véhicules – diesels notamment.» S’il reconnaît que le CT s’avère indubitablement un ''booster'' pour mieux inscrire cette nouvelle prestation dans les ateliers, il n’apparaît pas en revanche comme une condition sine qua non à son déploiement.Son argumentation sur le volet écologique de la problématique s’appuie notamment sur l’ineptie du plan à court terme du gouvernement à travers les fameuses primes à la conversion : «le gouvernement propose jusqu’à 4 000 € d’aide pour se séparer de son ancien véhicule. Avec un objectif de 100 000 primes par an sur les 5 prochaines, l’ambition est trop limitée : seulement 500 000 véhicules polluants devraient ainsi sortir d’un parc qui en compte 40 M. Avec l’éco-entretien, qui consiste en un simple traitement curatif dans 70% des cas et facturé en moyenne 100 €.»En clair, l’argent mis sur la table par le gouvernement pour acheter un VN pourrait servir à redonner une seconde jeunesse à 40 véhicules par ce biais. Ou comment, en d’autres termes, utiliser une somme à 1/40e de son potentiel… Une bien meilleure mesure d’accompagnement, étant par ailleurs entendu que les ménages roulant dans de vieux véhicules n’ont très majoritairement pas les fonds nécessaires -même avec la prime de 4 000 €- pour en racheter un neuf !
Une solution immédiate, et à moindre coût
Sur un plan purement économique, l’éco-entretien apparaît comme la piste également plus solide : «L’éco-entretien suppose en amont un éco-diag. S’il peut être facturé en moyenne une trentaine d’euros, les réseaux, pour démocratiser cette nouvelle prestation, l’intègrent bien souvent dans un forfait ou via des promotions», poursuit Jacques Rifflart. En clair, cette ''prise de sang'' du véhicule est économiquement neutre ou presque pour l’automobiliste. Et elle peut rapporter gros : «Sur la base des plus de 30 000 véhicules testés dans les ateliers de garages pilotes sur l’éco-entretien, précise le président de l’AEE, nous avons pu constater qu’un traitement permet des gains de consommation de carburant allant de 5 à 15% dans certains cas !»Et de conclure : «à l’heure où les tensions sociales sont à leur comble du fait d’une pression fiscale devenue insupportable aux yeux des Français ; à l’heure où ils revendiquent davantage de pouvoir d’achat, l’éco-entretien apparaît comme LA solution alliant écologie et économie pour préserver l’indispensable mobilité de nos concitoyens». Les gilets jaunes, mais plus généralement tous les automobilistes, apprécieront sans doute la démonstration.Jacques Rifflart souhaite en parallèle profiter du temps offert par le report du contrôle technique renforcé dans sa dimension contrôle anti-pollution en maintenant la dynamique de ''recrutement'' des professionnels de l’entretien-réparation. Ils sont actuellement 500 sur tout le territoire, soit bien trop peu au regard de l’objectif des 3 à 5 000 réparateurs à terme souhaités par l’association.
Jérémie Morvan
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