Le méga-salon chinois où s’écrit déjà l’aftermarket de demain

Jean-Marc Pierret
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En tout juste 15 ans d’existence, Automechanika Shanghai est passé de 235… à plus de 6 500 exposants ! Une croissance exponentielle qui illustre celle du marché chinois… à côté duquel les acteurs français de l'après-vente sont peut-être en train de passer, quand ce pays-continent est sûrement le laboratoire le plus actuel de l'aftermarket de demain...
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Le monde de la rechange s’est donc pressé durant 4 jours dans les 360 000 m2 d’exposition. Les équipementiers mondiaux tels Bosch, ZF, Continental, DRiV, étaient centralisés dans un espace ressemblant comme deux gouttes d’eaux à un hall d’Automechanika Francfort. Sans oublier bien sûr le vaste pavillon sous couleurs allemandes (ci-contre).

Mais ce salon est aussi et surtout l’opportunité de prendre la mesure des milliers et milliers d’autres exposants, souvent locaux, spécialisés dans la pièce, les services à la mobilité, la connectivité, l’inévitable électrification mais également la plus inattendue personnalisation des véhicules, un marché en plein boom en Chine.

De nombreux distributeurs locaux exposaient également leur savoir-faire logistique et surtout digital, une composante indispensable dans un pays où 829 millions de consommateurs disposent d’un accès web, dont 817 millions à travers leurs smartphones !

Marché encore fragmenté mais tellement actuel

Automechanika Shanghai 2020, le salon de la maturité ? Un sentiment partagé par de nombreux visiteurs. La Chine, 1er marché VN du monde, connaît depuis 2 ans une stabilisation des immatriculations. Et si le parc aujourd’hui constitué de 187 millions de VL progresse toujours de plus de 10% par an, la folle croissance des 20 dernières années semble bien derrière nous.

Côté rechange indépendante, sur un marché extrêmement fragmenté - le distributeur CarZone en revendique la 1ère place avec seulement 1,5% de part de marché – l’enjeu n’est plus seulement de livrer mais désormais de conquérir de nouveaux clients et répondre aux nouveaux besoins d’un parc circulant extrêmement jeune (5 ans en moyenne contre près de 9 ans en France) mais qui vieillit et va donc consommer des opérations plus techniques.

Le (trop petit) village gaulois

Et la France dans tout cela ? Parmi ces exposants, on trouve de valeureux mais bien trop rares acteurs hexagonaux…. Si on regrette que la production automobile française soit désormais la cinquième de l'Union européenne (étude INSEE Nov 2019), la présence française sur le salon est en-deçà d’anecdotique. Face au pavillon allemand regroupant 59 entreprises (des PME exportatrices, pas des géants mondiaux précités qui disposaient de leur grands et beaux stands),  face aux 46 Turcs et aux 16 Italiens qui avaient fait le déplacement pour exposer ensemble, le pavillon français opposait… 3 entreprises.

Oui, vous avez bien lu : 3. Soit bien moins que l’Espagne (9 représentants) ou même… le Pakistan fort de 4 entreprises. Il nous dépasse d’une courte tête, sans être forcément connu pour la vigueur de son tissu industriel automobile !

Que cela nous dit-il sur l’état de notre industrie tricolore ? Que les entreprises françaises de notre secteur ont perdu d’avance la bataille sur le 1er marché du monde ? Que les dispositifs de soutien à l’exportation sont inefficaces ? Que nos constructeurs nationaux peinant à trouver la bonne formule, ils ne donnent pas l’opportunité à leurs fournisseurs de s’y implanter ? Sans doute un peu de tout cela.

Ital Express, Automotor, Kennol...

Voilà pourquoi nous avons grandement envie de rendre d'abord un hommage appuyé aux présents, à ces entreprises françaises qui ont fait l’effort du déplacement et de l’investissement.

Commençons donc par Ital Express, distributeur spécialiste de la pièce de rechange technique pour poids lourds, remorques, VUL et tracteurs, basé à Chalon-en-Champagne. La vigne n’est donc pas la seule denrée exportable en Chine depuis cette région !

Le stand Automotor France dans le pavillon français. Le stand Automotor France dans le pavillon français.

Le second exposant est un autre distributeur, Automotor France, le 1er exportateur français de pièces détachées pour les marchés automobile et poids lourds.

«Nous étions présents dès le 1er Automechanika Shanghai et sommes toujours là pour cette 15ème édition», souligne Sylvain Abergel, Directeur Commercial et Marketing. «Nous avons été témoin de l’évolution d’un salon qui était une porte d’entrée sur la Chine et l’Asie, et qui devient une porte d’entrée sur le monde».

Mélanie Gaboriau et Léa Morihain (Kennol). Mélanie Gaboriau et Léa Morihain (Kennol).

Un point de vue partagé par Kennol, spécialiste français du lubrifiant qui expose depuis 2010 et continue à étendre son réseau de distribution en Chine, auprès de clients «attirés par le “Made in France” et nos innovations», confie Léa Morihain, directrice commerciale. Shanghai est l'opportunité de rencontrer de nombreux visiteurs venus de toute l’Asie.

