Youngtimers : le marché passion

Jérémie Morvan
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Chaque semaine, des milliers de passionnés se déplacent avec des véhicules dépassant les 30 ans d’âge, pour le simple plaisir de rouler différemment, avec la nostalgie d’une époque où le rêve automobile était encore une grande cause nationale. On estime le monde de la collection automobile à plus de 700 000 véhicules, et plus de 250 000 propriétaires. L’activité de l’entretien et de la restauration est en croissance (avec un budget de près de 3 500 euros annuels par collectionneur selon Rétromobile) et est souvent assuré par des passionnés. Que doit-on savoir pour y accéder ?
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Lorsque l’on s’adresse à des clients passionnés, il faut un fond d’intérêt pour l’historique de l’automobile pour fournir des prestations de qualité. La formation et l’équipement ne doivent pas non plus être improvisés. Si la rentabilité n’est pas garantie, la croissance du chiffre d’affaires peut néanmoins être envisagée avec optimisme, avec une fidélisation à long terme des clients.

Un marché segmenté

Comme monsieur Jourdain, beaucoup “font” déjà de la voiture ancienne sans le savoir. Pour être classé en voiture de collection selon la réglementation, il faut que celle-ci dépasse les 30 ans d’âge, soit aujourd’hui avant 1990, et donc beaucoup de voitures qui sont encore en service au quotidien.

Mais ces modèles désignés comme « youngtimer », de plus en plus nombreux (40 000 selon le CNPA et les chiffres de la FFVE), ne sont cependant pas l’essentiel des véhicules de collection. Il faut considérer les ancêtres, jusqu’à 1930 comme des modèles à part, qui posent des problèmes importants de restauration et d’entretien, et qui seront traités par des spécialistes. Les « oldtimer » couvrent les années 40 à 60 et les « vintage » sont beaucoup plus récentes dont les performances permettent à leurs propriétaires un usage plus simple, voire quotidien. Il en va de même pour l’entretien, la restauration et l’obtention des pièces détachées, bien que certaines marques et modèles bénéficient d’une disponibilité plus ou moins grande des pièces de refabrication.

Entretien : certes plus simple, mais très spécifique
Pour le bon entretien, il faut les bonnes pièces et les bons produits, Total a créé une gamme de lubrifiants adaptés chez Elf. Pour le bon entretien, il faut les bonnes pièces et les bons produits. Total a créé une gamme de lubrifiants adaptés chez Elf.

Comparées aux voitures actuelles, bardées d’électronique, les anciennes sont bien plus faciles à réparer. Toutefois, il faut maîtriser les bases du moteur à combustion avec son allumage à contact, l’alimentation par carburateurs et des structures moteurs classiques, savoir réparer une boîte de vitesses ou un pont.

Le réparateur aura aussi besoin de correctement “sourcer” ses pièces et sa documentation technique. Pour l’y aider, plusieurs structures ont été mises en place pour les réparateurs traditionnels : chez Groupauto avec le label Top Garage Classic, chez Bosch au travers de son réseau très spécialisé Bosch Classic et, dernier venu sur le marché, Nexus qui propose des sélections de pièces pour anciennes avec Renovatio.

Les réseaux, leur raison d’être
Bosch a mis en place un réseau spécialisé en France pour des opérations très techniques. Top Garage Classic est son pendant chez Groupauto... Bosch a mis en place un réseau spécialisé en France pour des opérations très techniques. Top Garage Classic est son pendant chez Groupauto...

Que proposent les réseaux ? Une visibilité nationale, mais les collectionneurs cherchent-ils cela ? Responsable des réseaux VL chez Alliance Automotive Group et fervent passionné d’automobiles, dont les anciennes, Vincent Congnet déroule ses arguments : « Les distributeurs Groupauto ont travaillé sur l’identification des pièces qui peuvent se monter sur des anciennes et qui sont dans nos stocks habituels. Nous pouvons également mutualiser des compétences, à l’image de Durant à Lyon pour les radiateurs ou Ragues en Normandie qui dispose d’un atelier de rectification moteur très performant. C’est vrai : les youngtimer (entre 1980 et 2000) sont plus faciles à restaurer, et leurs propriétaires roulent beaucoup plus que la moyenne. Et c’est justement l’avantage d’un réseau national qui permet au conducteur de retrouver un garage là où il se trouve. »

Pour ses clients, Top Garage Classic a édité un carnet d’entretien pour les voitures de collection, utile pour rappeler qu’il faut changer ses habitudes avec la voiture ancienne, rapprocher les entretiens, et utiliser des produits adaptés.

Le CNPA vise aussi à aider à cette spécialisation, avec une branche métier dédiée qui apporte tous les conseils juridiques et la formation adéquate. L’action du syndicat s'étend à la défense du propriétaire face à l’administration pour la reconnaissance de spécificités techniques, ou encore l’homologation d’évolutions de la fabrication qui apportent plus de sécurité à l’usager.

L’équipement de l’atelier

Top Garage demande une zone sécurisée pour les anciennes. Chez les utilisateurs, on aime la propreté et l’attention du réparateur pour l’objet qu’il répare. « Ce n’est pas de la mécanique 'utilitaire' » avec des simples changements de pièces, rappelle-t-on chez Gazoline, le magazine qui pratique lui-même des restaurations complètes de véhicules.

Pour ce qui est du matériel, il faut du “basique” : analyseur de gaz pour la carburation, lampe stroboscopique et contrôleur d’angle de came. « Il faut surtout bien maîtriser les fondamentaux de la mécanique automobile, travailler très proprement et avec conscience », affine Benoît Mahoue, en charge de la formation chez Bosch, qui ajoute les kits de manomètres pour la réparation des circuits d’alimentation et l’oscilloscope pour la mesure électrique pour les adhérents de son réseau Bosch Classic Service.

« Bien que beaucoup n’y voient pas d’intérêt, nous persistons à penser qu’un banc d’allumeur est une base sérieuse pour étalonner et régler les courbes d’avance à l’allumage, même si les ressorts de réglage ne sont pas forcément disponibles en rechange, explique-t-il. Il permet de restituer des valeurs d’avance dans les tolérances établies par le constructeur et évite les phénomènes de cliquetis amplifiés par la qualité des carburants désormais disponibles à la pompe. »

Car le travail du réparateur passe aussi par un rôle de conseil auprès du collectionneur pour l’aider à utiliser au mieux son véhicule. Souvent collectionneur lui-même, le spécialiste doit alors joindre à son expertise métier le regard d’un expert qui analysera la mise en perspective de l’usage de ces véhicules dans notre environnement actuel.

Jérémie Morvan
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