PSA : une stratégie aftermarket… pour préparer le VN de demain ?

Jean-Marc Pierret
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S'il est maintenant acquis que PSA se lance massivement dans la vente de pièces multimarque −dont son offre inédite en pièces équipementières n'est pas la moindre des révolutions− on peut encore légitimement se demander ce que le constructeur vient faire sur ce terrain ou, à tout le moins, ce qu'il en espère. Et si le but de cette stratégie consistait d'abord à préparer la distribution VN/VO de demain ?
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Certes, le marché de la pièce et de ses services liés n'est pas anodin. A lui seul, il peut donc justifier les appétits nouveaux de PSA Aftermarket et sa stratégie inédite voulant faire le même métier que la rechange et la réparation indépendantes. En France, selon l'Autorité de la concurrence, l'après-vente pèse 31 milliards d'euros prix public HT, pièces captives et concurrencées comprises ; en Europe, il atteint 198 milliards d'euros selon l'estimation récente de LKQ que nous avions révélée en janvier dernier.Pourquoi alors avoir tardé ? Les constructeurs ont longtemps cru qu'ils pouvaient laisser le temps travailler pour eux. Que rupture technologique après rupture technologique, les indépendants jetteraient l'éponge en laissant aux constructeurs et leurs réseaux l'essentiel de l'après-vente de voitures devenues trop complexes à réparer. Las... Non seulement ils s'acharnent, mais ils s'organisent, ces damnés indépendants qui grignotent et s'adjugent, lentement mais régulièrement, parts de marché et amour des consommateurs. Selon les récents chiffres du Gipa découverts lors de la «Rentrée Connectée» du Garac, les RA1 et RA2 pèsent 35% des entrées-atelier, alors que les seuls MRA en captent 32%, le reste se répartissant entre centres auto (15%), pneumaticiens (8%) et réparateurs rapides (6%).Laisser ainsi plus de la moitié de ce gigantesque gâteau de l'après-vente aux seuls acteurs d'une rechange et d'une réparation indépendantes bien plus vivaces que prédit, en se privant en outre d'une telle manne à l'heure où la rentabilité de l'industrie automobile est aléatoire, voilà qui n'a effectivement plus guère de sens pour les constructeurs en général. Et pour PSA en particulier, qui confesse son retard sur d'autres en ne couvrant, avec ses pièces d'origine, que 30% des besoins en entretien-réparation de son parc Peugeot, Citroën et DS.Dans cet esprit et à en croire Christophe Musy, directeur des pièces et services, la stratégie après-vente de PSA est d'abord défensive. Il confirmait récemment auprès d'un de nos confrères deux chiffres-clés et une tendance lourde : 80% des réparateurs en Europe sont des réparateurs indépendants ; plus de 50% des consommateurs vont vers eux (voire même 65%, à en croire donc le Gipa) ; le tout alors même que les constructeurs perdent, inexorablement, des parts de marché en après-vente.Ajoutons-y le vieillissement croissant d'un parc européen quasi-stagnant (au moins sur ses principaux marchés), ou encore la fiabilité exponentielle des véhicules, et on l'aura évidemment compris : PSA comme ses autres confrères constructeurs se doivent à la fois d'endiguer l'hémorragie de clientèle-atelier et de s'interroger sur la meilleure façon de s'adapter, avec leurs réseaux, à l’évolution d'un marché que les charmes de la pièce d'origine ne suffisent plus à dominer et contrôler ; un marché où les clients, de plus en plus dépassionnés à l'endroit du produit automobile, chassent de plus en plus prioritairement prix et efficacité quand il s'agit de le faire entretenir...
L'après-vente et seulement l'après-vente?
Soit : PSA comme les autres constructeurs doivent donc agir et/ou réagir. En ce sens donc, la stratégie de conquête/reconquête de PSA se justifie pleinement. Mais ce qui reste malgré tout très difficile à croire, c'est qu'un constructeur prétende s'en aller ainsi faire le métier des autres −et pas le plus simple des métiers, en matière logistique au moins− sans au moins une arrière-pensée sur l'impact que cette décision peut avoir d'utile à son métier naturel qui lui demeure essentiel : vendre du VN. Vu sous cet angle ayant au moins le mérite de la logique, un fondamental y trouve une première légitimité : l'après-vente, c'est aussi l'avant-vente VN et VO. Si les constructeurs se sentent faibles en après-vente, ils ne peuvent donc que se sentir fragilisés en vente pure.Cela, PSA ne le découvre évidemment pas. Il est probable donc qu'en souhaitant révolutionner son offre après-vente et en passant, celle de ses propres réseaux RA1 et RA2, PSA veuille ainsi leur donner les moyens de reconquérir en après-vente le fond de parc et rester au contact d'un maximum de clients potentiels susceptibles d’acquérir un VN ou, au moins, un VO récent d'une des marques du groupe. Les trois niveaux de prix proposés par le triptyque pièces imaginé par PSA (“base 100” pour la pièce d’origine, environ 85 pour la pièce équipementière et 70 pour la pièce Eurorepar), sont évidemment là pour que les ateliers agréés puissent ratisser et séduire “plus large”. Quant à Mister-Auto, il devient dans cet esprit un bel outil pour suivre, même de loin, ces détenteurs de vieilles voitures du groupe que ni les RA1, ni même les RA2 ne reçoivent dans leurs ateliers...Mais il y a peut-être un autre objectif derrière cette stratégie a priori exclusivement aftermarket : commencer à s'adapter à une autre mutation qui annonce probablement une transformation du business model du commerce VN et VO.Premier indice en ce sens : l'impact d'internet dans l'offre véhicules neufs comme d'occasion et sur la décision d'achat des automobilistes. De plus en plus, les consommateurs choisissent leurs prochaines voitures sur le web. Déjà 38% des consommateurs se déclarent prêts à vendre ou acheter leurs véhicules exclusivement via internet, constatait récemment la start-up Winicar qui veut faciliter l'achat/vente VO par Internet en l'affranchissant de toute interaction physique. Les constructeurs l'ont bien compris. En Italie, Smart vient de créer une plateforme en ligne qui permet de commander et se faire livrer à domicile une «Fortwo» ou une «Forfour» neuve sans passer par la case concession. Mitsubishi a permis la même chose pour commander sa citadine électrique i-MIEV en ligne. Parallèlement, on voit même des consommateurs commencer à se grouper pour acheter des véhicules en masse, à la façon des achats flottes qui n'ont que subsidiairement besoin d'une concession.
