Recours direct : la MACIF et la MAAF condamnées !

Romain Thirion
Image
Les deux mutuelles d'assurances que sont la MAAF et la MACIF viennent d'être condamnées dans les Alpes Maritimes dans le cadre d'une procédure de recours direct. Deux nouvelles victoires pour l'expertise et la réparation indépendantes, portées par le cabinet d'expertise A.A.M.E et par Me Nathalie Amill, avocate au barreau de Draguignan. Pour couronner (des lauriers de la victoire) le tout, la MACIF a même été condamnée pour résistance abusive après avoir exigé mordicus que le litige soit réglé via la convention IRSA... parcours pourtant non obligatoire en cas de sinistre non responsable !
Partager sur
Et de trois ! Quelques mois après Groupama, condamné le 9 mars dernier par le Tribunal d’Instance de Nice dans le cadre d’une procédure de recours direct, voici que deux autres assureurs tombent à leur tour dans les filets de la justice pour avoir refusé d’indemniser au centime près le préjudice causé par l’un de leurs clients assuré auto auprès d’un automobiliste tiers et non responsable de son sinistre. Et les deux mutuelles concernées sont des poids lourds de l’assurance auto puisqu’il s’agit de la MAAF et de la MACIF (cliquez ici et ici pour télécharger les extraits des minutes des deux procès) !Respectivement condamnées les 19 et 23 juin derniers par une juridiction de proximité de Cannes et par le Tribunal d’Instance de Grasse (Alpes-Maritimes), la MAAF et la MACIF sont elles aussi tombées sous le coup d’une loi qui les touche au plus près, puisque c’est en vertu de l’article L. 124-3 du Code des assurances que celles-ci se sont vu rappeler à leurs obligations légales d’indemniser le tiers lésé par leur propre assuré.
Nul (assureur) n’est censé ignorer la loi (qui s’applique à son métier)
Nous l’avions déjà rappelé dans nos précédents articles sur le sujet mais nous nous efforçons de nouveau de le faire : ledit article de loi dispose que «Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable» et que «l’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré».Ces défaites pour la MAAF et la MACIF sont autant de victoires pour les automobilistes non responsables du sinistre causé par les assurés des deux mutuelles, mais aussi pour Karim Megrous, expert en automobile indépendant à Mandelieu-la-Napoule et patron du cabinet Auto Alpes-Maritimes Expertises (A.A.M.E) et Me Nathalie Amill, avocate au barreau de Draguignan et spécialisée dans les procédures de recours direct, en corporel comme en matériel, domaine dans lequel ce type de recours est beaucoup moins connu et, surtout, moins toléré des assureurs…
Récalcitrance caractérisée
Tolérantes ou pas envers la procédure, toujours est-il que les compagnies d’assurance finissent forcément perdantes lorsque la procédure est menée dans la stricte observance de la loi et des procédures d’expertise en automobile. Une petite plongée dans le détail de ces deux décisions permet de s’en rendre compte aisément. Le dossier MAAF, tout d’abord, mené par une juridiction de proximité, souvent accusée (à tort ou à raison) d’une maîtrise approximative du droit, contient les éléments classiques de la défense (et de la récalcitrance), des compagnies d’assurance face à une procédure de recours direct.Conformément à son droit le plus strict, le propriétaire de la Volkswagen Golf VI endommagé par l’assuré MAAF a fait appel à l’expert de son choix pour faire expertiser son véhicule. Ceci sans l’accord de sa propre mutuelle puisque, n’étant pas responsable de son sinistre, il n’était pas tenu de respecter les dispositions de l’article L. 113-2 du Code des assurances, celles qui obligent un assuré à prévenir sous 5 jours maximum son assureur en cas de sinistre entraînant des dommages susceptibles d’engager sa garantie.
