Un nouveau droit de réponse de Nobilas ? Dont acte…

Jean-Marc Pierret
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A la suite de notre article sur notre condamnation récente devant le tribunal de Commerce, Nobilas a exigé un nouveau droit de réponse. Nous aurions pu le refuser en l'état : la forme de ce dernier ne respecte pas tous les fondements de ce droit. Mais Nobilas s'est aussi employée à exiger et obtenir la même chose d'au moins un de nos confrères ayant relayé notre condamnation. Parce que la manœuvre vise ainsi à nous discréditer grossièrement −en tous les sens du terme−, nous lui concédons donc la parole demandée... pour mieux lui répondre.
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Le droit de réponse de Nobilas
« La société Nobilas entend réagir à l’article paru le 6 janvier 2015 sur le site internet www.apres-vente-auto.com, et la mettant en cause, suite au jugement rendu le 23 décembre 2014 par le tribunal de Commerce de Nanterre.Par cette décision, le tribunal a condamné la société Publi-Expert SA, éditrice dudit site, pour dénigrement commercial sanctionné sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil.En raison de la présentation partielle, et selon elle inexacte, du jugement par la société Publi-Expert SA, la société Nobilas France se voit contrainte de rappeler que le dénigrement commercial vise à sanctionner tout comportement consistant à jeter le discrédit sur une entreprise ou ses produits et services.Or, le tribunal de Commerce de Nanterre a précisément considéré que la société Publi-Expert SA avait dépassé les limites qui lui étaient permises dans l’exercice de son activité, expliquant notamment :« Attendu que l’ensemble des propos démontrent une volonté de discréditer Nobilas jusqu’à la diaboliser (« l’infernal Nobilas ») ; qu’il en ressort que Publi-Expert n’a pas agi dans le but d’une information objective de son lectorat, les professionnels de la réparation automobile, mais bien dans l’intention de nuire à Nobilas ;[…] attendu que ces pratiques dénoncées comme révélatrices d’un mode de fonctionnement général de Nobilas portent atteinte à l’image commerciale de cette dernière auprès de ses partenaires en jetant le discrédit sur son activité et en les incitant à s’opposer à cette société ; que cette pratique s’analyse en un dénigrement commercial qui revêt un caractère fautif au sens de l’article 1382 du Code Civil, ouvrant droit à dommages et intérêts ».De plus, le Tribunal a expliqué que le dénigrement commercial, bien que sanctionné sur le terrain de la concurrence déloyale, n’est pas conditionné par l’existence d’une situation de concurrence directe et effective.Par ailleurs, la société Nobilas France entend également répondre à certaines allégations de la société Publi-Expert qui la visent expressément.La société Nobilas n’a connaissance à ce jour d’aucune enquête, y compris journalistique, la concernant sur ses pratiques commerciales.La société Nobilas n’a pas été interrogée par le site internet www.apres-vente-auto.com, notamment aux fins de répondre à des questions ou d’apporter d’éventuelles explications sur ces prétendues pratiques.La société Nobilas ne fait l’objet d’aucune poursuite, et n’a jamais été condamnée en raison de pratiques prétendues anticoncurrentielles, tirées notamment de l’application de ses contrats ou de ses engagements commerciaux. »
les précisions nécessaires à ce droit de réponse de Nobilas
Voilà pour le droit de réponse demandé par Nobilas, suite à notre récent article «Procès Nobilas : Apres-vente-auto.com, condamné en 1ère instance, fait appel», condamnation qui n'est que provisoire puisque nous avons fait appel.  En bien des points, nous aurions pu refuser ce droit de réponse : il ne cherche avant tout qu'à nous utiliser pour rappeler et marteler une décision de justice que nous avons déjà publiée in extenso ; en outre, sur sa forme, il ne respecte guère les fondements juridiques d'un droit de réponse pleinement justifié. Mais Nobilas a, au moment où nous publions cet article, parallèlement exigé –et obtenu– au moins un second droit de réponse similaire auprès d'un de nos confrères à s'être fait écho de notre condamnation (voir «Droit de réponse : Nobilas réagit à notre information sur la condamnation d’après-vente-auto.com»). Il nous semble dès lors nécessaire, pour la pleine information de nos lecteurs, de sacrifier à cette demande de Nobilas afin de pouvoir mettre en perspective ses affirmations destinées à nous caricaturer pour tenter de nous discréditer.«La société Nobilas n’a pas été interrogée par le site internet www.apres-vente-auto.com» : cette affirmation est fausse. Nous l’avons bel et bien interrogée. Et plus d’une fois, preuves à l'appui :
  1. Dès la publication de notre premier article fin 2012 sur Nobilas, nous avions contacté Alexandre Cervini, le DG de Nobilas et nous lui avions donné la parole. Une rapide consultation de ce premier article « Carrosserie : la brève histoire du site pétitionnaire « niNobilas-nisoumise… » permettra à Alexandre Cervini et ses avocats de s'en souvenir expressément : ses propos y sont nommément cités.
