Nombre de réparateurs (suite): 33716 ou 52986? En fait, les deux…

Jérémie Morvan
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Le dernier recensement de Salesfactory Automotive donne 33 716 acteurs de la réparation auto. Le rapport de branche 2018 de l’ANFA, édité au travers de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications, en annonce 52 986. En cause : l’explosion du nombre de créations de micro-entreprises (ex auto-entrepreneurs) depuis une petite dizaine d’années…
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Fin mars, nous utilisions la dernière mise à jour des chiffres de Salesfactory pour dénombrer et classifier précisément les réparateurs en France. Un lecteur attentif nous a contactés pour nous rappeler que, derrière l’analyse fine et fiable des forces en présence, se posait toutefois la question d'une autre catégorie de réparateurs indépendants, aussi souvent oubliée qu'inquantifiée... car inquantifiable en termes de poids sur le marché.

33 716 pros ou… 52 986 ?

Car en marge des réparateurs “officiels” savamment et précisément quantifiés par Salesfactory prospère une proportion croissante d’auto-entrepreneurs et autres entreprises individuelles. A bien y regarder, le paysage dépeint par le spécialiste du marketing est certes l'essentiel du tableau, puisque les réparateurs qu'il recense constituent la qausi-totalité de la valeur du marché de l'entretien-réparation. Mais numériquement parlant, ils n'en sont effectivement que le premier plan, dès lors qu'on les superposent aux chiffres de l’Association Nationale pour la Formation Automobile (ANFA).

Car si l’on s’appuie sur cette autre base solide - celle du rapport de branche 2018 de l’Observatoire Prospectif des Métiers et des Qualifications de l’ANFA (OPQM), on ne peut que constater un grand écart. L’OPQM recense en effet 52 986 entreprises de réparation automobile pour 2016 (code NAF 4520A – ex-code APE 502Z), sur les 134 301 que totalise la branche des services de l’automobile (commerce, entretien-réparation, centres-auto, spécialistes, distributeurs, centres de contrôle technique, location, dépannage-remorquage, auto-écoles, vente et réparation de cycles et motocycles…).

Sans compter d'ailleurs les réparateurs ayant discrètement migré sous le code NAF 4532Z, dont nous découvrions en 2014 cette ruse pour pouvoir aller chercher sans obstacle la pièce auprès des plateformes régionales en bénéficiant ainsi de leur tarif à distributeur.

Soit loin, très loin de toute façon du total de 33 716 acteurs de l’entretien-réparation recensés par Salesfactory…

Quelle part pour les microstructures ?

La branche des services de l’automobile est très majoritairement constituée d’entreprises artisanales. 88,8% ont en effet moins de 6 salariés selon le rapport de branche 2018 de l’ANFA. Et l’évolution historique du nombre d’entreprises selon leur taille vient apporter un éclairage éloquent quant à la progression des toutes petites structures, notamment celles ne comptant aucun salarié.

Ces dernières n'étaient "que" 34 874 en 2008, pour bondir l’année suivante à 41 854. En 2009 donc, année suivant la crise des subprimes… mais surtout la création du statut d’auto-entrepreneur ! Des entreprises qui constituent probablement autant de “réparateurs gris” spécialisés en gilets jaunes et autres automobilistes en mal de pouvoir d'achat...

Une tendance plus générale

Cette atomisation des tailles d'entreprises ne concerne d'ailleurs pas seulement la réparation. Au sein de toute la branche des services de l’automobile, le nombre de microstructures n’a jamais cessé d’augmenter depuis, dont un impressionnant bond de 10 000 créées entre 2013 et 2014 ! Elles sont aujourd’hui 73 946, toutes activités confondues. En 8 ans, leur nombre a ainsi plus que doublé. C’est bien simple : la part des entreprises de 0 salariés n’était "que" de 38,5% en 2008 pour atteindre 56,1% en 2015… Au global, la branche a ainsi vu le nombre de ses affiliés croître de 48,5% entre 2008 et 2016, pour passer de 90 430 à 134 301 !

Mais revenons à la réparation “pure et dure”. Lorsque l’ANFA recense la création sur l’exercice 2017 de 5 182 entreprises sous le code d’activité 4520A, elle constate que 1 249 l’ont été sous le statut de micro-entreprise (pour quelque 4 170 au périmètre de la branche des services dans son ensemble !). Une proportion certes encore impressionnante, mais toutefois en décrue par rapport à 2015 : les créations de micro-entreprises ont représenté 23,3% en 2017, contre 32,4% deux ans plus tôt.

Une armée silencieuse

Parmi ces toutes petites structures, il est bien difficile de savoir lesquelles ont été créées sous le statut juridique de l’artisan, de l’artisan-commerçant, du commerçant, de la SARL, la SAS ou de la SAS unipersonnelle, etc. En outre, leur poids économique reste assez relatif : les 14 070 micro-entrepreneurs économiquement actifs recensés par l’Observatoire au 31/12/2018 n’avancent qu’un CA annuel moyen de 16 716 €. Ils ne représentent donc que 0,76% des 31 milliards d'euros HT par an que pèse l'après-vente auto en France. Logique dès lors qu’ils puissent facilement passer sous les radars...

Les chiffres de Salesfactory sont donc à comprendre comme un iceberg inversé. Les 33 716 réparateurs recensés par ses services n'en sont que la partie émergée, mais tout en constituant probablement l'essentiel du marché, en nombre de prestations et surtout, en valeur.

Retour au bercail

Il n'en reste pas moins que le document de l’Observatoire de l’ANFA apporte un éclairage particulièrement cru sur une véritable "armée silencieuse" de la réparation automobile, celle des micro-entrepreneurs. C'est probablement là que se recrutent les clients dits "pros et semi-pros" des sites de vente en ligne qui y pèseraient aujourd'hui 30 à 50% des volumes. Pour ces professionnels-là, la qualité des moteurs de recherche des Oscaro et autres Mister-auto constitue une sorte “d'Autossimo du pauvre”...

Et ce n’est très certainement pas un hasard si le CNPA, dont 82% des 18 000 adhérents sont des artisans, a désigné 2019 comme étant l’année de l’artisanat. Dans ce cadre, l’organisation professionnelle a d’ailleurs décidé de lancer un plan d’action ciblant spécifiquement ces structures unipersonnelles.

Ou comment tenter de pragmatiquement ramener au bercail plus de la moitié des entreprises qui font numériquement la majorité d’un secteur...

Jérémie Morvan
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