La remise sur franchise : nouvelle tendance de fidélisation

Romain Thirion
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Certains réparateurs indépendants le pratiquent depuis longtemps, mais plusieurs acteurs du web en ont fait un argument de connexion entre automobilistes et professionnels de la carrosserie. Le rachat total ou partiel de franchise devient depuis le début de l’année un secteur bataillé sur Internet et l’approche qu’en ont les deux principaux acteurs, Carrosserie.com et Zerofranchise.com, diffère quelque peu…
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Les deux sites Internet ont moins d’un an d’existence, et pourtant ils font déjà parler d’eux dans les media grand public : Zerofranchise.com dans L’argus et sur Autonews.fr (site du groupe de presse masculine en ligne Mensquare), Carrosserie.com sur Fun Radio, Chérie FM et Nostalgie à coups de campagnes de publicité intensives. Et les chaînes de la TNT figureraient déjà dans son agenda publicitaire des prochains mois. Ces démarches visent à toucher l’un des points les plus sensibles pour les automobilistes et sur lequel joue habilement, par exemple, une enseigne comme Carglass : la franchise.En proposant aux internautes automobilistes de faire réparer leur véhicule dans des garages partenaires leur offrant de racheter totalement ou partiellement leur franchise, ces sites entendent jouer les entremetteurs entre réparateurs désireux de travailler avec leurs taux horaires publics et clients de plus en plus sensibles au contenu de leur portefeuille lorsqu’il s’agit d’intervenir sur leur véhicule. Mais pour les deux sites web, l’objectif avoué reste de souligner à ces derniers qu’ils ont le libre choix de leur réparateur, comme le stipule désormais très officiellement l’article L211-5-1 du Code des Assurances, amendé par l’article 63 de la loi «Hamon» sur la consommation.
Carrosserie.com fort de 150 garages partenaires
Lancé par la société Car Concession et son patron, David Murgue, riche d’une longue expérience en tant qu’actionnaire de concessions automobiles, justement, et de carrosseries, le site Carrosserie.com a été mis en ligne le 2 janvier 2014 avec une cinquantaine de réparateurs partenaires. Aujourd’hui il en revendique plus de 150, tous signataires d’un contrat sans engagement de durée. Et pour en signer un, nul besoin de dénoncer toutes ses conventions d’agrément si l’on est un réparateur agréé. « Notre contrat n’est pas incompatible avec les agréments d’assurance », souligne Virginie Sammarco, manager commerciale de Carrosserie.com et dont la longue expérience en tant que courtier d’assurance lui permet de connaître l’envers du décor de la réparation-collision.En effet, le professionnel peut être sous contrat avec Carrosserie.com sans compromettre sa relation avec les assureurs qui l’agréent, s’il souhaite rester commercialement lié à eux. Ainsi il peut racheter tout ou partie de la franchise des clients des assureurs avec lesquels il n’a aucun agrément tout en travaillant avec ses taux horaires publics, s’assurant ainsi une meilleure rentabilité sur les dossiers réalisés hors agrément. Et s’il n’ose pas offrir une remise au client d’une compagnie dont il a l’agrément, de crainte de froisser son donneur d’ordres et de compromettre les volumes promis par son contrat, Carrosserie.com encourage le pro à envisager d’autres démarches de fidélisation, « comme une vidange offerte, par exemple », souligne Virginie Sammarco.
Une remise entièrement libre ?
Quoi qu’il arrive, le pro reste libre de la part de franchise qu’il rachète à son client, si l’on en croit l’article 5 des conditions générales de vente du contrat Carrosserie.com. « Pour chaque client venu par l’intermédiaire de carrosserie.com, faire un geste commercial quant à la franchise, le professionnel est libre de juger le montant de la franchise qu’il souhaite racheter à son client en fonction de la rentabilité du montant des réparations. CAR CONCESSION préconise à ses partenaires de prendre en charge dix pour cent du montant des réparations en rachat de franchise à son client s’il en a la possibilité, les partenaires de carrosserie.com sont libres de l’offrir au-delà de dix pour cent. » Ainsi le site n’oblige-t-il pas ses réparateurs partenaires à un taux de remise obligatoire sur ladite franchise.Cependant, Carrosserie.com incite tout de même les professionnels au prêt gratuit de véhicule de courtoisie ainsi qu’au lavage, lui aussi gratuit, de la voiture du client une fois réparée. Ce qui ne plaira sans doute pas à tous les carrossiers, qui se plaignent souvent de la gratuité de ces prestations dans le cadre des conventions d’agréments d’assurance. « Nous le conseillons à nos carrossiers partenaires car c’est un argument marketing qu’utilisent déjà beaucoup de réparateurs, même lorsqu’ils ne sont pas agréés, affirme Virginie Sammarco. La possibilité de travailler avec leurs taux horaires libres leur permet de prendre en charge ce type de prestations plus facilement. Ce que nous ne réclamons pas, en revanche, c’est le service à domicile qui, lui, est bien plus coûteux et contraignant pour le professionnel. » Et surtout risqué sur le plan de la responsabilité du véhicule du client sur le trajet domicile-atelier…
Cotisation selon la zone de chalandise