  2. Nous avions contacté le même Alexandre Cervini quelques jours plus tard lors de la rédaction du second article « Nobilas et les carrossiers (suite) : les fondements de la fronde… ». Nous voulions le faire réagir sur certains documents qu’une nouvelle enquête nous avait permis de rassembler. Le climat s’est alors considérablement refroidi et le contact était unilatéralement rompu par Alexandre Cervini lui-même. La conclusion de ce second article est en la matière on ne peut plus explicite et n’a jamais été contredite : « Toutes ces questions, nous voulions aussi les poser hier à Alexandre Cervini. Mais il n’a pas jugé utile de nous rappeler. Il est encore temps… »
  3. Presque une année s’est alors passée sans article de notre part sur Nobilas ni de réaction de cette dernière à ces deux premières publications. Nous reprenions la plume en septembre 2013 (notamment dans « Nobilas/AXA (suite) : Pourquoi le rapprochement déplaît beaucoup… »), dans des articles destinés à mettre en perspective cet événement : l’entrée d’AXA dans le capital de Nobilas à hauteur de 30% et la résiliation concomitante de tous les réparateurs agréés AXA pour les faire re-signer sous bannière Nobilas. A cette occasion, il était assez facile de comprendre que le “patron” était désormais –ou était appelé à devenir– Axa elle-même. Nous sollicitions alors logiquement la parole du jeune couple AXA-Nobilas par le biais d’une interview demandée à -et accordée par- Philippe Cousin, directeur des achats assurantiels et des prestataires extérieurs de l’assureur.A cette occasion d’ailleurs et à titre exceptionnel en raison des tensions existant entre Nobilas et notre rédaction, nous concédions même à AXA la possibilité, à la demande de son service de communication, de relire cette interview avant publication. Parole a donc été donnée une troisième fois à Nobilas via l’assureur-actionnaire de l’entreprise. Mieux : cette parole a même pu être "affinée" par AXA (et donc par Nobilas) avant publication, puisque l'assureur demandait et obtenait suppressions et modifications de certaines parties de notre article. Avouons qu’il y a plus agressif comme comportement journalistique (voir « INTERVIEW – AXA/Nobilas : AXA répond à nos questions! ») et en tout cas, plus violent en matière de refus d'interroger la partie concernée…
  4. Nous donnions encore une quatrième fois la parole à Nobilas en publiant, le 14 novembre 2013, le compte-rendu de sa réunion presse (Nobilas « dérange »… et s’en félicite »), malgré le climat à nouveau dégradé par Nobilas elle-même. Elle s'était agacée de notre refus (légitimé depuis par le tribunal de Commerce de Nanterre) d'insérer sa publicité sur notre site. Sans aucune tentative de prise de contact préalable avec nous, la société venait en outre de nous mettre en demeure quelques jours plus tôt de publier un droit de réponse et de supprimer certains commentaires. Nous le faisions alors comme la loi nous l’impose en retirant les commentaires incriminés et en publiant même l'intégralité de la mise en demeure et, ce faisant, du droit de réponse. Le tribunal de Commerce de Nanterre l'a d'ailleurs "oublié", puisqu'il a cru pouvoir considérer, à tort, comme un fait établi que nous aurions refusé de nous plier à ces demandes.... Quelques jours plus tard, Nobilas nous assignait devant le tribunal Correctionnel pour «diffamation et injures» avant de “doubler” la procédure, sur le terrain cette fois du dénigrement et du refus d'insertion publicitaire, devant le tribunal de Commerce. Il devenait alors très improbable de pouvoir interroger Nobilas autrement que par voie d'avocats...
