PSA : 300 millions d’euros en 2021 grâce aux données de ses véhicules connectés

Jean-Marc Pierret
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La voiture connectée est au coeur des ambitions de PSA. Parce que les données liées à l'après-vente doivent pouvoir permettre au constructeur de conquérir ou de fidéliser les clients automobilistes. Mais aussi parce que toutes les autres données émises ou reçues par ces véhicules connectés constituent un gigantesque potentiel de profits que le constructeur souhaite s'approprier : Carlos Tavarès en espère 300 millions de chiffre d'affaires (au moins) à horizon 2021...
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La connectivité croissante des véhicules est, de toute évidence, l'une des clés de l'avenir de l'après-vente. Nous l'avons déjà largement évoqué dans une série d'articles sur l'origine et surtout sur les enjeux de la voiture communicante. De l'eCall, Cheval de Troie de la voiture communicante à l'Extended Vehicle” (véhicule étendu) qui enverra des milliards de données vers des ordinateurs distants, le terrain est déjà balisé qui annonce une grande bataille digitale entre après-vente constructeur et entretien-réparation multimarque. C'est simple à comprendre dans les faits : celui qui aura accès le premier à ce que racontera une voiture connectée sur son état sera en position d'en capter l'entrée-atelier nécessaire à son entretien-réparation.Les constructeurs l'ont compris et c'est déjà le présent de l'après-vente, comme nous le racontait récemment l'un de nos interlocuteurs conducteur d'une BMW "flotte" nantie du service «Connected Drive» et de l'option «BMW Téléservices» souscrite par le gestionnaire de ladite flotte. A sa grande surprise, alors qu'il venait d'atteindre 31 000 km au compteur, il a reçu un coup de téléphone d'un concessionnaire BMW l'informant que sa voiture avait atteint le kilométrage requis en lui proposant un rendez-vous pour la nécessaire révision de son véhicule. PSA n'est pas en reste qui, au travers par exemple du bouquet de services «Peugot Connected Packs» dont l'option «Pack Monitoring» permet aussi au conducteur d'être d'ores et déjà avisé de tout besoin d'entretien ou réparation de son véhicule et d'une offre atelier du réseau.
Données stratégiques en après-vente, mais pas seulement...
«C'est une activité qui va se développer de plus en plus, au fur et à mesure que le marketing va devenir de plus en plus scientifique», prédisait donc Carlos Tavarès le 5 avril dernier dans le cadre de la présentation du plan «Push to Pass» (voir «PSA va-t-il déclencher la grande guerre de la pièce ?»). Une activité «consistant à attirer nos clients vers nos réseaux de réparation, à attirer nos clients potentiels vers nos sites internet et vers nos concessionnaires, soit pour la vente de contrats de maintenance, pour le vente de pièces ou la vente de véhicules».Ce qui est passé presque inaperçu dans cette présentation du président de PSA, c'était l'officialisation de ce qu'il appelle le «Business de la Data», c'est-à-dire les profits attendus par le constructeur grâce à la commercialisation des données fournies par la généralisation annoncée des véhicules communicants car connectés. Dans le cadre de test à Nice et en Wallonie, a expliqué Carlos Tavarès, «nous avons déjà un partenariat stratégique avec IBM à qui nous vendons des données évidemment anonymisées qui permettent à un certain nombre d'acteurs d'améliorer la vie des citoyens.» Et de citer un exemple plein de promesses : l'identification, au travers de la fréquence de déclenchement de l'ABS des véhicules Peugeot ou Citroën connectés, des zones à risques telles que des carrefours accidentogènes.
Une manne de 300 millions d'euros en 2021 pour PSA
Ce n'est bien sûr qu'un exemple parmi une infinité d'autres : la voiture connectée, a fortiori quand elle se sera généralisée, pourra produire mais aussi recevoir une foultitude d'informations diverses au-delà de ses seuls besoins d'entretien ou des seules zones dangereuses évoquée par le patron de PSA. Elle pourra “parler” météo ou trafic ultra-localisé en temps réel ; elle pourra aussi recevoir une infinité de propositions commerciales si le conducteur le souhaite. Et à en croire le patron de PSA, le constructeur compte bien se rétribuer autant en vendant les données produites par les véhicules connectés que lorsque ces véhicules connectés en recevront à la demande de leurs conducteurs... «l'ensemble de ces activités devraient nous procurer 300 millions d'euros de recettes supplémentaires en 2021», a prédit Carlos Tavarès qui annonçait, concomitamment au plan Push to Pass, consacrer 100 millions d'euros pour investir dans les start-up et autres projets qui permettront au constructeur de rater le moins possible d'opportunités en la matière.300 millions d'euros, voilà qui augure une nouvelle et inespérée ressource à PSA comme à tous les autres constructeurs qui souffrent et souffriront longtemps des faibles marges industrielles tirées de la seule production des véhicules. Et ce n'est sûrement qu'une estimation basse : en septembre dernier, la société d'étude AT Kaerney annonçait que le chiffre d'affaires de la voiture autonome atteindrait dans le monde la bagatelle de 515 milliards de dollars à l'horizon 2035. Mais surtout, que la moitié de cette manne (soit tout de même... 257,5 milliards !) serait «composée d'applications et de services et des systèmes de sécurité active associés».
Pas question de partager facilement
On comprend pourquoi les constructeurs, comme les grands équipementiers impliqués dans la connectivité des véhicules, n'ont pas du tout envie de voir les Google, Microsoft et autres Apple, grands spécialistes du traitement et de la commercialisation de données, venir leur confisquer cette manne. Et en creux, à quel point la rechange et la réparation indépendantes ont intérêt à être vigilantes : les données liées à la maintenance des véhicules connectés ne sont certes qu'une petite partie de ce gigantesque gâteau. Mais si les données de l'après-vente étaient trop facilement ouvertes à des tiers hors réseaux de marque, cela constituerait un précédent rendant plus incertaine la ferme volonté des constructeurs, PSA comme tous les autres, de conserver la maîtrise de ce très lucratif «business de la data» si cher à Carlos Tavarès.Il y a quelques jours, l'ACEA (Association Européenne des constructeurs d'Automobiles) a publié un long document baptisé «ACEA Strategy Paper on Connectivity», une sorte de Bible destinée à encadrer la façon dont les données issues des véhicules connectés devraient être traitées et la façon tout aussi encadrée par laquelle les indépendants devraient accéder à ce marché des données issues des véhicules connectés. Nous y reviendrons, mais cette détermination des constructeurs ressort à presque chaque page : pas question d'en rendre l'accès facile et de toute façon, pas question d'en confier la commercialisation à d'autres acteurs que les constructeurs...
Jean-Marc Pierret
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