Le modèle “concessionnaire RA1” a-t-il encore de l'avenir  ?
Certes, il reste évidemment des clients pour se rendre en concession afin de sentir et toucher leurs futures voitures. Mais faudra-t-il maintenir encore longtemps des milliers et des milliers de ces showrooms de plus en plus coûteux pour, potentiellement, de moins en moins de visiteurs physiques ? Le modèle adopté par certains constructeurs, à commencer par Mercedes et ses vastes Mercedes-Benz Centers régionaux à l'image de celui de Rueil-Malmaison, ne préfigurent-ils pas un avenir fait de showrooms plus rares géographiquement mais bien plus vastes unitairement, un lieu où les consommateurs pourront venir de plus loin pour découvrir des gammes complètes assorties de loisirs et d'offres ludiques ?Mais si les constructeurs ne manquent sûrement pas de s'interroger sur l'avenir du modèle actuel de concessions de moins en moins fréquentées, encore leur faut-il avant tout imaginer, concevoir et tester un ou plusieurs modèles alternatifs crédibles pour ne pas lâcher la proie pour l'ombre. On vient de le voir, internet permet déjà d'essayer de nouvelles formules. Et si l'offensive aftermarket de PSA était avant tout dictée par cette problématique : accroître une proximité-client tout en “allégeant” les réseaux VN/VO ?Récapitulons : à l'avenir, la seule proximité déterminante que vont exiger les consommateurs-automobilistes, la seule qu'on ne puisse d'ailleurs pas, en tout ou en grande partie, virtualiser ou “internetualiser”, se résume, dans le commerce et la réparation, à une seule et unique activité : celle de l'atelier. D'autant plus à l'heure où les véhicules connectés s'apprêtent à faire eux-mêmes leur diagnostic et communiquer leurs besoins. Car curieusement, la mondialisation virtuelle que permet internet a un impact paradoxal sur le consommateur, automobiliste ou pas. De façon croissante, il rêve de pouvoir travailler et acheter produits et services à côté de chez lui, voire depuis chez lui. Du coup, s'il doit porter ou chercher un objet de consommation dans un lieu spécialisé pour une prestation régulière ou un besoin régulier, il faut que ce soit à proximité. L'une des raisons de la réussite de la réparation indépendante, au-delà de ses efforts pour rester dans la course technologique en proposant des prix attractifs, c'est précisément et avant tout la densité de sa présence. Rappelez-vous, PSA l'a constaté lui-même : 80% des réparateurs européens sont indépendants.
Quel réseau pour demain ?
Il est donc logique que PSA veuille se rapprocher de ces 80% de points de réparation pour leur vendre ses pièces, avec une offre adaptée à leurs habitudes d'achats pièces et services. En passant, PSA pourrait même revaloriser ainsi sa seule réelle plus-value : une offre en pièce dites d'origine et en informations techniques d'origine, probablement le seul point qui, dans la nouvelle offre aftermarket de PSA, puisse d'ailleurs vraiment attirer l'attention d'un réparateur indépendant.Mais dans ce cas, l'autre question que doivent donc se poser cette fois les RA1, c'est bien la suivante : si les constructeurs rêvent d'une proximité après-vente pour rester au contact de tous leurs clients, récents comme anciens, quel est le modèle de réseau qui a de l'avenir ? Celui des RA1, coûteux et aux ateliers trop chers ou celui de RA2 couplés à des «RA3» façon Eurorepar Car Service, un couple plus dense et moins onéreux, donc plus compétitif et plus conquérant ? A après-vente-auto.com, depuis que l'on décortique l'offensive de PSA Aftermarket, on pense de plus en plus que la réponse est peut-être bien dans cette question...
Jean-Marc Pierret
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