Contrôle des pneumatiques : la nouvelle école de la rigueur

Jean-Marc Felten
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Depuis quelques années, de nouvelles machines apparaissent qui promettent une rentabilité accrue sur le remplacement des pneus et les opérations de géométrie, par un simple passage du véhicule du client sur un lecteur à l’entrée de l’atelier. Mais l’investissement est-il rentable ?
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Contrôler l’usure d’un pneumatique, pour le mécanicien, est une opération qui ne nécessite pas d’outillage. Les pneumatiques possèdent des témoins d’usure. Quant aux disques de frein, avec l'expérience, on évalue au dixième de millimètre le niveau d’usure. Mais le client ne le pense pas ainsi et la réputation des garagistes est telle qu’un rapport détaillé et circonstancié est bienvenu. Dans ce cas, un équipement spécifique s’impose ! C’est ce que proposent depuis quelques années plusieurs équipementiers, avec des solutions très diversifiées.

C’est quoi ?

La mesure de l’usure des pneumatiques donne de précieuses indications. Elle est en effet influencée par la distance parcourue bien sûr, mais également par les éléments qui les lient au véhicule. Des angles de géométrie incorrects, des amortisseurs fatigués ou encore une pression inadaptée des pneumatiques vont accentuer leur usure, avec des défauts spécifiques et détectables à l’examen. Le contrôle d’usure n’est donc pas seulement destiné au remplacement des pneus, mais aussi à permettre une remise en état d’éléments mécaniques du véhicule.

La mesure électronique

Il existe plusieurs techniques pour réaliser une lecture électronique du pneumatique. Une visualisation du profil est effectuée à l’aide d’une émission d’un faisceau lumineux et l’enregistrement de la projection sur le pneumatique avec des caméras. Le faisceau utilisé peut être d’origine laser ou led. Par contre la fiabilité de la lecture est influencée par la mise en œuvre des différents systèmes. Les voitures qui entrent à l’atelier sont souvent sales, les pneus mouillés s’il pleut peuvent transporter de nombreuses causes de pollution de la surface de mesure de l’appareil, surtout s’il est implanté à demeure dans l’espace de réception.

C’est bien sûr un paramètre qui est pris en compte par les fabricants dans la réalisation. Le pionnier dans cet équipement, l’américain T-Scan, utilise des faisceaux et caméras sans pièce mobile et une protection par labyrinthe. Bosch utilise un rayon lumineux codé permettant une interprétation 3D.

La seconde difficulté de réalisation de ces appareils est l’interprétation de la mesure réalisée. Largeurs de pneus différentes, profondeur d’origine des sculptures très diversifiée, positionnement de la roue par rapport à l’émission du faisceau... Autant de variables qui rendent l’interprétation complexe et justifient le prix élevé des appareils.

Les résultats sont intégrés par rapport à des statistiques pour établir le rapport au client. En revanche, les différences intérieur / extérieur de la roue, roues droite / gauche ou avant / arrière sont plus simples à gérer ; mais elles apportent autant d’informations pour le réparateur…

Le contrôle systématique

Pour être vraiment rentable, l’appareil de mesure d’usure doit être utilisé systématiquement à chaque entrée à l’atelier. Outre le chiffre d’affaires généré par les pneus (1ère cause d'entrées-atelier), les données peuvent orienter vers le contrôle de la géométrie, voire les amortisseurs ou des pièces de la suspension, toutes activités additionnelles légitimes qui peuvent soutenir l'activité.

Le contrôle manuel

Les fabricants proposant des appareils manuels ont également leurs atouts à avancer. Si le maniement est moins simple que l’appareil installé au sol, il est moins coûteux, avec une possibilité d’analyse équivalente, il peut aussi être utilisé sur les pneus déposés. Ainsi les «hôtel» à pneus pour le stockage (hiver / été) peuvent enregistrer le niveau d’usure à l’entrée du pneu dans le stock, comme témoin de l’état à son arrivée.

