FRCI : premier bilan post-Covid et perspectives pour les carrossiers

Jean-Marc Pierret
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La Fédération des réseaux de carrossiers indépendants (FRCI) a dévoilé en grande pompe les résultats de son tout premier Observatoire Covid-19, commandée à la société SOCCA, afin de rendre compte de l'impact de la crise économique générée par la pandémie sur le métier de réparateur. Et malgré l'impact, qui s'annonce durable, sur l'ensemble des ateliers de carrosserie, de réels motifs d'espoir subsistent malgré tout...
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C'est sur une base conséquente d'adhérents de la FRCI que la société SOCCA a réalisé la toute première enquête de l'Observatoire Covid-19 mis en place par l'organisation présidée par Patrick Cléris. En effet, sur les 2 200 entreprises de réparation carrosserie membres de la FRCI, 522 réponses complètes ont pu être collectées, ce qui représente 23,7% de répondants au total !

Des réparateurs qui se sont largement ouverts de leurs difficultés, rencontrées depuis le début de la crise sanitaire et économique générée par la pandémie partie de Chine, qui a obligé plus de la moitié du monde à se confiner et les Français durant quasiment deux mois.

Presque 25% de chiffre d'affaires en moins à fin mai

En carrosserie aussi, et malgré le lourd impact du confinement et ses sinistres évaporés dans les millions de km ainsi perdus, le pire n'est pas certain. Certes, le CA moyen du panel de constitué par la FRCI est passé de 419 400 € de janvier à mai 2019 à 319 000 € sur la même période de 2020. Le recul, de 24,9 %, n'était déjà guère encourageant.

Mais la réparation-collision profite elle aussi d'un certain rattrapage de ces kilomètres perdus, grâce aux vacances automobiles en France et au statut de refuge sanitaire que les autos conservent depuis la rentrée. Les panélisés prévoient donc 70 200 € de CA mensuel de juin à décembre 2020, contre 63 800 € par mois engrangés sur les 7 derniers mois de 2019. Soit +45 000 € qui seraient -et espèrent-ils, seront- les bienvenus pour limiter la casse...

Aides utiles de l’État

Il faut aussi constater que 80 % des entreprises ont utilisé les reports de charges (qui commencent à tomber), que 50 % ont opté pour le PGE (qui viendra plomber la capacité de financement), mais aussi que plus de 90 % ont logiquement activé le chômage partiel qui, lui, a réellement réduit les charges habituelles. 48,5 jours de salaires+charges ont ainsi déjà été épargnés en moyenne. Et 11,4 % des carrossiers interrogés disent vouloir et devoir continuer à en bénéficier...

En ce qui concerne le prêt garanti d’État (PGE), Philippe Arraou, président d'honneur de l'Ordre des experts-comptables et président du BDO, invité pour commenter les résultats de l'étude, se dit surpris de ne voir qu'environ la moitié des réparateurs sondés l'avoir sollicité... Pour l'instant.

«Je le traduis presque comme un signe de confiance, alors que j'ai moi-même conseillé à tous mes clients de le solliciter car cela ne coûte rien, souligne-t-il. Ce PGE à 0,25 % de taux d'intérêt est, en outre, d'une facilité déconcertante à obtenir, même si je pense qu'il ne sera pas facile à rembourser en cinq ans, car il faudra mobiliser 5 % du chiffre d'affaires et 5 % du résultat net après impôt pour y parvenir, ce que peu d'entreprises peuvent se permettre. Il faudra que l’État fasse quelque chose pour rendre ce remboursement plus facile. Mais j'encourage néanmoins tous les entrepreneurs à solliciter le PGE car c'est une vraie sécurité : c'est un réflexe un peu paysan, mais qui a ses vertus."

Emploi, formation et investissement restent des priorités

Autre signe que tout ne part pas à vau-l'eau : les volontés d'embaucher restent réelles, signe que les nuages n'occultent pas toutes les aspirations au développement.

Une entreprise sur 4 souhaite ainsi recruter. Les 522 entreprises interrogées ont besoin de 134 postes à pourvoir, ce que la FRCI projette donc à un besoin de 590 à l'échelle des 2 300 entreprises animées par les 7 enseignes de carrosserie membres de l'organisation professionnelle.

Même gourmandise constatée en matière de formation. 40 % des presque 600 carrossiers auscultés par l'étude ont besoin, à 85 %, de formations techniques.

«Au niveau de la carrosserie-peinture, nous constatons un maintien des formations et les entreprises continuent de jouer le jeu de l'alternance, se réjouit Catherine Rolland, responsable de l'OPCO Mobilités Nouvelle-Aquitaine. Actuellement, nous assistons un niveau d'embauche en alternance satisfaisant.» 

En creux, cette surprise : la digitalisation forcée par le confinement n'a pas vraiment changé les habitudes en la matière. 24,3 % demandent des sessions en présentielles quand "seulement" 17,3 % aspirent à des classes virtuelles...

