Relance post-confinement: la concurrence s’annonce plus sanitaire que tarifaire

Jean-Marc Pierret
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Personne n'a intérêt à déclencher une guerre des prix pour saisir au mieux la relance : tous les acteurs ont prioritairement besoin de marges pour sortir au plus vite de réanimation financière. En revanche, tous ont intérêt à rassurer leurs clients pour les faire venir. Le bataille commerciale pour s'approprier au plus vite les clients qui reprennent le chemin des ateliers prend déjà des airs de guerre de communication sanitaire...
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Depuis les premières heures du 11 mai, l'ambiance est sanitaire. Tous les professionnels de la filière déploient le même leit motif : venez chez nous en toute sécurité. Il faut effectivement convaincre et vite : ceux qui auront déployé et largement communiqué leurs process de mise en sécurité sanitaire “accrocheront” dans les meilleures conditions la relance issue du tout jeune déconfinement (voir «Vers un rebond salvateur pour l’après-vente auto ?»). D'autant que le train de la reprise a déjà démarré: l'activité des MRA est passée de -70% à -55% “seulement” entre le 20 avril et le 3 mai dernier par rapport à la dernière semaine pré-confinement (voir «Ateliers : le premier observatoire hebdomadaire de l’activité MRA est né !»)...

Cette prophylaxie va sûrement rimer longtemps avec embellie. Car à n'en pas douter, les consommateurs s'enquerront préalablement de la mise en sécurité de leurs autos et par extension, de leurs proches et d'eux-mêmes. Toutes les enseignes mettent ainsi en avant la chasse au coronavirus (voir «Fil info : la filière se déconfine enfin»). La seule promotion universellement partagée depuis ce 11 mai est celle des gestes barrières et du traitement antiseptique des véhicules à leur arrivée comme à leur sortie d'atelier.

Sécuriser les clients... et les entreprises

Les professionnels ont de bonnes raisons à cela. Leur attractivité immédiate bien sûr. Mais aussi et surtout, la sécurité de leurs employés et par extension, la crainte de voir engagée leur responsabilité de chef d'entreprise, surtout depuis que le dossier d'un assouplissement de ce risque, poussé par le Sénat, a été repoussé par l'assemblée nationale.

Plus pragmatiquement encore, il leur faut éviter au mieux toute contamination pour rester ouvert. Dans une filière où 95% des entreprises de la mobilité comptent moins de 10 salariés, il suffira en effet d'un cas pour que l'ensemble de l'atelier, voire de l'entreprise, ferme pour 14 jours. 14 jours précieux pour qui veut profiter à plein du retour des clients. Car “au cas où”, peu de professionnels peuvent envisager de doubler leurs équipes. Beaucoup ont déjà en outre à préserver leurs salariés -ou des proches de ces derniers- dits “à risque”, dont il faudra continuer à se passer de longues semaines parfois. Le tout, dans un contexte de forte tension structurelle sur le recrutement, ce qui interdit tout remplacement facile.

Gérer la perte de productivité

Ces process de mise en sécurité sont également coûteux en équipements et en temps, donc en productivité. Cette perte de temps n'est certes pas un problème au début de la reprise, puisque la faiblesse attendue des volumes d'entrées-atelier fera au moins une place de choix à l'apprentissage et au déploiement des mesures sanitaires. Mais après, si tout se passe bien, il faudra toujours compter environ 30 minutes par véhicule, voire plus s'il faut intervenir dans l'habitacle.

Sans compter que toutes les prestations ne sont pas simples à réaliser avec masques et gants. Et cela aussi, ça va durer. On parle au bas mot de quelque 19 millions d'heures de main d’œuvre en année pleine (pour 38 millions d'entrées-atelier VP+VUL) qu'il faudra financer. Sans compter le coût des équipements de protection individuelle...

C'est pourquoi il y a de fortes chances que la guerre commerciale soit plus sanitaire que tarifaire. En tout cas, tous les pros que nous interrogeons croisent les doigts pour que la sagesse préside. Personne n'a en effet intérêt à alimenter une guerre commerciale pure et dure quand, pour des question de relance comme de remboursement des échéances (report de charges, de loyers, de prêts garantis, facilités bancaires, etc.), la chasse à la marge devient conjoncturellement plus primordiale que la chasse aux volumes.

La concurrence sanitaire sera rude

Mais tous les acteurs ont en revanche l'impérieux besoin de rassurer leurs clients et leurs prospects. Dans un contexte conjugué de digitalisation et de besoin de réassurance, le devis et le rendez-vous en ligne vont sûrement avoir le vent dans le dos et tendre un peu plus vers les 25% d'entrées-atelier que les promoteurs de cette approche prédisent depuis longtemps.

A condition, là encore, que les modules digitaux concernés se convertissent tous rapidement à l'argumentaire sanitaire. Et qu'en aval, tous les membres des enseignes concernées déploient des mesures dites de «sécurité sanitaire renforcées». L'internaute-automobiliste aussi choisira d'abord celui qui lui promet la plus crédible des mises en sécurité...

Sur ce terrain, les indépendants ont intérêt à s'armer. Les réseaux constructeurs, fort de leur légitimité d'industriels, commencent déjà à vanter massivement leurs process sanitaires. Un discours qui pourrait bien compter quand l'internaute, dans le secret de sa relation avec son smartphone ou son ordinateur, pensera d'abord à sa sécurité et celle de ses proches avant peut-être même son budget, lui qui, avant le confinement, était pourtant capable d'arbitrer l'une ou l'autre proposition pour un simple et misérable euro.

Les professionnels sauront-ils malgré tout éviter l'écueil mortifère d'une guerre des prix ? Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...

Jean-Marc Pierret
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