Quoi qu’il en soit, la seule redevance que le réparateur partenaire doit à Carrosserie.com, c’est sa cotisation, variable selon la zone de chalandise. 50 euros HT par mois pour une aire de population de moins de 5 000 habitants, 100 euros HT mensuels pour une zone couvrant 5 000 à 10 000 habitants et 190 euros HT par mois si le pro est établi sur une zone de plus de 10 000 habitants, « dans la limite d’un carrossier pour 50 000 habitants », souligne Virginie Sammarco. « Nous offrons également aux professionnels qui ont beaucoup d’agréments et qui sont trop pris à la gorge par leurs conditions de ne cotiser que 50 euros HT à la condition de partager leur zone de chalandise avec un autre carrossier partenaire. » Chose pas si courante que ça car les agglomérations comptant plus d’un seul carrossier partenaire ne sont pas si nombreuses : Nice, Marseille, Lyon et, bien sûr, Paris. Et pour cause, le principe de zone de chalandise limitant, de fait, le nombre de carrossiers.« Nous nous tirons un peu une balle dans le pied, car nous nous privons en cela d’une meilleure rentabilité, d’autant que l’essentiel des cotisations est mis au service de la communication, affirme Virginie Sammarco, mais cela nous évite de déchaîner une course au moins disant entre nos carrossiers partenaires. » Résultat, la liste d’attente de Carrosserie.com, toutes zones de chalandise confondues, est déjà riche de 60 entreprises ! Alors même que le site peine à recruter dans les régions plus rurales voire dans certaines grandes villes comme Montpellier, Caen ou Besançon…
Zerofranchise.com : moins cher, plus concurrencé
Pour Zerofranchise.com et son fondateur et dirigeant, Frédéric Hoareau, lui aussi grand connaisseur de l’envers du décor assurantiel pour avoir été responsable grands comptes chez Sidexa et travaillé chez Visiolis, plateforme d’expertise à distance (EAD) devenue aujourd’hui Alliance Management Visiolis, rappeler le droit au libre choix du réparateur semble devenu un combat. Et lui aussi à choisi la remise sur franchise comme argument marketing au libre choix. Fort d’environ 70 carrossiers partenaires, Zerofranchise.com, lancé le 18 juillet dernier, ne limite pas le nombre de carrossiers sur une même zone de chalandise, mais sa cotisation, elle, est moins chère : une trentaine d’euros par mois. En revanche, rien ne peut empêcher les pros d’une même zone de se disputer le même client.Si c’est une étude de marché qui a permis à David Murgue, fondateur de Carrosserie.com, de réaliser qu’environ 30% des réparateurs actuels risquaient de mettre la clef sous la porte d’ici deux ans faute de rentabilité, c’est d’avoir travaillé au service les professionnels de la coopérative 102 Carrossier Expert, après son passage au chiffrage et à l’EAD, qui a conduit Frédéric Hoareau au même constat. Sauf que l’homme était bien conscient que la seule mention du libre choix dans les textes de loi ne suffirait pas à le faire entrer dans la tête des assurés. « J’ai cherché un moyen simple pour réaffirmer au client son libre choix tout en l’affranchissant du gestionnaire de sinistres de son assurance », affirme-t-il
L’assureur devant le fait accompli
Conscient également du besoin des professionnels d’augmenter leur ratio de dossiers traités hors agrément, Frédéric Hoareau a mis en place sur son site « un moteur de recherche qui permet à l’automobiliste de renseigner son code postal et son assurance pour trouver les carrossiers qui lui offrent la meilleure remise, explique le fondateur de Zerofranchise.com. Le client opte pour le réparateur de son choix dans la liste qui s’affiche, peut estimer le montant de sa remise et imprime un coupon de réduction sur franchise, qui lui offre comme au réparateur une traçabilité de son dossier. »Trop souvent forcés de composer avec les contraintes des conditions d’agréments, les réparateurs renâclent souvent à offrir une remise sur franchise aux clients des assureurs dont ils ont l’agrément. Zerofranchise.com détourne donc le problème en permettant au professionnel de travailler avec ses tarifs publics auprès d’assurés d’autres compagnies et à l’automobiliste de payer moins et de faire valoir à son assureur une réparation chez le pro de son choix qui ne lui a pas coûté plus cher qu’une intervention dans une carrosserie agréée. Une fois le coupon envoyé à l’assureur, libre à celui-ci d’envoyer un expert pour le chiffrage : l’assuré aura d’ores et déjà fait son choix et le professionnel sélectionné pourra travailler en toute rentabilité. Même si Zerofranchise.com insiste, lui aussi, sur la gratuité du véhicule de courtoisie.Si certains réparateurs s’étonneront sans doute de l’insistance de Carrosserie.com et de Zerofranchise.com quant aux services gratuits à fournir à leurs clients, rognant inévitablement une partie des marges réalisées sur ces dossiers à tarifs publics, les deux sites les invitent surtout à y voir un moyen de fidélisation supplémentaire de la clientèle qu’ils leur envoient. Car, pour beaucoup, ce sont des clients qui ne seraient allés que chez le professionnel indiqué par leur assureur et n’auraient pas forcément mis les pieds chez eux. Quant aux réparateurs agréés qui craignent de perdre leurs agréments et, avec, les clients de l’assureur en question, Virginie Sammarco l’affirme : « offrir de tels services permettra à ces nouveaux clients, désormais fidélisés, de continuer de venir même si leur assureur n’agrée plus leur professionnel habituel ».
Romain Thirion
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