Autre indicateur de la résilience des carrossiers malgré les forts ventes économiques contraires : l’investissement. Seulement 1,5% disent les avoir stoppés, quand 21,6% les maintiennent et 18,4% avouent les avoir seulement reportés. A noter toutefois qu'il en reste quand même 58,5% qui les excluent purement et simplement... Autre indicateur de la résilience des carrossiers malgré les forts ventes économiques contraires : l’investissement reste priorisé.
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Autre indicateur de la résilience des carrossiers malgré les forts ventes économiques contraires : l’investissement. Seulement 1,5 % disent les avoir stoppés, quand 21,6 % les maintiennent et 18,4 % avouent les avoir seulement reportés. A noter toutefois qu'il en reste quand même 58,5 % qui les excluent purement et simplement...

Mais pour ceux qui souhaitent continuer d'investir, s'ils privilégient de manière écrasante les investissements sur le bâtiment, ils sont 16% à envisager d'investir dans les équipements de recalibrage d'ADAS. «Une entreprise doit anticiper les évolutions et même dans un contexte difficile, il faut qu'elle continue à se développer», souligne Philippe Arraoui.

La main d’œuvre, clé de la juste rétribution

Yves Levaillant, président de la branche Carrossiers du CNPA, sollicité en visioconférence, abonde.«Il est incontournable pour nos professions de continuer d'investir, compte tenu du fait que les constructeurs ne cessent de complexifier leurs véhicules et nous ne pouvons pas nous contenter de recourir à la sous-traitance».

Devant les quelques conclusions tirées par la SOCCA de cette étude, Patrick March, président de la société, n'a pu s'empêcher de mettre en exergue le besoin qu'ont les carrossiers de voir leur métier revalorisé ainsi que le taux de main d'œuvre. «Il y a une vraie réflexion, profonde, attendue autour de ce thème», insiste-t-il. Et Patrick Cléris d'insister : «il ne faut pas sous-rétribuer le geste technique, surtout à une ère où l'on demande au réparateur indépendant de traiter les voitures au même titre qu'un concessionnaire, ce qui nécessite de se former».

Les satisfecit aux acteurs économiques

La FRCI n'aura pas fait cette étude pour rien : les carrossiers décernent leur palme des acteurs économiques à leurs propres enseignes ! Presque 78 % en sont satisfaits, contre seulement 3,5 % de mécontents.

Juste derrière arrivent... les apporteurs d'affaires (assureurs et flottes) auxquels 69,4 % tressent les louanges pendant qu'à l'opposé, 7,4 % continuent à leur reprocher leurs exigence. Que lesdits apporteurs d'affaires ne s'en gaussent pas trop vite : le ventre des indécis dépassent du coup les 23 %, portant quand même la population restant à convaincre à plus de 30 %...

Viennent ensuite les fournisseurs (59,7 % de satisfaits contre 10,3 % de mécontents), les instances métiers (55 % de satisfaits contre 8,1 % de mécontents, ce qui laisse quand même presque 37 % d'indifférents. Transmis aux organisations professionnelles). Les pouvoirs publics arrivent d'une façon surprenante bons derniers (51,5 % de satisfaits contre 17,6 % d'insatisfaits).

Cette moitié de satisfaits se recrute-t-elle parmi les 50 % à avoir sollicité le PGE ? L'étude ne le dit pas. Pour l’État en tout cas, c'est à désespérer de voter et distribuer des aides de plusieurs centaines de milliards d'euros...

Un fond de déprime...

Tout cela posé, l'anxiété préside tout de même. Les positifs se recrutent difficilement quand les négatifs se pressent par centaines. 66,7 % sont inquiets pour leur destin personnel de chef d'entreprise, quand seulement 8,7 % demeurent optimistes. Ils sont encore plus stressés pour leurs équipes (70,7 % contre seulement 3,9 %). On sent que leur inquiétude dépasse leur seule activité quand ils sont 61,9 % à craindre pour leur entourage et 56,4 %, pour leurs clients (contre respectivement 5,1 % et 7,2 % d'indécrottables optimistes).

Bref : quand on leur demande de qualifier l'avenir immédiat (fin d'année et 2021) les nuages de mots sont lourds et pluvieux : «Compliqué, incertain, difficile, morose»... Seuls surnagent les mots «positif, falloir, nouveau», derniers espoirs restés au fond de cette boîte de Pandore largement et violemment ouverte par la pandémie...

 

La synthèse générale de la FRCI

...Où l'on comprend qu'au-delà de l'intérêt évident de cette enquête, le projet de la FRCI réside avant tout dans la récurrence de l'exercice qui donnera une vision aussi précise qu'inédite de l’évolution de la population des carrossiers automobiles, eux qui sont déjà, d'habitude, lourdement confrontés à des défis croissants d'avenir...

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Jean-Marc Pierret
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