Le diag OBD sur smartphone pour tous ? Pas si simple…

Romain Thirion
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01Net s’est récemment laissé allé, dans son édition papier de novembre dernier, à diagnostiquer une Peugeot 208 à l’aide d’un adaptateur OBD-II Bluetooth et d’une application pour smartphone. Mais si l’article révèle les étonnants potentiels offerts par ce matériel au prix extrêmement modique, il semble vouloir montrer un peu trop vite que le diagnostic auto n’est pas si sorcier. Pas tant, mais un peu quand même. Explications...
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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!Notre confrère 01Net, spécialisé dans l’information sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) destinée au grand public, aborde souvent les sujets automobiles dans ce qu’ils ont de plus électronique et informatique. Et surtout dans une démarche de conseils conso et pratiques. Mais lorsqu’il aborde, comme dans son édition de novembre 2014, une thématique aussi professionnelle que le diagnostic, une question se pose : cet exercice est-il réellement ouvert au premier automobiliste venu ?Car en lisant l’article, on s’aperçoit tout d’abord du petit équipement qu’il a fallu à la rédaction du magazine pour réaliser le scan de leur véhicule, une Peugeot 208, et s’aventurer à la lecture des codes défauts. Un adaptateur OBD-II Bluetooth de modèle ELM 327, un tournevis (eh oui, pour accéder à la prise OBD-II), un smartphone et une application. Ce n’est pas un mystère, les adaptateurs de ce type sont désormais connus et même un nom reconnu du diag comme Launch commercialise ce type d’appareils, avec appli smartphone correspondant…
20 euros l’adaptateur…
01Net s’est donc attaqué à l’exercice avec un adaptateur ELM 327 vendu 20 euros, livraison comprise, sur Amazon. Evidemment bien loin du montant affiché par les appareils de diag des professionnels de l’entretien. Mais pas si loin des 50 euros auxquels Launch commercialisait, lors de son lancement, le petit boîtier de son cru. Une fois l’installation de l’appareil, et de l’une des nombreuses applications de lecture d’informations OBD, puis la connexion établie, les rédacteurs de 01Net ont pu vérifier le nombre de défauts apparus sur le véhicule depuis le dernier diag ainsi que l’état des équipements embarqués surveillés électroniquement par l’ordinateur de bord.Puis ils se sont attachés à repérer les codes défauts de la 208, aidés dans leur lecture par une adresse Google renvoyant à… une page de liste des codes défauts génériques EOBD d’ETAI ! Ils ont pu ainsi se rendre compte des défauts récemment identifiés par l’ordinateur de bord, des défauts récurrents et des défauts permanents. Et ainsi, en «recoupant les informations [obtenues] sur des sites spécialisées», le magazine invite ses lecteurs à une démarche de diagnostic hors circuit professionnel et à garder le fameux document d’ETAI, présenté comme «indispensable».
Comment s’en servir ?
Mais indispensable à quoi ? A effectuer soi-même ses réparations ? Nous en doutons. A avoir la grille de lecture nécessaire pour surveiller son garagiste au moment de l’entretien ? Peut-être. A lui soutenir que la lecture des codes défauts et de leur interprétation sur papier ne peut être que la «vérité vraie» et qu’il n’est utile d’intervenir sur le véhicule que pour régler ces problèmes-là ? L’article ne va pas aussi loin mais il suscite bien assez d’interrogations pour que l’on s’en tienne là.Première question : cela fonctionne-t-il aussi facilement ? «C’est tout simplement bluffant», nous confirme un professionnel de l’entretien-réparation qui a procédé au même essai suite à la lecture de l’article. Et ce professionnel n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Jérôme Flachy, président du Groupement des agents Peugeot (GAAP). Celui-ci a fait la même démarche en commandant sur Internet la version WiFi de l’adaptateur ELM327 (pour seulement 14,75 euros, assorti d'un module d’effacement des défauts à 15 euros) et s’y est essayé sur une Peugeot 308 1.6 e-HDi 115 ch. de dernière génération.
Savoir interpréter…
«Pour un tel prix, il est complètement dément de se dire que l’on a accès si facilement aux codes défauts des véhicules, même récents, s’exclame-t-il. Mais encore faut-il les interpréter», tempère-t-il toutefois. De quoi modérer la colère des pros qui se voient déjà pris en otage  par une nouvelle pseudo-compétence de leurs clients automobilistes. «L’appareil est un bel outil pour s’amuser ou pour se mettre au diagnostic électronique si l’on n’en faisait pas avant et si l’on veut pousser plus loin la démarche d’entretien», souligne l’agent Peugeot.Ce qui est plus étonnant −même pour des professionnels de l’entretien auto, comme Jérôme Flachy nous l’a confessé−, c’est de constater à quel point les informations électroniques disponibles partout en Europe par le protocole OBD sont accessibles même au grand public. «Ce type d’appareil prouve que le constructeur ne condamne absolument pas l’accès aux informations techniques de ses véhicules», souligne-t-il. Mais disposer des informations ne signifie pas savoir les lire, ni même remonter à leur véritable source.
Jusqu’à quand ?
«Il reste impossible pour quelqu’un qui n’est pas du métier d’assimiler les codes défauts et il faut une formation et une compétence avérée pour pouvoir solutionner les problèmes auxquels renvoient ces codes, explique Jérôme Flachy. Car il faut parfois la convergence de plusieurs codes défauts pour mener à l’identification de la défaillance de telle ou telle pièce ou équipement.» En d’autres termes : la capacité d’analyse est encore entre les mains des pros. «On n’en est pas encore à proposer des patchs, comme cela se fait dans l’informatique, pour régler les problèmes de Windows, tempère le président du GAAP. D’ailleurs, comme dans l’informatique, la plupart des gens n’iront sûrement pas plus loin que la constatation du problème ou de la panne avant d’appeler leur technicien à l’aide.»Si la révolution du diag version «do it yourself» ne semble pas encore imminente dans le secteur automobile, il est toutefois légitime de se demander si, vu l’ouverture du protocole OBD associée à la disponibilité de grilles de lecture et d'informations techniques comme Alldata, les plus férus des automobilistes en mécanique, technique, technologie et électronique (et ils ne sont pas si peu nombreux) ne se risqueraient pas à aller un peu plus loin. Plus loin que les rédacteurs de 01Net et aussi loin que les professionnels de l’entretien et de la réparation eux-mêmes ?
Romain Thirion
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