La délicate question de la sécurité des salariés… et du chef d’entreprise

Jean-Marc Pierret
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Le début de déconfinement prévu au 11 mai inquiète les chefs d'entreprises du secteur sur deux points majeurs : la sécurité effective des collaborateurs, synonyme de continuité de reprise d'activité et le risque de responsabilité pénale pour "le patron". Le gouvernement réfléchit à la meilleure façon de lever les flous qui subsistent quant à ce second risque...
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Côté sécurité des salariés, les efforts d'approvisionnements en masques, en gels, en gants et autres visières ou protections en plexiglas semblent sur le point de permettre aux entreprises du secteur d'organiser une sécurité sanitaire en phase avec les multiples recommandations.

Sécuriser et discipliner les salariés

Parallèlement, les chefs d'entreprises finalisent évidemment un document unique propre à expliciter les mesures prises, les gestes barrières et les comportements à adopter en fonction des postes de travail. Les organisations professionnelles ont déjà travaillé pour fournir à tous types de structures les éléments d'information idoines.

Certains chefs d'entreprises envisagent en outre de s'assurer, par courrier ou par retour formalisés, que leurs salariés ont bien pris connaissance des conseils et spécificités propres à leur sécurité sanitaire et celles de leurs collègues et  clients. Ils souhaitent souvent qu'ils confirment s'engager à les respecter. «On a beau tout prévoir, il faut aussi faire comprendre aux salariés qu'il suffit d'un petit relâchement isolé pour remettre en question tout le dispositif sanitaire», s'inquiète un petit chef d'entreprise.

Tout ne peut être sous contrôle

Car pour toutes les entreprises, le challenge du confinement est dorénavant moins de survivre économiquement que de s'assurer que les collaborateurs pourront exploiter au mieux la reprise. Et elles savent qu'en dépit de tous les efforts déployés, elles vont quand même devoir jouer à la roulette russe. Elles ne peuvent évidemment garantir la sécurité durant les trajets domicile-travail ou dans les vies personnelles.

Et même si les entreprises ne comptent pas déjà dans leurs rangs de collaborateurs classés à risque (cardiaque, diabétique, immunodéprimés, etc.) qu'il faudra plus durablement écarter des effectifs, il suffira qu'un membre de l'équipe, voire qu'un de ses proches, soit contaminé pour que l'ensemble de l'entreprise soit contrainte de s'arrêter le temps d'une “quatorzaine”. Impossible en effet de construire deux équipes étanches, susceptibles l'une de palier l'autre si l'un des salariés est atteint...

les petites structures en première ligne

Et c'est un problème nouveau. Il était déjà difficile de subir un effondrement d'activité durant le confinement. Mais au moins les concurrents étaient-ils tous logés à la même enseigne : les clientèles étaient gelées mais pas perdues. Avec le déconfinement, la donne va changer. Le risque de pérennité sera accru si l'entreprise se retrouve en arrêt forcé quand ses clients pourront aller chercher leurs prestations chez un voisin plus chanceux.

Ce risque de déséquilibre “sanitaro-concurrentiel” accru menace 95% des entreprises de la filière des services dont les effectifs sont inférieurs à 10 salariés. Et ce, dans un contexte où la perte d'exploitation demeure un risque majoritairement exclu par les assureurs...

Régler le flou de la responsabilité pénale

Mais une autre inquiétude paralyse bien des chefs d'entreprise : le risque de voir leur responsabilité pénale engagée si, malgré toutes les précautions prises dans les règles de l'art, un drame devait arriver dans leurs équipes.

Dans le cadre du projet de loi destiné à proroger de deux mois l'état d'urgence sanitaire, le gouvernement semble vouloir prendre en compte le flou qui demeure sur ce dossier. Si au stade actuel cette question ne figure pas expressément dans le texte, elle pourrait faire l'objet d'un amendement relatif à la responsabilité pénale des élus et des chefs d’entreprise, viennent de faire simultanément savoir le CNPA et la Feda.

Le Premier ministre a indiqué que le sujet serait sans doute abordé dans le cadre d’une «disposition législative», explique l'organisation professionnelle. Un début de confirmation est venu par la commission des Lois du Sénat : «Nous travaillons en lien avec l’exécutif à un moyen de faciliter la vie des chefs d’entreprise et des élus qui auraient appliqué rigoureusement toutes les obligations législatives et réglementaires du cadre fixé par le gouvernement pour le déconfinement

Reste à définir «rigoureusement»...

Jean-Marc Pierret
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