Dernière minute – Assureurs/carrossiers : les remises enfin indissociables des volumes!

Romain Thirion
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Un avis de la CEPC (Commission d'examen des pratiques commerciales) vient de l'énoncer : les assureurs, plateformes de gestion de sinistres et assisteurs devront bientôt se soumettre à l’obligation de mentionner noir sur blanc les clauses volumétriques dans leurs contrats d’agrément et conventions commerciales passés avec les réparateurs et dépanneurs. En clair : les remises demandées aux réparateurs devront dorénavant être proportionnées à des volumes de véhicules à réparer. Des remises négociées de gré à gré et effectuées en pied de facture, en fin d’année, ou les deux.

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Après des années de lutte, les représentants des réparateurs ont enfin obtenu ce qu’ils exigeaient vainement des compagnies d’assurance, mutuelles, plateformes de gestion de sinistres et autres assisteurs : l’inclusion des clauses volumétriques dans les conventions commerciales qu’ils signent avec les professionnels de la carrosserie et du dépannage. La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a, en effet, émis le 14 janvier à l’unanimité de ses membres un avis positif en ce sens. Et rappelé de ce fait les donneurs d’ordres au bon souvenir de cette exigence qui avait pourtant été intégrée sous son égide dans la charte signée le 20 mai 2008 entre assureurs et professionnels des services de l’automobile.Car  ces clause volumétriques sont restées lettre morte. durant des années, ces mêmes donneurs d’ordres n’ont pas respecté cette obligation légale et ont omis de la mentionner dans leurs contrats d’agrément. Leur(s) prétexte(s) ? «Il ne leur était pas possible de prévoir a priori le volume d'affaires qui pouvait être apporté aux réparateurs agréés» d’abord, «puis au nouveau motif que les dispositions du Code de commerce ne leur étaient pas applicables», rappelle le communiqué commun publié vendredi par le CNPA, la FNAA et la FFC. Les assureurs et assisteurs affirmaient en effet que les prestations de service effectuées pour eux par les réparateurs et dépanneurs ne tombaient pas sous le coup des articles L441-3, L441-6 et L442-6 du Code de commerce.
La CEPC s’appuie sur la DGCCRF
Et pourtant, ce n’était pas faute, de la part des organisations professionnelles, d’avoir proposé aux donneurs d’ordres des outils pour mettre plus facilement en place ces clauses volumétriques… En effet, les syndicats de réparateurs et dépanneurs affirment avoir fourni depuis longtemps «aux assureurs un mode opératoire facilitant l'intégration dans les conventions d'agrément d'une clause volumétrique formelle», poursuit le communiqué des organisations professionnelles. En l’occurrence, la possibilité dé négocier de gré à gré avec leurs partenaires professionnels de la réparation ou du remorquage si les remises consenties sur les tarifs publics des professionnels –et non les “tarifs d’ami” imposées par les donneurs d’ordres– seraient portées en pied de facture, en fin d’année, ou les deux. Et la possibilité, aussi, de fixer la contrepartie due par l’une ou l’autre des parties en cas de non-respect des volumes d’affaires traités.Saisie à nouveau par les syndicats de pros des services de l’automobile en janvier 2015, la CEPC s’est cette fois appuyée sur un rapport de la DGCCRF pour rappeler «aux sociétés anonymes d'assurance, aux sociétés d'assurance mutuelles régies par le Code des assurances et aux plateformes de gestion de sinistre» que les articles du Code de commerce s’appliquent entièrement à leurs relations contractuelles avec réparateurs et dépanneurs.Une DGCCRF, pourtant pas souvent tendre avec la branche des services de l’auto, qui a néanmoins «considéré que l'obtention par les assureurs d'une remise sur les tarifs des réparateurs comme une condition préalable aux commandes de prestations de réparation, sans engagement écrit sur un volume d'achat prévisionnel proportionné, engage leur responsabilité. Ils peuvent ainsi, en cas de contentieux, être condamnés à verser des dommages et intérêts aux réparateurs concernés», se félicitent le CNPA, la FNAA et la FFC. Les donneurs d'ordres sont cette fois prévenus...
