Ateliers ouverts ou fermés : l’infernal cas de conscience

Jérémie Morvan
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Alors que les arrêtés du gouvernement ont autorisé les entreprises d’entretien-réparation à demeurer ouvertes pendant la période de confinement, de nombreuses questions demeurent dont  celle du chômage partiel et aussi -surtout ?- celle de la responsabilité juridique, voire pénale, du chef d'entreprise...
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Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a déjà pris 25 ordonnances d’urgence économique destinées à palier le brutal coup de frein sur l’ensemble de l’activité du pays. Parmi ces mesures, il a prévu la mise en place d’un soutien à la trésorerie des entreprises et la création d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions. Autres mesures destinées à redonner de l’air aux entreprises, le report intégral ou l’étalement du paiement des loyers ainsi que des factures d’eau, d’électricité et de gaz liées à l’usage des locaux professionnels et commerciaux.

Activité partielle : dans l’attente de précisions...

Autre promesse très attendue dans le secteur des services de l’automobile : le recours à l’activité partielle. A en croire les dernières heures, la question est sur le point d'être assez positivement traitée par décret très rapidement, puis par ordonnances (voir «Bonnes nouvelles sur le front du chômage partiel ?»)

Sur la question de l'accès à ce chômage partiel pour les entreprises autorisées à ouvrir, c'est le bon sens qui devrait trancher. Comment des réparateurs ou des distributeurs de pièces, à fortiori des concessionnaires et des agents privés en outre de ventes VN et VO, pourraient-ils en être exclus quand leur chiffre d'affaires s'est effondré de 80% ?

De son côté, la FNA a d’ores et déjà estimé que le recours à l’activité partielle était possible : «dès lors que l’entreprise est confrontée à une réduction ou à une suspension d’activité liée à la conjoncture ou qu’elle rencontre un problème d’approvisionnement, elle est éligible à la mise en place de l’activité partielle», explique l'organisation professionnelle dans un communiqué. Autre motif qui permet de déclencher le mécanisme : l’impossibilité de prendre les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés. Et c'est souvent le cas pour nombre d'entreprises de l'après-vente...

Quid de la responsabilité juridique

Une autre question cruciale se pose à tous ceux qui, totalement ouverts ou assurant un service d’urgence. Comment faire pour respecter scrupuleusement les recommandations du ministère de la santé quant aux gestes barrière dans un atelier d’entretien-réparation ? Plus d’un chef d’entreprise doit en effet ouvrir la peur au ventre en pensant au risque de voir l’un des collaborateurs contaminé par le covid-19. Et des effets dévastateurs que cela pourrait potentiellement entraîner pour l’entreprise sur le plan de sa responsabilité juridique et même pénale.

Car en matière d'entretien-réparation, outre les distances de sécurité difficiles à faire appliquer dans les petits espaces, ces geste apparaissent inapplicables dans les ateliers PL où une intervention sur un véhicule peut parfois nécessiter deux opérateurs. Et surtout : comment décontaminer tout véhicule entrant à l’atelier pour tendre vers le risque zéro, ou au moins un risque raisonnable, pour ses salariés ? Car les pros ne sont pas dupes. Ils sont certes autorisés à ouvrir. Mais pas obligés à le faire. Si un drame devait arriver dans leur entreprise, ils savent qu'ils risquent d'être dès lors seul à l'assumer...

Outre le manque de client à l’atelier, cet autre facteur explique aussi pourquoi tant de professionnels ont décidé d’arrêter temporairement leur activité le temps du confinement.

Haut les masques !

Preuve de l’enjeu de cette question : l’AFP relate ce jour le dépôt de plainte des salariés d’un équipementier automobile dans son usine de l’Aisne «pour mise en danger de la vie d’autrui» car continuant son activité de production jugée non essentielle par ses salariés.

Une note du ministère du Travail diffusée ce jour indique certes qu'«il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés». Mais comment le juge, lui, relira ces directives ?

D'autant que les professionnels de l’entretien-réparation ne sont guère loin de la ligne de front virale. Pour garantir leur mobilité, ils accueillent prioritairement les véhicules des personnels de santé, les véhicules d’urgence et des forces de l’ordre. Soit de personnes directement ou très potentiellement en contact avec le coronavirus. Il faut assurément du courage pour ces pros oeuvrant à assurer la mobilité des personnes essentielles à la lutte contre la maladie.

A cet égard, lorsque les millions de masques promis par le gouvernement seront rendus disponibles, ne serait-il pas logique qu’eux aussi puissent en bénéficier prioritairement, même s'ils ne sont pas l'arme absolue ? Le CNPA estime, en partant des effectifs salariés dans les entreprises autorisées à ouvrir, que 9 millions de masques seraient nécessaires pour seulement un mois. «Nous sommes entrés en relation avec différentes autorités pour aller plus loin dans ce domaine», souligne Xavier Horent, délégué général de l’organisation.

Une arme de plus n'est effectivement jamais malvenue quand on monte au front...

Jérémie Morvan
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