«La société Nobilas n’a connaissance à ce jour d’aucune enquête, y compris journalistique, la concernant sur ses pratiques commerciales» : Nobilas s’est tellement gardée d’incriminer les nôtres qu’elle a dû finir par les oublier. L’article “fondateur” de nos tensions avec Nobilas (« Nobilas et les carrossiers (suite) : les fondements de la fronde… ») repose sur des documents et des faits réels issus d'une enquête fouillée. Tout comme cet autre article qui prouvait début 2014, chiffres et faits à l'appui,  que les contrats Nobilas vendaient du rêve aux carrossiers au moins en 2013 (« EXCLUSIF – En 2013, Nobilas notait mal… 95,6% de son réseau ! »). Nobilas l’a sûrement compris, elle qui, dans ses actions judiciaires contre nous, s’est toujours bien gardée de “réveiller” ces deux articles. Mais nier l’existence de nos enquêtes qui la dérangent, c'est comme ignorer la colère des carrossiers et la relaxe de ceux d'entre eux qu'elle poursuivait récemment en appel ; c'est comme oublier les constatations et les actions des fédérations de carrossiers. Déni ne vaut pas nécessairement absolution…Quant aux autres de nos articles que Nobilas veut en revanche stigmatiser comme orientés et hostiles, ils sont eux aussi, systématiquement, le fruit d’enquêtes. Seulement voilà : l'essentielle protection de nos sources nous impose souvent de prendre le résultat de nos investigations à notre seul nom. Une précaution tout particulièrement nécessaire dans le cadre du fort déséquilibre existant entre, d'une part, la puissance des assureurs et leurs plateformes de gestion de sinistres (dont Nobilas) et d'autre part, la dépendance des carrossiers. Un déséquilibre et une dépendance avérés par une loi : le Parlement lui-même s’est à ce titre senti obligé de légiférer récemment pour instaurer le libre choix du réparateur par l’automobiliste sinistré afin de rendre au carrossier son droit à choisir et gérer sa clientèle...«La société Nobilas ne fait l’objet d’aucune poursuite, et n’a jamais été condamnée en raison de pratiques prétendues anticoncurrentielles» : telle que formulée dans son entièreté, l'affirmation est vraie. Mais souffrons que l'argument puisse être toutefois considéré comme un peu court. La société ne peut ignorer qu'à l'initiative d'un carrossier, elle a déjà été condamnée au moins une fois en première instance, sinon pour pratique anticoncurrentielle, au moins pour pratiques critiquables. Nous n'en parlerons pas encore : même si elle est exécutoire, la condamnation n'est pas définitive puisque Nobilas a fait appel. Mais dans ce cas, notre condamnation, non exécutoire et soumise elle aussi à appel, n'en est pas encore vraiment une. D'une manière plus générale, s'il faut souvent un jugement pour révéler des comportements fautifs (et à condition qu'il soit définitif), l’absence de jugement ne signifie toutefois pas pour autant que l’inverse soit vrai…
L'imprécis droit de réponse demandé par Nobilas à notre confrère
Enfin, il apparaît que, décidément, Nobilas aime “décontextualiser” le contenu des articles pour mieux les instrumentaliser. Dans le droit de réponse similaire imposé à notre confrère Decisionatelier.com et à propos de l'article qui l'a suscité, Nobilas se plaît à dire qu'elle «approuve l’analyse de la société ETAI (Ndlr : éditrice du site en question) selon laquelle les propos de la société Publi-Expert “sont critiquables sur leur forme provocatrice et caustiqueet [selon laquelle] les carrossiers restent en effet “libres d’accepter ou pas la collaboration” avec la société Nobilas France».Mauvais exemple : cette phrase du site Décision Atelier qui ravit tellement Nobilas se révèle bien moins propice à l'autosatisfaction une fois qu'on ne la saucissonne plus pour en tordre le sens. Nous avons remis en gras ce que Nobilas a cru bon d'oublier : «Si les articles de notre confrère, organe de presse, nullement concurrent commercial de Nobilas, sont critiquables sur leur forme provocatrice et caustique, les informations apportées aux lecteurs professionnels collent, elles, sur le fond, aux discours “off” ou “on” d’une grande majorité des carrossiers, syndicats et distributeurs. Ces derniers ont du reste alimenté les articles en pointant du doigt les conditions commerciales, qualifiées de dures, que la plateforme a pu imposer aux carrossiers, toutefois libres d’accepter ou pas la collaboration» (voir la phrase en fin de  l'article en question).Merci donc à notre concurrent Decisionatelier.com, autre observateur pertinent et informé de l'univers de la réparation-collision, d'avoir su rappeler ainsi que nous n'inventons pas, loin s'en faut, ce que nous écrivons mais que nous puisons et confrontons nos informations à de multiples sources. Des sources que Décision Atelier a également et visiblement croisées, précise-t-il donc, auprès «d’une grande majorité des carrossiers, syndicats et distributeurs»....Ces droits de réponse de Nobilas sont, en conclusion, l’occasion de méditer une nouvelle fois sur cette jolie phrase de Gandhi qui en bien des points, guide quotidiennement le journaliste avisé : « Les vérités différentes en apparence sont comme d'innombrables feuilles qui paraissent différentes mais qui sont du même arbre ». Celui qui cache la forêt ?
Jean-Marc Pierret
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