CNPA : gérer la crise et l’après-crise

Jean-Marc Pierret
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Dans cette urgence économico-sanitaire qui menace d'emporter tout et tous, le CNPA a trouvé le temps de réunir -téléphoniquement- la presse pour faire un point et évoquer les délicats développements qu'à généré et continue d'alimenter le tsunami du confinement...
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C'est une évidence : le CNPA se veut et se met en ordre de bataille. Jamais les journalistes que nous sommes n'avons eu de sa part un tel flot continu d'informations, de précisions, de communications. L'organisation professionnelle semble avoir résolument fait sienne la maxime «à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels».

Fort de ses 21 branches, elle fait donc feu de tous bois depuis plus d'une semaine. Le CNPA réunissait la presse il y a deux jours pour faire un point sur les dossiers multiples qui agitent comme jamais le monde des services de l'automobile. Francis Bartholomé, le président du CNPA et Xavier Horent, délégué général de l'organisation, évoquent ainsi le véritable «plan d'urgence» qu'ils déploient avec l'ensemble des instances nationales, régionales et locales pour endiguer autant que faire se peut la déferlante du coronavirus qui fait prendre l'eau à tous les professionnels du secteur.

Un constant et nécessaire grand écart

Visiblement, la situation exige un constant grand écart. Il faut faire le siège de ces ministères et ces pouvoirs publics plongés eux aussi dans une furia de mesures inventées au fur et à mesure des effets économiquement néfastes du confinement, sans se couper d'un terrain souvent écartelé entre la nécessité de maintenir vaille que vaille les activités et celle de préserver leurs salariés en gérant, voire subissant les peurs et les craintes légitimes.

L'heure est aussi à une foultitudes d'actions délicates consistant à agiter tous les relais (PFA, Medef, CGI, ministères, organisations professionnelles connexes, etc.), en tentant de maintenir les dossiers cruciaux au sommet d'une pile de préoccupations qui s'entrechoquent à tous les niveaux de l’État, peuvent se contredire entre les diverses activités nationales et bien sûr, laminent tous les métiers de la filières. Car la vague des effets pervers du confinement bousculent en tous sens, renforcée par une inévitable improvisation des pouvoirs publics confrontés aux urgences qui se multiplient jusqu'à parfois, inévitablement, se télescoper. Comment en effet convaincre par exemple de se remettre au travail après avoir appelé à un vital et national confinement ?

L'atout -et le défi- mobilité

Mais le cap est assez clair : comprendre vite pour agir au mieux. «Nous menons des actions terrain pour engranger des remontées précises sur les difficultés des adhérents, affiner des analyses économiques sur les situations rencontrées, leur livrer à temps la bonne information sur les mesures d’accompagnement réglementaires», souligne Francis Bartholomé. Des analyses qui, parallèlement, viennent constamment nourrir les pouvoirs publics pour qu'ils n'omettent pas les cas particuliers des professions de la filière.

Le défi n'est pas primairement corporatiste. Car dans ce maelström, une certitude légitime s'impose : les métiers de la mobilité qu'il fédère ont tous un rôle-clé à jouer dans le maintien opérationnel de l'économie. Le CNPA multiplie donc à la fois les réunions interbranches et ne lâche pas d'un pouce tous les ministères concernés. «Il est inévitable que, dans l'improvisation qui s'impose à tous, des décisions apparemment logiques puissent oublier des spécificités-métier, au risque parfois de s'avérer potentiellement contre-productives dans les faits», explique Xavier Horent.

Et ces derniers jours, les exemples ont été légion. Des autorisations de circuler qui ont été diversement interprétés en fonction des préfectures, des contrôles techniques qui ouvrent, puis qui doivent fermer, oubliant en passant que le contrôle technique PL ou le renouvellement (ou la prorogation) des permis poids lourds est urgent...

