Exclusif – Capsauto augmente le tarif horaire des carrossiers !

Jean-Marc Pierret
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Voilà bien une pépite inédite dans le monde très économe des plateformes de gestion de sinistres : en 2016, CapsAuto (filiale de Groupama) augmente le taux horaire de ses quelque 1 000 carrossiers agréés ! Certes, c'est dans l'objectif pragmatique de privilégier le redressage, bien moins coûteux que le remplacement. Si CapsAuto joue le jeu −mais seulement si CapsAuto joue complètement le jeu−, ce peut être une bonne nouvelle pour “ses” carrossiers. Et à condition aussi que les experts concernés donnent un sens vertueux à leur rôle économique, en acceptant de gérer une certaine... schizophrénie. Explications...

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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!Une fois n’est pas coutume et nous avons plaisir à vous le faire constater : il y a des plateformes de gestion de sinistres qui augmentent officiellement le taux horaire de leurs carrossiers agréés. Si, si. C’est ce que vient de faire CapsAuto(*) dans le cadre de conditions tarifaires découvertes dans cette circulaire à ses carrossiers agréés de décembre dernier.L’augmentation a lieu en deux niveaux cumulatifs. Une première fois, assez classiquement, en «prenant en compte vos indicateurs de performance et le respect de notre convention de partenariat», explique CapsAuto à ses carrossiers agréés. La seconde étape est plus étonnante : «en complément de cette augmentation : application d'une nouvelle valorisation du tarif horaire main d'œuvre fixe de 2,3% au 1er janvier 2016».Certes, il y a une contrepartie. En échange, CapsAuto demande aux carrossiers «une remise de 2% sur l'ensemble des pièces détachées facturées». Mais en précisant immédiatement que cette remise supplémentaire est «pleinement compensée par la nouvelle valorisation du taux horaire». CapsAuto est parfaitement clair sur cette augmentation de la remise sur la pièce : elle a l'objectif très pragmatique de «limiter l'impact sur le coût moyen des augmentations tarifaires des pièces détachées», précise le courrier adressé aux carrossiers.Mais l'augmentation du taux horaire, elle, n'en reste pas moins potentiellement vertueuse pour le carrossier. CapsAuto explique vouloir ainsi «repositionner la main d'œuvre au centre du métier de la carrosserie et la valoriser», tout en souhaitant ainsi «confirmer [sa] stratégie de réparation des éléments, versus le remplacement».Et c'est précisément là que l'approche de CapsAuto peut prendre tout son sens... ou son contresens.
Simulations très variables
Même si nos lecteurs carrossiers ne sont ni dupes ni naïfs (voir leurs commentaires ci-dessous), évacuons d'emblée la perte de 2% en marge sur la pièce, compensée au moins mathématiquement par l’augmentation de 2,3% de la main d’œuvre. Concentrons-nous plutôt sur l'impact que peut avoir un redressage par rapport à un remplacement sur l'activité du carrossier.Nous nous sommes donc procuré diverses simulations de facturations privilégiant soit le remplacement, soit le redressage de portières ou d'ailes. Pour une opération simple comme le changement d'une portière, le résultat s'avère gagnant-gagnant pour le donneur d'ordres comme pour le carrossier. Pour le donneur d'ordres, parce que le coût d'un redressage est évidemment moins cher que le remplacement (environ -20% dans notre calcul), surtout au prix des pièces captives en France. Quant au carrossier, il est certes pénalisé par une facture tout aussi inférieure s'il redresse l'aile. Mais au vu du temps concédé habituellement, il double aussi, peu ou prou, le nombre d'heures de main d’œuvre. Il valorise donc mieux son activité atelier.C'est bien, mais ça ne marche pas à tous les coups. Ce calcul se révèle plus déséquilibré dans cette autre simulation privilégiant le redressage d’ailes arrière soudées. Le donneur d'ordres s'y retrouve évidemment encore une fois, puisque le redressage fait baisser en moyenne la facture totale de 40%. Mais le carrossier, lui, perd alors sur les deux tableaux : non seulement sa facture baisse (-40%), mais aussi son nombre d'heures facturables (-20%) !Une évidence s'impose donc. Pour que CapsAuto donne pleinement sens à sa volonté affichée de revaloriser le métier de carrossier, il lui faudra prouver qu'il ne cherche pas ainsi à réduire ses coûts sinistres à son seul profit, notamment dans ces cas précis où le “carrossier-redresseur” perd à tous les coups. Bien sûr, CapsAuto peut évidemment accepter que le carrossier passe alors un peu plus de temps sur le redressage pour ainsi mieux partager le gain réalisé avec lui. Mais cela veut tout de même dire, dans notre simulation sur l'aile arrière, que la plateforme de gestion de sinistres accepte de rendre au carrossier, afin qu'il puisse se “refaire” en main d’œuvre, 3 à 4 heures a priori injustifiables. Toujours selon notre simulation, CapsAuto verrait alors son gain de 40% tomber à “seulement” 28%, pendant que le carrossier retrouverait de fait une compensation suffisante pour ne pas vouloir privilégier le remplacement.
Et l'expert, dans tout ça ?
Pas évident, mais allez : admettons que CapsAuto s'engage alors à rendre ainsi un peu de son gain au carrossier pour rester cohérent avec sa promesse 2016. Admettons même que CapsAuto puisse convertir ses mandants assureurs, mutuelles et autres loueurs à cette rétrocession de quelques heures aux carrossiers pour rendre équitable cette volonté de privilégier le redressage.Il restera encore à CapsAuto à franchir l'obstacle des experts. Et là, ça peut devenir ubuesque. De peur de perdre les missions qui se raréfient au même rythme que les entrées-atelier (-5% encore en 2015), ils gardent les yeux rivés sur les dépenses, assignés qu'ils sont à ce rôle économique si cher aux assureurs qui consiste à pressurer le carrossier de plus en plus. Pour honorer la promesse de rééquilibrage de CapsAuto, les experts missionnés devraient donc retrouver une liberté d'appréciation, au risque d'être parjures, voire schizophrènes, s'ils acceptent de concéder quelques heures pour les carrossiers CapsAuto alors qu'ils les refusent ailleurs.Autant de raisons qui font que, même si CapsAuto a la réputation de ne pas être la plus dure des plateformes, nous restons dubitatifs sur sa louable intention de rendre en 2016 un peu de sa légitimité au geste technique du carrossier... (*)Sur son site, Capsauto filiale de Groupama, dit gérer des sinistres pour AGPM, ALD Automotive, Allianz, Amagiz.com, Arval, Banque Postale, BASF, Casino Banque, CESVI France, CMMA, Cromax, Fiat, Gan, Groupama, Kent, L'olivier Assurances, MAPA, Mutuaide Assistance, Opel et PPG.
Jean-Marc Pierret
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