Le made in France ne serait donc pas l'apanage des seuls luxe ou gastronomie...

... mais aussi Vernet, NTN (SNR)...

Notre tour d’horizon des Français serait incomplet sans Vernet. Le spécialiste du thermostat avec sa marque Calorstat exposait même hors pavillon français, au milieu des géants du secteur. Une première pour l’entreprise, qui juge Shanghai «incontournable pour un acteur de niche comme Vernet, qui se doit d’être présent, en 1ère monte comme en rechange, sur tous les marchés du globe et donc d’exposer sur chaque continent», insiste Philippe Zeitoun, directeur de la business unit aftermarket.

Tout proche de Vernet se tenait aussi NTN, maison-mère japonaise du spécialiste français du roulement SNR. Il exposait son savoir-faire “made in Japan” aux côtés du “made in France” dans un «objectif de conquête du marché de la rechange en Asie, dont notre potentiel est loin d’être encore exploité», confirme Pierre Touvier, responsable des ventes Asie et Europe de l’Est pour la rechange automobile.

...Valeo Service ou PSA Aftermarket

Terminons notre visite tricolore en évoquant les 2 géants nationaux que sont Valeo et PSA, exposants au travers de leurs filiales locales avec une visible volonté de conquête.

Valeo était également présent, au travers de sa filiale Valeo Service Chine forte de 60 personnes. L'équipementier a pu présenter ses nouveautés produits comme les balais d’essuie-glace AquaBlade, les modules d’éclairage Matrix Beam ou encore une gamme d’embrayage enrichie de l’offre FTE, acteur allemand qui a rejoint le Groupe Valeo depuis 2 ans.

«Shanghai est un rendez-vous capital pour nous», souligne Peter Matthews, Directeur régional Asie et Directeur Général de Valeo Service Chine. «Il nous permet de rencontrer nos distributeurs que nous accompagnons dans leur sell-out, mais également de présenter nos solutions destinées aux réparateurs, comme notre programme complet de formation ou notre catalogue sur WeChat par exemple. Nous rencontrons également ici de nombreux clients distributeurs venus de toute la zone ASEAN».

L'équipe PSA Aftermarket porte son dynamisme jusqu'en Chine. L'équipe PSA Aftermarket porte son dynamisme jusqu'en Chine.

Côté constructeur, PSA exposait à la fois son enseigne de distribution Distrigo, ses gammes de pièces Eurorepar couvrant plus de 90% du parc chinois mais également son réseau de garages Eurorepar Car Service sur un stand dédié. «Nous illustrons ici pleinement notre double identité : acteur international qui distribue des pièces multimarques, mais également acteur local qui recrute des réparateurs pour renforcer un réseau qui compte déjà plus de 800 ateliers en Chine. Ces garages sont à parité sous enseigne Eurorepar Car Service ou YGGJ, déployée par notre partenaire de joint-venture DPCA», résume Delphine Lafon-Degrange, directrice de la business unit IAM de PSA Aftermarket.

Ce n’est qu’un début puisque l’objectif est d’atteindre 4 000 ateliers aux couleurs Eurorepar Car Service dans le pays à l’horizon 2023. A l'échelle des 40 000 ateliers français, le chiffre peut a priori sembler démesuré. Mais à l'aune du demi-million de réparateurs chinois, l'ambition apparaît bien plus dimensionnée...

Allez la France ?

La preuve en tout cas que la Chine ne s'aborde pas en demi-teinte, sans la volonté claire de vouloir y croître au rythme d'un pays-continent qui, de toute façon, a les moyens et la volonté de ne pas avoir besoin de l'extérieur. Dans ce contexte, la faiblesse de la représentation française apparaît pour le moins préoccupante, même si elle n'est guère surprenante. On se souvient que les acteurs français de l'après-vente ont mis de longues années avant de devenir raisonnablement nombreux et visibles à Automechanika... Francfort.

Mais est-il encore temps de prendre son temps quand le parc roulant chinois approchait déjà fin 2018 la taille de celui de l'Europe avec 325 millions de véhicules dont 187 millions de voitures particulières ? Et quand il croît de plus de 15 nouveaux millions chaque année, soit peu ou prou un demi-parc français ?

En outre, le parc chinois est jeune et s'enrichit exponentiellement de véhicules récents, donc technologiques et connectés. Le digital explose, car il compense des infrastructures qui restent à développer dans l'Empire du Milieu. Bref : celui qui veut jouer un rôle dans l'aftermarket de demain n'a pas vraiment le choix. S'il doit l'apprendre dès aujourd'hui, c'est peut-être d'abord en Chine...

Alors oui : parler de la Chine, c'est bien. Les constructeurs, équipementiers et distributeurs européens comme français l'évoquent certes de plus en plus souvent. Mais généralement, comme un facteur de risques et non d'opportunités. S'en aller sinon la conquérir, au moins l'accompagner, ce serait quand même mieux, non ?

Fiona Chew et Olaf Musshoff (Automechanika). Fiona Chew et Olaf Musshoff (Automechanika).
Jean-Marc Pierret
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