Que Choisir ou l’indépendance « bafouée » des experts !

Romain Thirion
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Le magazine spécialisé dans la consommation et organe officiel de l’UFC-Que Choisir, principale association française de défense des consommateurs, vient de se pencher sur le cas des experts en automobile. Un article dans lequel l’indépendance des professionnels en prend pour son grade, et qui a le mérite de sensibiliser (enfin !) le grand public à leur situation de dépendance économique vis-à-vis des assureurs. Dépendance qui, au final, nuit certainement à l’assuré.
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Ce n’est pas pour rien si l’article de notre confrère Yves Martin est paru dans la rubrique “Alerter” du magazine Que Choisir de ce mois de juin. Car s’il est bien un sujet automobile obscur et digne d’être porté à la connaissance du grand public auquel s’adresse le mensuel, c’est bien la perte d’indépendance des experts en automobile vis-à-vis de leurs donneurs d’ordres : compagnies d’assurance, mutuelles d’assurances et plateformes de gestion de sinistres.Et ce n’est pas rien non plus si l’organe officiel de la principale association française de défense des consommateurs traite enfin le sujet. Le problème des pressions assurantielles sur la profession d’expert au détriment de l’automobiliste lui-même devrait enfin remonter jusqu’aux bureaux des responsables des actions de l’association, même si celle-ci a déjà été avertie par les organisations professionnelles de réparateurs.
Une opportune vulgarisation
Il était temps, en effet, qu’un media puissant comme Que Choisir relève auprès de ses lecteurs les abus dont ils sont victimes de la part de leurs assureurs par le truchement d’experts censés être indépendants. Un paragraphe et une caricature suffisent à Yves Martin, auteur de l’article, et Loïc Schwartz, dessinateur, pour briser le voile d’indépendance dont se drapent une grande majorité d’experts libéraux.La pratique libérale d’une activité ne faisant pas l’indépendance, tout comme l’habit ne fait pas le moine, c’est sans la moindre pitié que le dessin de Schwartz représente ici un expert feindre l’indépendance devant une assurée sinistrée tout en portant le fameux gilet jaune synonyme de sécurité routière. Mais un gilet jaune au dos duquel apparaissent les noms de plusieurs assureurs !Dans le premier paragraphe de son texte, Yves Martin, lui, rappelle les dispositions de l’article R. 326-2 du Code de la route –celui qui doit faire foi pour l’expert en automobile– selon lequel le métier est, entre autres, « incompatible avec l’exercice de la profession d’assureur ou tous actes de nature à porter atteinte à son indépendance ». Quelle meilleure entrée en matière que l’ironie et le rappel des fondamentaux du métier pour alerter le lecteur automobiliste ?
Un très parlant courrier d’AXA
Pour illustrer son propos, notre confrère fait ensuite témoigner le président du Syndicat des experts indépendants (SEI), Bernard Tourrette, mais produit surtout une citation du Directeur des achats assurantiels et des prestataires extérieurs d’AXA, Philippe Cousin, dans laquelle celui-ci souligne à “ses” experts que « la réussite sur les objectifs (NdlR : de son plan d’action complémentaire au dispositif d’évaluation des experts) sera rémunérée en 2015. Dans les autres situations, la relation d’affaires sera renégociée en prenant en compte la position sur le marché du rapport coût/performance ». L’article s’empresse alors de traduire la situation et de préciser que si les “coûts moyens de réparation” ne sont pas respectés, AXA sévira en réduisant le nombre de missions des experts mauvais élèves.Et Yves Martin d’ajouter que les experts, « pour éviter des réparations onéreuses, […] sont plus enclins à mettre les véhicules à la casse ». De quoi choquer le lecteur assuré automobile qui s’attend à ce que son véhicule, accidenté lors d’un sinistre dans lequel il n’est pour rien, soit réparé et ne subisse pas les conséquences d’un “coût moyen sinistre” fixé par le seul assureur selon ses propres indicateurs économiques.
Le VEI expliqué au lecteur
En un paragraphe, notre confrère explique ensuite le B.A.-BA d’une procédure VEI et dans quelle mesure l’expert s’en sert pour spolier le client de la valeur de son bien pour le seul objectif de rester dans les bonnes grâces de l’assureur qui le mande. Il fait appel à Roger Robles, vice-président de la branche carrosserie de la FNAA pour confirmer que « si un expert classe le véhicule comme irréparable, il ne sera pas noté sur ce dossier ».Puis c’est au tour de Benjamin Labonne, carrossier dans le Puy-de-Dôme et président de la FFC-Auvergne, de témoigner des efforts nécessaires pour sauver un véhicule d’une procédure VEI abusive et des biais utilisés par les experts à la solde d’assureurs : chiffrage avec pièces neuves, incohérence des pièces avec la réalité du sinistre, exclusion de la réparation pure au profit du remplacement de pièces…
Le libre choix de l’expert évoqué
Que Choisir n’oublie pas, dans l’article, de souligner les coups de hache des assureurs dans les tarifs horaires des réparateurs, perpétrés par l’entremise des experts qu’ils mandatent, histoire que le lecteur prenne la mesure de la chaîne de responsabilité qui aboutit à la mise au rebut de son véhicule ou à une réparation à moindres frais et parfois non respectueuse de la sécurité routière pour de simples considérations économiques.Et le magazine d’avancer plusieurs solutions à ses lecteurs pour voir réduites les pressions économiques des assureurs sur leurs véhicules : généraliser le libre choix de l’expert au-delà des procédures VGE et VEI ou contacter directement le réparateur ou l’expert en cas de sinistre comme l’on prend rendez-vous chez son médecin en cas de souci de santé.
Le front fracturé de l’expertise libre…
Si l’ANEA est, sans surprise, absente de cet article, le SEI et son président, Bernard Tourrette, y sont en revanche cités à plusieurs reprises et y symbolisent à eux seuls la déontologie de l’expert et son indépendance. Le SEI n’est pourtant pas le seul syndicat d’experts à revendiquer l’indépendance de la profession mais nous avons beau chercher, pas la moindre trace du SNDEA dans l’article…Si l’existence de celui-ci est sujette à rebondissements, les experts en mal de représentation efficace ne pourront déplorer que les talents de communication ne soient pas les mêmes entre les deux entités. Car le SEI ne pourra pas, à lui seul, inverser une tendance profondément ancrée dans l’expertise automobile d’aujourd’hui.
Romain Thirion
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