Résiliation d’experts : le SNDEA interpelle officiellement Allianz

Romain Thirion
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Alors que l’ANEA s’est élevée, en interne, contre les résultats de l’appel d’offres d’Allianz qui a laissé plusieurs dizaines de ses membres sur le carreau, le SNDEA, lui, a choisi de s’adresser directement au président du conseil d’administration de l’assureur, Jacques Richier. Une action nécessaire pour le jeune syndicat qui se veut représentatif… quitte à plaider, pour cela, la clémence d’Allianz pour ses désormais ex-experts agréés.
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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!Le Syndicat national des experts en automobile (SNDEA) a choisi d’attaquer le problème Allianz par la cime plutôt que par la racine. En effet, l’organisation professionnelle vient d’adresser une lettre à Jacques Richier, président du conseil d’administration de la compagnie d’assurance, afin de lui demander de « surseoir aux "sanctions" prises à l’encontre des experts en automobile de [son] réseau qui n’ont pas démérité ». Dans ce courrier, Jacques Cornut, président du SNDEA, déplore lui aussi, comme l’a fait l’ANEA la semaine dernière dans une "simple" lettre interne, la brutalité du ménage effectué par Allianz dans les rangs de "ses" experts.De fait, les professionnels de l’expertise qui ont "remporté" l’appel d’offres d’Allianz, c'est-à-dire les moins disant ayant obtenu le "privilège" de rester contractuellement liés à l’assureur, peuvent désormais être vraiment considérés comme "ses" experts, pour ainsi dire corvéables à merci. Et l’on n’ose imaginer les sacrifices qu’ils ont dû consentir en termes d’honoraires pour obtenir cette "chance". Pourtant, ce sont aussi ces experts-là, prêts à abandonner leur liberté d’action et de tarification aux promesses volumétriques de donneurs d’ordres en position dominante sur un marché où la sinistralité ne fait que baisser, que le SNDEA entend défendre.
Abolir le servage assurantiel
« Vous n'ignorez sûrement pas que la Loi de 1972 consacrait l'indépendance de l'Expert en automobile, souligne Jacques Cornut à Jacques Richier dans son courrier. Or aujourd'hui, les méthodes imposées à vos Partenaires Experts en automobile risquent d'en faire des techniciens soumis car dépendants économiques, décriés, dénigrés par vos Clients qui jettent déjà régulièrement l'anathème sur cette profession dont nul n'ignore pourtant les rôles importants, tant que sécuritaire, économique et social. » Soumis comme l’étaient déjà les 62 cabinets d’expertise libéraux laissés sur le carreau suite à l’appel d’offres. Et soumis comme le seront encore plus ceux qui devront faire face au prochain appel d’offres, celui qui aura fatalement lieu une fois que le contrat fraîchement signé parviendra à son terme.C’est pourquoi, écrit Jacques Cornut, les membres du SNDEA ne peuvent « rester indifférents à la transgression à laquelle nous assistons ». Et celui-ci de rappeler que l’existence du syndicat elle-même y trouve sa raison d’être. « Notre profession a jusqu'à présent, laissé prospérer dans l'illégalité des situations qui sont à l'origine de la naissance du SNDEA, précise-t-il. Aujourd'hui, celui-ci, souhaite que tous les Experts en automobile retrouvent toute la sérénité dont ils ont besoin pour exercer paisiblement et efficacement, leur profession, bien sûr, et également leur rôle de Chefs d'entreprise. »
Privilégier le dialogue
Tout comme l’ANEA, qui a déjà sollicité un rendez-vous auprès d’Allianz –et un rendez-vous en haut-lieu, pas avec son service achats qui a négocié l’appel d’offres– le SNDEA propose également dans cette lettre une rencontre à Jacques Richier. « Je vous précise que je souhaite instaurer et privilégier un véritable dialogue, ajoute Jacques Cornut. Le SNDEA que je représente n'est pas opposé à l'évolution des pratiques expertales, mais ses membres souhaitent que ceci se fasse dans la concertation. » Une concertation que le jeune syndicat semble aujourd’hui privilégier, du moins en faire une condition préalable s’il entend se positionner comme une organisation professionnelle à même de recueillir les suffrages d’un plus grand nombre d’experts.Car le problème qui se pose, ici, n’est pas seulement l’avenir des experts du réseau Allianz, c’est celui de l’existence même des syndicats d’experts, censés faire contrepoids et se poser, si nécessaire, en contradiction des partenaires que devraient rester les assureurs plutôt que des donneurs d’ordres qu’ils sont aujourd’hui. A travers la lettre interne de l’ANEA, dont nous publiions des extraits le 7 novembre dernier, et ce tout frais courrier du SNDEA, l’on remarque pour la première fois une similarité de ton et de démarche entre les deux organisations professionnelles. D’ailleurs, comme l’ANEA, Jacques Cornut évoque ici « les risques psycho-sociaux […] très élevés dans les Cabinets » et demande à Jacques Richier « d’en tenir compte pour éviter qu’une majorité d’Experts se sentent victimes d’une grande injustice ».
La représentativité en jeu
Sauf que l’injustice est déjà là, le mal est fait et les experts lésés, tout comme ceux qui ne le sont pas encore ou ceux, totalement indépendants, qui n’ont plus à craindre de l’être, ont aujourd’hui bel et bien besoin d’instances représentatives fortes et, surtout, forts de dirigeants plus libres de leurs mouvements et de leurs revendications. Comme souhaitent l’être les dirigeants du SNDEA. Ce qui n’est pourtant pas simple considérant que plusieurs centaines d’experts libéraux –en témoignent l’appel d’offres d’Allianz et celui, plus ancien, d’AXA– sont prêts à accepter et sans discussion, ou presque, les mirifiques propositions des compagnies d’assurance.Dès lors que le nombre d’experts "agréés" s’élève au-dessus du nombre d’experts "non-agréés", les compagnies d’assurances et les mutuelles pourraient logiquement se permettre de considérer comme quantité négligeable les syndicats d’experts pour ne plus "négocier" qu’avec leurs propres réseaux. Ainsi le courrier du SNDEA a de quoi surprendre par son ton conciliant, quoique ferme, et par son positionnement tant du côté des experts franchement indépendants que de celui des experts fraichement resignés (et résignés) par Allianz. Mais il n’est, au fond, pas si étonnant que cela.Si le SNDEA ne se bat pas "que" pour les indépendants mais aussi pour les "dépendants", c’est par souci de reconnaissance publique et de représentativité. Car la Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 impose 8% de professionnels syndiqués d’ici la fin 2015 pour être représentatifs et qu’aujourd’hui, en l’état du paysage de l’expertise et surtout du marché de la réparation-collision, les experts en automobile ont plus que jamais besoin d’organisations professionnelles pour défendre leurs intérêts. Des intérêts qui, n’en déplaisent aux plus "pro-assureurs" de la profession, tendent invariablement vers l’indépendance privilégiée par le SNDEA, pour la pure et simple survie du métier. Le fait qu’il ait été sollicité par «des Confrères adhérents et non adhérents» suffit à souligner le besoin d’un authentique soutien syndical impartial de la part des experts. Mais en attendant les temps heureux de l’indépendance et de l’impartialité totale au service du seul automobiliste, mieux vaut savoir aussi s’occuper du devenir des experts "dépendants".
Romain Thirion
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