Les CGV, socle unique de négociation
Outre rappeler la suggestion de la DGCCRF de «substituer aux remises sur les tarifs des réparateurs des remises conditionnelles ou des ristournes de fin d'année calculées sur le chiffre d'affaires réalisé», la CEPC a apporté son soutien aux demandes des organisations professionnelles sur la remise des conditions générales de vente (CGV) –conformément à l’article L441-6 précité– comme base des négociations entre réparateurs et dépanneurs d’un côté et assureurs, mutuelles et plateformes de gestion de sinistres de l’autre. «Les conditions générales de vente sont le socle unique de la négociation commerciale, précise le communiqué. C'est donc à partir des tarifs et conditions du réparateur, c'est-à-dire sans tenir compte des avantages et remises consenties aux assureurs que, préalablement à la conclusion du contrat, cette négociation doit débuter.»Aliou Sow, secrétaire général de la FNAA, était présent le jour de la promulgation de l’avis de la CEPC. Il souligne que «les représentants des assureurs n’ont pas montré beaucoup de combativité, donnant l’impression qu’ils savaient avoir perdu et être déjà dans l’après». Ce que confirme le CNPA, par la voix d’Yves Levaillant, président de la branche carrosserie, en soulignant que les donneurs d’ordres étaient ce jour-là «mal à l’aise». «Ils ont encore la possibilité de ne rien faire ; mais l’avis de la CEPC étant à présent officiel», celui-ci est tout de même contraignant selon le responsable syndical. Autrement dit, c’est au risque de poursuites de la part des réparateurs et dépanneurs que les donneurs d’ordres s’exposent s’ils ne modifient pas leurs CGV en y incluant les clauses volumétriques. Et celles-ci devront obligatoirement prendre en compte comme base les tarifs publics des pros de la réparation ou du dépannage.
Satisfaction mais vigilance
«Nous sommes tous très satisfaits de cette décision, confirme Aliou Sow. Cela peut permettre de rééquilibrer les débats entre les professionnels que nous représentons et les assureurs, mutuelles et plateformes de gestion. Ils ne pourront plus continuer de soutenir qu’il est trop compliqué de prévoir le volume d’affaires qu’ils apportent aux pros alors que leur métier est justement de prévoir : ils payent leurs actuaires des fortunes pour cela.» Bien sûr, cette satisfaction partagée par tous les syndicats patronaux de réparateurs et de dépanneurs ne va pas sans une bonne dose de vigilance sur les événements à venir. Au premier rang desquels la mise à jour rapide des fameuses CGV de leurs contrats et conventions commerciales.«Nous leur laisserons un peu de temps mais si les donneurs d’ordres ne le font pas suffisamment tôt, nous continuerons le combat, souligne Yves Levaillant, lequel a reçu tout le soutien du président national du CNPA, Francis Bartholomé, dans cette saisine de la CEPC. Nous allons les marquer à la culotte.»Pas question, bien sûr, de s’immiscer dans les négociations commerciales qui s’ensuivront. Elles doivent rester strictement entre le professionnel et l’assureur/mutuelle/plateforme. «Mais nous nous tiendrons prêts à soutenir nos adhérents dans d’éventuelles actions en justice si les CGV ne retiennent pas leurs tarifs publics, si les clauses volumétriques sont floues ou si celles-ci ne sont toujours pas corrigées au moment des prochaines négociations de contrat, affirme Aliou Sow. Nous serons attentifs au niveau de contreparties et n’hésiterons pas à fournir l’aide juridique nécessaire dès que l’on nous en fera la demande.»A l'heure où les donneurs d'ordres commencent à débarquer dans l'univers de l'entretien-réparation mécanique, l'avis de la CEPC n'est pas seulement une bonne nouvelle pour les carrossiers. Il va aussi permettre de remettre les exigences de tous les apporteurs d'affaires en phase avec une réalité trop longtemps oubliée : l'effort consenti par le réparateur, quel qu'il soit, doit être indissociablement calculé à l'aune d'une réelle contrepartie volumétrique et en proportion de ce volume.Reste maintenant à savoir ce que les assureurs et assisteurs chercheront à mettre en place pour maintenir leur pression tarifaire sur les carrossiers et dépanneurs, comme ils s'y employaient peu de temps après la loi Hamon instaurant le libre choix du réparateur. Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...
Romain Thirion
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