L’après-vente dans l’œil du cyclone économique

Jean-Marc Pierret
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Il y a rarement eu aussi peu de défaillances d'entreprises qu'au deuxième trimestre 2020, alors même que le confinement ravageait l'activité économique comme jamais depuis la seconde guerre mondiale. Les mesures gouvernementales ont donc pleinement rempli leur rôle, mettant les entreprises en réanimation dans le commerce et la réparation automobiles comme ailleurs. Mais combien d'entre elles sortiront convalescentes ou guéries de leur mise sous respirateur économique ?
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Voilà bien l'un des paradoxes de cette période inédite : selon la récente étude Altares, les défaillances d'entreprises en commerce et réparation automobiles ont reculé de 56,7 % au 2ème trimestre 2020 par rapport à 2019. Et ce, dans tous les compartiments du jeu : de mars à juin 2020 sont ainsi recensées 3 procédures de sauvegarde contre 8 un an plus tôt ; 33 redressements judiciaires contre 110 ; 169 liquidations judiciaires contre 355. Au total, 205 entreprises du secteur étaient en difficulté au second trimestre 2020... contre 473 à la même période 2019.

Ledit paradoxe n'est bien sûr qu'apparent. Il faut voir la main des aides de l’État dans cette faciale résistance. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la performance du secteur du commerce de détail pourtant dévasté par le confinement. Quel que soit le secteur, le reflux des défaillances va de -37,9 % pour le sport & loisirs à -67,6 % pour les magasins dits «multi-rayons».

Un effet “œil de cyclone”

Quant à l'ensemble du commerce interentreprises auquel appartiennent nos distributeurs-stockistes de pièces, on va de -45,3 % de défaillances en «machines & équipements» à -64,3 % en... «textile & habillement». Deux chiffres en évidente contradiction avec l'effondrement de l'activité industrielle et des achats de vêtements... A en croire d'ailleurs le baromètre de la Feda, les distributeurs de pièces ont vécu un second trimestre catastrophique affichant une activité à -18,5 %...

L'activité partielle, les PGE et autres reports de charges ont donc créé un salvateur œil de cyclone, contrariant les vents destructeurs du confinement. Une réalité tous secteurs confondus. Jamais en effet depuis 5 ans les défaillances du second trimestre de l'année n'ont été aussi faibles en France :

Source : Altares (cliquez sur l'image pour l'agrandir). T2= 2ème trimestre.

Reste à savoir bien sûr comment les entreprises sortiront de cette zone de calme d'autant plus redoutable qu'à la classique sortie d'un œil de cyclone météorologique comme économique, le souffle circulaire frappe à nouveau, achevant d'emporter murs, arbres, toitures... et entreprises fragilisées par le premier passage de la tempête.

Inquiétudes en VN/VO

A en croire Altares, la reprise, aussi incertaine que sélective, prépare donc d'inquiétants lendemains. «Depuis quatre ans, le deuxième semestre comptabilise en moyenne 25 000 défaillances d’entreprises ; ce nombre avait franchi la barre des 30 000 en 2009 et 2013. Il est probable que ce plafond soit largement dépassé, craint Thierry Millon, directeur des études Altares. Nombre des 10 000 entreprises préservées artificiellement de la défaillance sur le 1er semestre pourraient venir gonfler les chiffres du second.» La société d'études dit aussi avoir comptabilisé quelque 100 000 entreprises tous secteurs confondus sorties du confinement avec moins d'un mois de liquidités...

Cette foule d'entreprises fragilisées se recrute essentiellement dans les activités de commerce, de café-hôtel-restaurant ou dans les services à la personne, souligne Altares. Mais le commerce automobile, à commencer par les acteurs du VN-VO, craint déjà d'avoir mangé un maigre pain blanc lié aux largesses de la première vague de primes à la conversion qui ont permis des mois de juin et juillet plutôt porteurs.

Résilience en après-vente

En ce qui concerne toutefois les acteurs de l'après-vente, les chiffres du baromètre AM Today ont montré, semaine après semaine de mi-mai à mi-juillet, l'encourageante résilience de l'entretien-réparation depuis la sortie du confinement. Mais l'année est encore loin d'être terminée. Les retournements demeurent possibles. Si la fin juillet est restée dynamique à en croire les observateurs du marché, le mois d'août traditionnellement versatile n'a pas encore délivré son bilan.

En attendant que le retour dudit baromètre précise les tendances, la même question est maintenant sur toutes les lèvres de l'après-vente : l'activité se maintiendra-t-elle en septembre et au-delà ou le soufflé retombera-t-il, une fois terminé le rattrapage des prestations différées, épuisée la manne des vacances hexagonales en voiture et malgré le retour en grâce d'une automobile devenue refuge sanitaire ? Sans oublier bien sûr l'effet potentiellement délétère du télétravail sur les kilomètres habituellement parcourus...

Le pire n'est jamais certain

Thierry Millon veut toutefois rester optimiste. «Nos entreprises ont su montrer jusque-là qu’elles savaient résister. Ne sous-estimons pas leur capacité à passer le cap et déjouer les pronostics de fin du monde, à la faveur d’une reprise plus dynamique qu’attendue, déjà perçue dans certains secteurs

Restons donc convaincus que le pire n'est jamais certain. Et espérons que le Gipa et ses prévisions de mai dernier, qui estimaient l'année 2020 de l'après-vente entre -15% et -5% (sans même exclure d'approcher encore plus de l'équilibre), aient vu juste...

Jean-Marc Pierret
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