Gan – Libre choix (suite) : quelques nécessaires précautions de lecture

Romain Thirion
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Alors que le cabinet Cap Europe Experts a quitté l’anonymat dans lequel nous l’avions préservé pour réagir à notre article intitulé « Gan – Libre choix (suite) : quand l’expert assume son rôle de bras armé », il nous apparaît important de souligner quelques points nécessaires à la bonne compréhension du problème.
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Le cas que nous évoquions dans notre article du 5 septembre dernier, intitulé « Gan – Libre choix (suite) : quand l’expert assume son rôle de bras armé », a fait réagir aussi bien nos lecteurs que les responsables du cabinet d’expertise concerné, que nous avions toutefois maintenu sous un anonymat strict pour mettre seulement en exergue l’étrange parenté entre le courrier du Gan envoyé à ses clients (voir « Le Gan fait aussi de l’expert son arme anti-libre choix ») et les agissements des experts mandatés par le Gan à la suite de ce courrier.S’il apparaît qu’aucune directive formelle du Gan n’aurait été transmise au cabinet en question, le fait qu’il produise un rapport aussi restrictif quant aux tarifs horaires affichés par la Carrosserie des Weppes relève d'une dérive encore plus sournoise du rapport expert-réparateur. Cela signifie que, même en l’absence d’ordre identifié de la part de l’assureur mandataire, l’expert, bien que non-agréé par le Gan, effectue naturellement, et de manière inconsciente, son rapport d’expertise au mépris du libre choix du réparateur par l’assuré et des taux horaires publics de la carrosserie.Autrement dit, l’expert dit indépendant reproduit sciemment des réflexes d’expert agréé en compressant les tarifs publics du réparateur et, ensuite, en avertissant l’assuré en lui conseillant de «faire jouer la concurrence». Pourtant, lorsque le rapport d’expertise est réalisé sur place, chez le dépositaire du véhicule, ce sont bel et bien ses taux horaires qui doivent être retenus, au risque de se mettre en délicatesse avec la loi. Un tarif «moyen» local ne peut être retenu que dans le cas d’une expertise chez le propriétaire ou au cabinet de l’expert lui-même, et encore, en retenant avant tout les temps barêmés des constructeurs.
Outrage à la rentabilité
Ce faisant, l’expert endosse deux rôles qui ne sont pas les siens. D’abord, celui d’arbitre du «juste» tarif horaire, en dépit de la liberté des prix. Car le carrossier établit ses tarifs particuliers en fonction de plusieurs paramètres issus de sa propre comptabilité : c’est dans la différence entre son coût d’exploitation et ses tarifs horaires, plus la marge réalisée sur les pièces –souvent bien faible lorsque le carrossier n’est «que» MRA– que le réparateur trouve sa rentabilité. Manipuler le tarif horaire sur un rapport d’expertise réalisé chez le réparateur lui-même revient à s’inviter dans ses propres choix comptables et à compromettre volontairement la rentabilité de sa carrosserie.Ensuite, en soulevant le montant «trop élevé» des taux horaires du carrossier auprès de l’assuré, l’expert s’invite dans son libre arbitre et son libre choix du réparateur. Or, comme le rappelait encore Luc Grynbaum, professeur à l’université Paris-Descartes et directeur du master 2 santé, prévoyance et protection sociale dans l’Argus de l’Assurance en mai 2011, «l'orientation de l'assuré vers un réparateur agréé en tenant un discours péjoratif sur le réparateur habituel de l'assuré est constitutive de concurrence déloyale». C’est pourtant ce qu’a fait l’expert mandaté par le Gan, en soulignant dans les observations de son rapport, transmis à l’assuré, que «les tarifs horaires affichés par le garage aux (sic) regard de ceux pratiqués en moyenne dans le secteur».
L'ignorance du client infondée
L’Audi A3 de société accidentée et assurée au Gan fait pourtant partie d’une flotte dont la Carrosserie des Weppes effectue généralement les réparations. Et le fait que l’entreprise propriétaire n’ait pas tenu compte du rapport pour faire effectivement réparer le véhicule chez le dépositaire prouve qu’elle connaît son carrossier et lui fait confiance en dépit de ses tarifs horaires «hors concurrence». Surtout que le véhicule n’avait pas subi de dommages l’empêchant de circuler et avait été volontairement laissé aux soins de la Carrosserie des Weppes. Considérer que le client ne choisit son professionnel, qu’il s’agisse d’un véhicule à réparer ou d’un mur à construire, qu’en fonction du prix le moins élevé revient à le prendre pour plus bête qu'il n'est, incapable d’arbitrer sur les notions de qualité, de durabilité ou de service associé.Preuve ultime que l’expert mandaté par le Gan, bien qu’indépendant de toute directive, est totalement formaté aux logiques assurantielles, est qu’il considère, dans son droit de réponse, que «le rôle de l’expert est bien économique, la maîtrise des primes d’assurance aux intérêts même des assurés». Or, s’il est un rôle premier que se doit d’endosser l’expert, c’est celui de la sécurité routière, et non celui de la maîtrise de primes d’assurances qui sont soumises à d’autres paramètres que le coût des seuls sinistres matériels.Par ailleurs, la conférence sur le recours direct donnée par Karim Megrous, patron du cabinet indépendant Auto Alpes-Maritimes Expertise (AAME), à laquelle nous avons assisté le 5 septembre dernier à Saint-Laurent-du-Var, ne mentionnait absolument pas, et à aucun moment, l’usage de l’expertise contradictoire dans le cadre d’un dossier de recours direct, contrairement à ce que mentionne le droit de réponse du cabinet Cap Europe Experts. Une conférence qui a eu le mérite de faire partager à de nombreux acteurs de l’après-vente –carrossiers, dépanneurs, loueurs, agents généraux d’assurance et experts– les détails d’une procédure qui permet à l’automobiliste victime d’accident non responsable d’être indemnisé des préjudices subis au centime près, et aux professionnels d’être rémunérés en totale adéquation avec leurs tarifs horaires, honoraires et frais.
Romain Thirion
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