Résiliations d’experts : Allianz snobe le SNDEA comme l’ANEA

Romain Thirion
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En protestant contre les conditions drastiques de l’appel d’offres d’Allianz aux experts libéraux, le SNDEA n’aura finalement récolté qu'un courrier de son directeur Indemnisation automobile enregistrant cliniquement les arguments de la lettre de Jacques Cornut pour mieux les révoquer. L'assureur, également interpellé par l'ANEA qu'il tient tout autant à distance, n'a visiblement pas peur d'avoir ouvert deux fronts syndicaux...
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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!Dans protestataire, il y a "taire". Alors que l'ANEA vient d'informer ses adhérents de ses bien maigres résultats obtenus pour l'heure face à Allianz (voir «Allianz ou la symbolique violence d’une résiliation massive…»), le SNDEA ne pourra de son côté invoquer mieux. La lettre envoyée le 12 novembre par le président du SNDEA, Jacques Cornut, au P-dg d’Allianz Jacques Richier, s'élevait contre les conditions très restrictives de l’appel d’offres de l’assureur auprès des experts libéraux. La réponse que vient de lui adresser Benoît Genoux, son directeur Indemnisation automobile, n’a d’autre but que celui-là : intimer le syndicat d’experts en automobile à passer son chemin. Car selon le courrier, l’action d’Allianz est on ne peut plus normale et conforme à ses pratiques éprouvées depuis quelque temps… Ce qui ne signifie pas qu’elles soient adéquates.Que la réponse vienne du directeur indemnisation automobile d’Allianz IARD alors que la lettre du SNDEA était adressée en haut lieu, au patron même de l’assureur, prouve déjà une certaine volonté de maintenir le débat là où il vaut mieux qu’il reste : au niveau des acteurs de la réparation-collision que sont les experts en automobile. Pourquoi, en effet, mobiliser le temps de cerveau disponible, selon la formule désormais consacrée, de Jacques Richier quand l’interlocuteur idoine, chargé de l’indemnisation des dommages et sinistres auto, a toute latitude pour le faire ?
Un Allianz «transparent»
Pour Benoît Genoux, le mot d’ordre de cet appel d’offres était la transparence. «Depuis 2011, Allianz sélectionne les experts en automobile au moyen d’appels d’offres transparents et objectifs», assure-t-il. En n’occultant rien du «contexte de diminution globale de la sinistralité automobile qui entraîne mécaniquement une diminution du nombre de missions d’expertise automobile» et en entérinant «la montée en puissance de l’expertise à distance». Si la transparence, pour Allianz, signifie rappeler aux experts ce qu’ils savent déjà du contexte de leur profession, alors le mot tombe sous le sens.Et le directeur indemnisation automobile de poursuivre en exprimant très cliniquement la méthode Allianz à coups de «zones géographiques cohérentes» (138 zones, précisément), de «taille critique» et de «nombre cohérent de missions» pour justifier un appel d’offres pourtant cynique dans son aspect utilitariste. Dans sa grande mansuétude, Allianz affirme d’ailleurs, par la plume de Benoît Genoux, avoir accordé «un préavis de 9 mois» aux experts de «son» réseau avant résiliation effective, «délai supérieur à ce qui était contractuellement prévu». Et qu’importe s’il se murmure au sein des syndicats d’experts que ce ne sont effectivement pas les éléments les plus performants du réseau mais les moins disant qui ont été conservés par l’assureur dans son giron...
Jeu de dupes
Comment croire alors Allianz lorsque son directeur Indemnisation automobile affirme avoir «largement communiqué auprès des experts travaillant avec Allianz en 2014, mais également au marché, sur les modalités» de son appel d’offres ? Au SNDEA, en tout cas, on ne semble pas être dupe de ce jeu... de dupes joué par la compagnie d’assurance, en dépit de la considération que Benoît Genoux dit avoir pour les experts laissés sur le bord de la route du profit d’Allianz. «Nous comprenons la déception de certains cabinets, notamment ceux étant précédemment en relation d’affaires avec Allianz, qui, du fait de la concurrence inhérente à toute activité commerciale, n’ont pu être retenus», affirme le directeur indemnisation automobile avant d’assurer que la compagnie est «à l’écoute des situations individuelles qui nous remontent», promesse facile également faite à l'ANEA.Des situations individuelles qui pourraient tôt ou tard se matérialiser sous la forme de procès, si l’on en croit Jacques Cornut, président du SNDEA. «Nous n’en resterons pas là et si certains de nos adhérents ou d’autres experts libéraux souhaitent porter plainte, nous n’hésiterons pas à les soutenir», assure le patron du syndicat. Cette solution conflictuelle était déjà envisagée par le SNDEA lorsque Jacques Cornut a écrit la première version de son courrier du 12 novembre. «Mon premier courrier était beaucoup plus acéré et les termes employés beaucoup plus forts, affirme le président du SNDEA. J’y parlais déjà de soutenir les actions en justice des professionnels de l’expertise.»
Consultation à risques
Mais pourquoi avoir alors adouci sa plume ? Une partie de ses adhérents ne paraissait pas du même avis puisqu’après avoir envoyé un courrier aux plus de 120 membres du syndicat, une trentaine d’entre eux lui ont demandé d’arrondir ses propos. Preuve qu’Allianz tenait au moins en partie les cordons de la bourse de plus d’un des experts adhérant au SNDEA. «C’est peut-être un tort de ma part de consulter les adhérents lorsque j’écris au nom du syndicat, mais dans ma fonction de président, je privilégie d’abord la consultation», plaide Jacques Cornut. Mais que le président du SNDEA et tous ses adhérents se rassurent –tant qu’ils le peuvent, en tout cas– rien ne laisse à penser qu’un courrier plus ferme, plus vindicatif ou plus menaçant envers Allianz aurait eu meilleur résultat...Au moins Jacques Cornut a-t-il pu constater, dans cette tourmente déclenchée par Allianz, le besoin de soutien de la part d’experts libéraux non-encore adhérents au SNDEA. «Beaucoup de professionnels m’ont appelé pour nous demander de les soutenir, assure l’expert nordiste. J’ai demandé s’ils étaient adhérents et beaucoup m’ont répondu que non. Je leur ai donc envoyé des formulaires d’adhésion en demandant qu’ils répondent sous quelques semaines.» Le métier d’expert devenant de plus en plus compliqué à exercer, autant en effet serrer les rangs, d’autant que se profilent d’ici 2016 des seuils de représentativité durcis pour les organisations professionnelles qui, comme nous l’évoquions justement le 13 novembre, décideront de qui aura bel et bien voix au chapitre.
Romain Thirion
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