Il est aussi possible de prévenir le client d’un besoin d’entretien pendant la durée du stockage. Texa développe une autre philosophie avec son Laser Examiner, avec la possibilité de lire l’usure des disques de frein avec le même appareil, et d’obtenir une plus grande utilisation de l’équipement.

Texa fait le contrôle des pneus avec le même appareil « Laser Examiner » que pour les disques de freins. Texa fait le contrôle des pneus avec le même appareil « Laser Examiner » que pour les disques de freins.
Qui fait quoi ?

Plusieurs équipementiers ont présenté des appareils capables de réaliser une lecture de l’usure des pneus. Certains sont fixés à demeure dans l’atelier et s’utilisent en passant le véhicule sur le lecteur, d’autres sont manuels et nécessitent l’intervention du technicien.

Le fabricant historique est l’américain T-Scan. Implanté en Europe depuis 2013, il est mono-spécialiste et ne propose que ce type d’équipement, en version au sol ou, plus original, en manuel avec un produit baptisé Groove Glove. T-Scan centralise toutes les données ainsi que les logiciels d’interprétation sur son espace privé sur Internet.

Bosch dispose quant à lui du TTM avec une vision 3D du pneu avec une projection led fixe. Tout est intégré dans la base posée au sol qui interagit avec la connectivité de l’atelier « CoRe » (connected repair).

L’Italien Texa devrait lancer prochainement le Laser Examiner, capable de contrôler les pneumatiques ainsi que les disques de freins. Plus simple, il est également moins coûteux mais nécessite une intervention manuelle.

Une base munie de faisceaux lumineux et de caméras placés à l’entrée de l’atelier et l’examen du châssis est fait avant même la réception. (doc Bosch) Une base munie de faisceaux lumineux et de caméras placés à l’entrée de l’atelier et l’examen du châssis est fait avant même la réception. (doc Bosch)
Et le mécano ?

Certes le mécanicien doit appréhender un équipement de plus dans l’atelier, même si ce n’est pas forcément lui qui l’utilisera (pour la réception active). Reste que les rapports édités peuvent le guider utilement dans les réparations et réglages qui devront être effectués, par exemple sur un défaut de géométrie. Un autre rapport, après réparation, peut être réalisé pour le confier au client et l’archiver dans le dossier du véhicule.

On peut critiquer le coût important des systèmes – environ 15 000 € en fixe et 2 à 4 000 € pour un appareil manuel-, mais la rentabilité et la satisfaction client doivent être au rendez-vous très rapidement avec ces opérations. Le pneu  devrait consacrer définitivement sa première place d’entrée en atelier quand les véhicules auront une électrification généralisée et où vidanges et entretien moteur seront de l’ordre de la légende.

Mais ce n'est pas pour demain, inertie du parc roulant oblige...

Un rapport de mesure est fourni au client avec une image du profil des pneus et une analyse conduisant à des recommandations. (Doc T-Scan) Un rapport de mesure est fourni au client avec une image du profil des pneus et une analyse conduisant à des recommandations. (Doc T-Scan)

 

Parole d’expert

Pour Vincent Lefevre, coordinateur après-vente, groupe de distribution Emil Frey, « le contrôle d’usure des pneumatiques avec un équipement électronique est un plus très performant pour l’après-vente. Selon la taille de la structure et le nombre d’entrées atelier, il faut néanmoins faire son choix avec beaucoup de discernement. Si la rentabilité est au rendez-vous, c’est avant tout la satisfaction client qui l’emporte. Pour les ateliers que j’ai en charge, et malgré des grosses structures dans des marques à gros volumes, nous ne l’avons pas encore adopté. La réflexion nous mène actuellement vers un appareil 'portable' qui est sous la responsabilité du réceptionnaire. Moins coûteux, il apporte le même service ; seul est imposé le fait de l’utiliser systématiquement devant le client.

Dans des garages qui sont très souvent dé-personnifiés, la crédibilité de la réception active est renforcée par l’usage de tels appareils numériques. Ce sont certes des machines à “cash”, mais avant tout un atout pour la sécurité. »

Jean-Marc Felten
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