De délicats chemins de crête

Mais le CNPA refuse toute polémique, préférant méthodiquement traiter les dossiers en réglant aussi factuellement que possible chaque nouveau problème. Et de nombreux dossiers sont cruciaux, à commencer par les aides aux entreprises que le gouvernement a rapidement annoncé vouloir déployer, dont les textes tardent à venir et sont âprement négociés et amendés de toutes parts. Celui du chômage partiel par exemple, hâtivement présenté comme devant protéger toutes les entreprises, mais dont le gouvernement a compris ces derniers jours qu'il risquait d'encourager la paralysie de toute l'activité économique.

On se doute que dans bien d'autres dossiers, le chemin de crête est tout aussi délicatement friable. Pas question bien sûr d'en arriver à un bras de fer façon CAPEB (la fédération des artisans du bâtiment qui a appelé à arrêter tous les chantiers), pas question non plus que les dossiers avancent sans prise en compte des préoccupations propres aux divers métiers de la filière.

«Le manque de visibilité est très fort», souligne Xavier Horent. «Nos métiers sont au carrefours de plusieurs ministères à la fois. Accorder le contenu des textes réglementaires en préparation est particulièrement délicat. D’autant que les choses évoluent vite. Nous y verrons plus clair dans quelques jours», pronostique-t-il. 

«Ne pas interrompre l'activité nationale»

Pour cela, le CNPA s'appuie sur un consensus dont il attend beaucoup : si l'on veut que la France ne sombre pas dans une mortifère paralysie, il faut entendre les besoins et les attentes de tous les métiers intimement liés à cette cruciale mobilité. Le poids lourd, les distributeurs VN, les réparateurs de toutes obédiences, les stations-service, les dépanneurs, etc., etc. ont tous un rôle à jouer dans la réactivation des rouages économiques.

Car tout ce qui transporte, tout ce qui permet d'aller travailler, tout ce qui permet de relier les individus et transporter les acteurs cruciaux de cette crise sanitaires tels que les personnels soignants mais aussi les salariés qui ne peuvent pas toujours compter sur les transports collectifs, passe par des engins à deux ou 4 roues et plus. Eux d'abord ont besoin de pouvoir rouler pour jouer pleinement leur rôle. «Il est vital de ne pas interrompre l'activité nationale», résume F. Bartholomé...

Remettre la France sur les route...

L'exemple des transporteurs est parlant quant aux interactions qui se multiplient et qu'il faut dénouer au fur et à mesure. Une France qui (re)travaille, ce sont aussi des poids lourds qui irriguent les flux logistiques.

Il faut donc œuvrer pour faire sauter au plus vite les interdictions de rouler le week-end si on ne veut pas de ruptures de réapprovisionnement, mais aussi convaincre le gouvernement que fermer la restauration dans les stations-service et voir leurs toilettes et douches fermées pour causes sanitaires n'est guère bienvenu si l'on veut que les routiers puissent se restaurer et se sustenter dans des conditions nécessairement habituelles. Ce peut être le rôle de l'appli «Roulez zen», que le CNPA compte ainsi réactiver et en réorienter le contenu au profit de ces chauffeurs qui ont besoin d'étapes sûres et identifiées...

...et préparer l'après-crise

S'il est absorbé par la gestion de ce cataclysme inédit, le CNPA pense déjà à la sortie de crise. Car «si les entreprises ont des trésoreries ou si des mesures vont permettre de les préserver dans l'immédiat, il faudra aussi préparer une sortie de crise favorable à une relance rapide», souligne Xavier Horent. Un exemple ? À quoi servirait de différer des charges si elles devenaient par exemple absurdement exigibles au moment même où les entreprises sortiront péniblement leurs premières narines hors de l'eau ?

Car il ne s'agit pas de rater la relance. Et déjà, le CNPA prédit qu'il faudra tirer tous les enseignement de cette période d’extraordinaires turbulences. Et en faire une opportunité. «La crise que nous traversons met aussi en exergue des fonctionnements qui sont arrivés à bout de souffle depuis déjà longtemps. Il faudra savoir tirer tous les enseignements. Nous devrons inévitablement repenser nos modes de fonctionnement».

Un presque proverbe aux consonances chinoises à l'heure où l'empire de Milieu commence à sortir du Covid-19. Là bas, en mandarin, «crise» et «opportunité» sont aussi un seul et même mot...

Jean-Marc Pierret
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