Une obsession nommée IRSA
C’est pourtant ce que la MAAF, après avoir d’abord refusé de régler les 2 842,08 euros notifiés par l’expert au titre des frais de remise en état du véhicule, d’immobilisation et d’expertise, refus de paiement jugé par la juridiction de proximité de Cannes comme «injustifié […] abusif et dilatatoire», a exigé de l’automobiliste adverse : qu’il déclare le sinistre à son assureur, quand bien même il n’en est pas responsable. Cette réclamation, la MACIF l’a également faite, devant le TI de Grasse, dans le dossier l’opposant au propriétaire d’une Mini Cooper endommagée à l’avant par l’une de ses assurées.Comme l’observe le tribunal, la MACIF «a soutenu que le demandeur [d’indemnisation] n’avait pas déclaré son sinistre auprès de son assureur AXA, ne permettant pas de mettre en application la convention IRSA [et] a sollicité qu’il soit contraint de déclarer son sinistre à son assureur qui organisera une expertise contradictoire et fera recours à l’encontre de la MACIF dans le cadre de la convention IRSA». Avec, bien sûr, toutes les dispositions spoliatrices de ladite convention pour les victimes.
Le contradictoire argument du… contradictoire
«Les contestations de la MACIF apparaissent donc non valables, d’autant que la convention IRSA n’est pas démontrée comme opposable à [la victime] ; la demande de l’assureur tendant à contraindre le demandeur à déclarer son sinistre à AXA ne saurait être accueillie», a heureusement conclu le tribunal sur ce point. Autre point sur lequel la défense de la MACIF rejoint celle de la MAAF : l’exigence d’une expertise contradictoire de la part de l’expert mandaté par les victimes. Pourtant, les assureurs ne se privent jamais, eux, de procéder à des expertises non contradictoires, lorsqu’ils mandatent “leurs” experts-conseils pour évaluer tel ou tel sinistre.En réalité, le principe du contradictoire n’est exigé –sans pour autant être inscrit dans la loi– qu’entre l’expert et le réparateur qui se chargera des travaux sur le véhicule (ou les fera sous-traiter), ce que l’on retrouve notamment dans la fameuse “charte de bonnes pratiques experts en automobile – réparateurs”. Mais le rapport de l’expert envoyé à l’assureur du responsable, lui, n’a nullement obligation d’être contradictoire. La profession d’expert étant réglementée, le rapport de l’expert fait autorité et libre à l’assureur du responsable de diligenter lui-même une expertise contradictoire, à ses frais, dans le délai imparti. Ce que ni la MAAF, ni la MACIF n’ont fait, bien sûr. D’autant que ni l’une, ni l’autre, n’ont contesté le fond des conclusions du rapport, celui-ci témoignant parfaitement des dégâts tels que le constat amiable le présentait. Leurs seules réclamations proprement dites sur les rapports d’expertise de Karim Megrous n’ont porté que sur le caractère non contradictoire de ceux-ci, mais seulement une fois devant le tribunal, soit bien (trop) longtemps après qu’ils aient eu l’occasion de le faire.
La résistance abusive condamnée
Une mauvaise foi qui n’a pas porté trop préjudice à la MAAF, qui n’a été condamnée à payer «que» la somme initialement réclamée par l’expert, augmentée de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du même Code. Mais une mauvaise foi qui a valu à la MACIF d’être condamnée pour résistance abusive ! Certes, la mutuelle d’assurance n’a eu à s’acquitter que d’1 euro symbolique au titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive, mais ils sont suffisants pour notifier l’extrême acharnement de celle-ci à répondre au véritable droit au recours direct des assurés victimes d’accidents non responsables envers elle.La somme peut ainsi paraître insignifiante au regard des 2 798,30 euros réclamés par l’expert au titre du sinistre (frais de réparation, d’immobilisation et d’expertise compris, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l’accident), des 500 euros au titre de l’article 700 et des dépens. Mais c'est finalement plus qu’il n’en fallait pour démontrer aux renâcleuses compagnies et mutuelles d’assurance qu’en l’état actuel du droit français, aucune résistance ne saurait être opposée, même en justice, au recours direct, au risque de devoir payer plus que le rapport d’expertise ne l’exigeait au départ. Et d’entacher sa belle réputation de chevalier blanc de l’indemnisation.
Romain Thirion
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire