Les agents généraux AXA… en sergents-recruteurs anti-libre choix !

Jean-Marc Pierret
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Dévoilé par la FFC-Réparateurs, ce courrier d'AXA montre comment l'assureur a “dégradé” ses agents généraux en sergents-recruteurs de réparateurs agréés. Il y a urgence : il faut accélérer le trop inabouti enrôlement de “réparateurs Nobilas” pour finaliser un réseau agréé digne du contrôle attendu des flux de réparation (80% ambitionnés). Et de fait, réduire d'autant l'impact du libre choix. Les armes distribuées aux agents généraux : jouer sur la peur de la perte de business et surtout, sur le fait qu'AXA refusera toute prise en charge à tout réparateur non agréé dès le 1er janvier !
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S’il fallait encore une preuve de l’antipathie qu’inspire le libre choix aux assureurs, on la trouve dans ce courrier d’AXA à son réseau d’agents généraux et exhumé par la FFC-Réparateurs la semaine dernière : «la Loi Hamon va encore renforcer la compétition sur le marché automobile tout en nous demandant de rappeler le libre choix du réparateur au moment d’un sinistre», déplore ce texte du 3 décembre co-signé par Jacques de Peretti, DG AXA Particuliers/Professionnels d’AXA et par Pascal Chapelon, président de «Réussir», le syndicat des agents généraux AXA.
Combattre le libre choix
En plus de la concurrence croissante, évoquée dès l’entame de cette lettre, des mutuelles sans intermédiaire, des bancassureurs et des consommateurs qui utilisent le net de façon croissante, AXA souligne l’évolution spécifique qu’elle craint sur le marché de la réparation-collision : «Le marché va se scinder en deux catégories :
  • Les partenaires des assureurs, délivrant des prestations à prix maîtrisés et bénéficiant du volume d’orientation des assureurs (les “gentils”, prêts à signer avec le couple Nobilas/Elexia, les deux plateformes fétiches d’AXA de son point de vue assurantiel) ;
  • Les garages non partenaires, qui vont se fédérer sous diverses formes pour attirer les clients sinistrés en proposant des prestations/cadeaux/avantages financiers dont ils répercuteront le prix sur la facture de réparation (les “méchants”, toujours du même point de vue…)
C’est bien là toute la crainte des assureurs : les «prestations/cadeaux/avantages» deviennent possibles dès lors que ces carrossiers “félons” peuvent retrouver, avec leur liberté de clientèle, des taux horaires décents. Et les consommateurs concernés risquent effectivement de comprendre que ces «prestations/cadeaux/avantages» sont, à l’occasion d’un sinistre, bien plus attractifs que les promesses de baisse ou gel des tarifs de primes d’assurances.Bien sûr, les assureurs peuvent menacer de répercuter sur les primes d'assurance  la dérive des coûts de sinistres qu’ils craignent de la loi Hamon. Mais ils sont aussi prisonniers de leur propre environnement concurrentiel (les mutuelles, bancassureurs et assurés-internautes évoqués plus haut) et de cette autre infamie de la scélérate loi Hamon : la possibilité pour le consommateur de résilier son contrat à tout moment dès la seconde année de souscription pour suivre une meilleure promesse tarifaire opportuniste.
Rattraper le retard pris par le réseau agréé AXA
Embourbée dans son choix Nobilas qui, dans beaucoup de régions, ne tient pas ses promesses et à quelques jours de la fin du préavis de résiliation de son ancien réseau agréé, AXA semble avoir fait ses comptes : pour endiguer les effets annoncés de la loi Hamon, il faut passer «aujourd’hui par une accélération forte de l’orientation vers nos partenaires (NdlR : carrossiers agréés et plateformes amies de gestion de sinistres) de 50% fin 2014 à 65% en 2015 et un point de passage à 60% en juillet» ! Avec 80% pour taux ultime.C'est donc la règle, sauf "situations particulières que seul l’agent peut appréhender", condescend l'assureur pour permettre aux agents généraux une latitude commerciale. Mais ce ne seront que des exceptions à la règle : "un comité paritaire mensuel aura pour mission d’identifier et de suivre les actions à mener localement pour obtenir la croissance, mois après mois, de notre taux d’orientation", souligne AXA. Car il faudra servir le maillage de «garages partenaires» ambitionné par l'assureur et promis à ce dernier par Nobilas. Il doit être digne des 4 millions de véhicules assurés par AXA : «Le nombre de garages partenaires sera à tout moment supérieur à 1 500 garages, ce qui est le nombre optimal». Pour mémoire, ils étaient 1 900 quand la résiliation massive arrivait en septembre 2013...
Agents généraux dégradés en sergents-recruteurs...
Alors les agents généraux sont-ils chargés d’aider leur assureur à convaincre les réparateurs d’accepter l'agrément version Nobilas ? Une première mesure “carotte” est proposée à destination des agents généraux : «AXA prendra en charge un plein d’essence au-delà d’une distance client/garage SAD de 30 km. Les modalités de cette prise en charge seront discutées avec les représentants Réussir (NdlR : le nom du syndicat des agents généraux AXA) d’ici la fin de l’année».En ce qui concerne l'insuffisant enrôlement des garages du fait de leur trop grande résistance à “l’option Nobilas”, les carrossiers connaissent en revanche le bâton : «Deuxième mesure clé, la prise en charge devient dès le 1er janvier 2015 un service que nous devons réserver à nos partenaires : elle ne sera délivrée par l’intermédiaire de nos experts [...] que pour les garages partenaires». C’est donc toutes ses forces délocalisées que l’assureur vient de lancer pour finaliser son réseau agréé : les experts AXA comme d'habitude et maintenant, ses agents généraux qui vivent encore plus principalement des produits AXA.
Grosse pression sur les carrossiers
Rien d’étonnant donc à ce que, sur le terrain, ces derniers soient actuellement nombreux à distiller un message anxiogène et pressant auprès des carrossiers récalcitrants. Il y a déjà cette menace que fait peser sur les “ex-AXA” la toute proche échéance de leur résiliation qui les précarise depuis plus d'un an («au 1er janvier, si vous n’avez pas signé ou re-signé avec Nobilas, vous allez perdre tout le business AXA…», expliquent en substance les émissaires d'AXA).Et voilà que les carrossiers découvrent maintenant qu’ils n’auront plus le confort de la prise en charge AXA s’ils résistent malgré tout à leur “Nobilassisation”. A l’heure où les trésoreries des carrossiers sont déjà tendues, l’argument est aussi monstrueux –un quasi-chantage– que potentiellement efficace...Bien sûr, tous les agents généraux n’apprécient pas d’être ainsi instrumentalisés. A commencer par ceux qui, nombreux, craignent que les carrossiers déjà largement agacés n’en viennent à mettre leur menace à exécution : parce qu’AXA veut imposer la plateforme de gestion, toutes les autres assurances souscrites auprès de l’assureur à titre personnel ou à celui de l’entreprise de réparation seront transférées ailleurs, au détriment direct… l’agent général concerné. Mais il en va des agents généraux comme des experts : le poids du donneur d'ordres impose de laisser de côté les états d’âmes (voir aussi «SAD : quand AXA jouait de la carotte avec ses agents généraux»).Quant à la FFC-Réparateurs qui a débusqué cette stratégie d'AXA, elle a fait part de ce courrier à la DG Trésor en charge de finaliser la rédaction de l'arrêté qui doit mettre en scène le libre choix dans son quotidien légal. Une façon de lui montrer que la loi Hamon pourrait se faire écraser bien jeune si on ne lui tient pas la main...
Jean-Marc Pierret
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