-15%, -10% ou -5% en 2020 : vers un rebond salvateur pour l’après-vente auto?

Jean-Marc Pierret
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Dans quelle proportion les ateliers ont-ils une chance de “se refaire” en partie sur la fin d'année ? Si tout se passe bien, prédit le GiPA, ils pourraient même presque effacer deux mois de confinement grâce au retour des prestations simplement différées et, plus inattendu, de la voiture érigée en symbole, pour de long mois, de la “mobilité-sécurité”. A condition que le chômage, la perte de pouvoir d'achat ou le télétravail ne viennent pas aussi en limiter les déplacements...
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Fin mars et avec l'hypothèse d'un début de déconfinement au 17 mai, Le GiPA avait chiffré le recul possible de l'après-vente en 2020 à -14% , attirant d'ailleurs ici où là le scepticisme de beaucoup d'acteurs qui voyaient plutôt l'année s'achever à -20%, voire -30%. A la veille du 11 mai, l'institut de sondage spécialisé dans l'après-vente auto vient pourtant de confirmer à -15% cette projection dans une vidéo-rencontre organisée par Vroomly.

Mais en soulignant que ce chiffre s'entend sans phénomène de rattrapage d’aucune sorte, scenario-catastrophe auquel le GiPA croit peu. «si 5% du chiffre d’affaires annuel sera forcément perdu, puisque les véhicules auront moins roulé, le rattrapage des 10% restant sur ces 15% est possible», a ainsi prédit Xavier Pacilly, le directeur général du GiPA France. Et -5%, ce sera peu ou prou l'effet de la crise financière de 2008-2009...

La voiture, refuge sanitaire

Les observateurs ont effectivement acquis une solide certitude, fondée sur un très logique bon sens : l'automobile va immanquablement devenir l'outil sanitaire privilégié de la “mobilité-sécurité” ; et ce, pour de longs mois maintenant qu'il est acquis que le déconfinement sera progressif.

A condition bien sûr qu'il n'y ait pas de “reconfinement” national, mais simplement d'éventuels confinements “locaux” au fil de l'apparition de nouveaux clusters plus vite identifiés, circonscris et traités, comme on le constate déjà en Allemagne et en France depuis quelques jours.

Chaque fois que possible en tout cas, les consommateurs vont donc privilégier leur voiture sur les transports en commun et sur les pratiques d'auto-partage. Des transports en commun qui depuis le 11 mai au matin, date de cet article, jouent d'ailleurs leur destin immédiatet donc, celui de l'après-vente auto. S'ils s'avèrent rassurants, ils retrouveront vite un rôle certain. S'ils ne le sont pas, ils feront la promotion de la voiture-refuge.

Des vacances automobiles

Même les citadins endurcis, fussent-ils dans de grandes villes dotées de transports alternatifs, vont peut-être revisiter positivement leur relation à l'automobile. Ils pourraient bien la réhabiliter au moins provisoirement, au détriment des outils partagés comme le vélo ou la trottinette. Les grandes villes, Paris en tête, s'acharnent d'ailleurs déjà à décourager les velléités automobiles, preuve que le risque est pris au sérieux par ceux qui veulent à tout prix bouter l'auto hors de leurs murs.

Tous condamnés que nous sommes en outre à rester à l'intérieur des frontières françaises cet été au moins, les vacances seront hexagonales. Et là encore, pour les mêmes raisons de défiance pour les transports en commun, très majoritairement automobiles. Ces kilomètres supplémentaires imprévus vont donc aussi venir compenser en partie les kilomètres perdus durant deux mois d'immobilité. Une probabilité nourrie par un prix du carburant à la baisse et là encore, pour de longs mois probablement.

L'atout des prestations différées

Plus encourageant encore : les professionnels n'auront même pas à attendre que ces trajets soient consommés pour revoir leurs clients. Odette Dantas, DG adjointe du GiPA France, a quantifié les besoins d'entretien différés par le confinement, donc immédiats. Le 17 mars, 32% des automobilistes s'apprêtaient à solliciter une prestation et 19% ont dû différer leur contrôle technique. Tous vont donc rapidement prendre rendez-vous pour que justement, leur "mobilité-sécurité" demeure opérationnelle. «Nous prévoyons aussi deux prestations en forte hausse : la batterie et le pneumatique, ajoute-t-elle ; et sûrement d'autres car les voitures n'aiment pas l'immobilité».

Une vision que partageait fin mars Marc Aguettaz, patron du GiPA Italie. Lui qui voyait alors l'après-vente transalpine finir 2020 à -18%, s'attendait aussi à un tel rattrapage compensatoire à la fin du confinement. «Beaucoup de véhicules auront besoin d’une intervention. Batteries à plat, injecteurs encrassés par la faune et la flore qui se seront développées dans les réservoirs après de longues semaines d’immobilisation, pneus dégonflés dont l’usure pré-crise imposera le remplacement…»

Sauf pour les carrossiers

Tous les professionnels de l'après-vente ne peuvent hélas se prendre à rêver une relance aussi massive. En premier lieu, les carrossiers et les réseaux de vitrage. Car s'ils bénéficieront effectivement de rendez-vous différés, ce sera à n'en pas douter à la marge par rapport à leurs cousins mécaniques. Eux dont la fréquence de prestations intervient tous les 7 à 9 ans (contre un peu plus d'une fois par an pour la mécanique) devront donc attendre le retour du trafic routier et ses kilomètres réellement consommés pour voir la demande se réamorcer.

Odette Dantas le confirme : «les temps risquent d'être difficiles pour les carrossiers, dont beaucoup d'entreprises sont déjà entrées fragiles dans le confinement»...

 

Les inconnues du pouvoir d'achat... et du télétravail

Reste encore deux inconnues de taille que le GiPA confesse avoir du mal à anticiper. Elles pourraient être les arbitre de la différence entre le miraculeux -5% seulement et le plus violent -10 à 15% : le chômage et son cortège de perte de pouvoir d'achat ou... la continuation difficile à évaluer du télétravail.

Si le climat économique ne peut éviter une explosion du chômage, le budget auto sera le premier à en subir les conséquences. Ce serait une mauvaise nouvelle de plus pour les ventes VN et VO, quelles que soient les braderies de déstockage qui s'annoncent. Mais ce serait à mettre aussi au crédit de l'après-vente : le report du renouvellement du parc bénéficie toujours à l'entretien du parc roulant. Restera à découvrir dans quelles proportions...

L'impact du télétravail sur le trafic automobile est, lui, d'autant plus difficile à estimer par le GiPA qu'il est inédit. Beaucoup d'entreprises vont en organiser la continuation ; certaines même ne l'excluent pas jusqu'à la rentrée de septembre, voire au-delà. Mais toutes ne peuvent pas non plus le systématiser.

A en croire l'INSEE, les cadres, population très “télétravailleuse” depuis le début de la pandémie, ne représentent “que” 18,4% de la population active et les chefs d'entreprises et artisans, 6,5%. A ces 25% cumulés, s'opposent 20,4% d'ouvriers nécessairement à leurs postes de travail, mais aussi les employés (27,2%) et les «professions intermédiaires» (25,7%), auxquelles appartiennent d'ailleurs le personnel soignant. Deux catégories qui recouvrent plus de la moitié des salariés de France, mais qui exercent des métiers multiples dont il est très difficile d'identifier les postes qui peuvent se délocaliser de ceux qui doivent forcément s'exécuter sur site...

Il faudra donc attendre un peu pour savoir si le télétravail sera ou non l'ami ou l'ennemi de la relance après-vente...

Jean-Marc Pierret
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