Expertise: quand un barème « made in BCA Expertise » agace les carrossiers…

Jean-Marc Pierret
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Aux dires de carrossiers excédés, BCA Expertise imposerait ses tarifs et ses décisions sans réelle approche contradictoire et ce, malgré la charte qu’il signait en 2010 qui le préconise pourtant. Pour tirer les prix vers le bas, ses experts s’appuient sur un barème interne qui ignore les temps constructeurs pour mieux revisiter à la baisse les devis de carrossiers…
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logo origine lecteur 1Des carrossiers du Sud de la France nous ont fait parvenir ce tableau des temps de peinture moyens indicatif maxi et mini en fonction des éléments changés ou réparés. Un barème qui aurait discrètement été conçu par BCA Expertise et sur lequel s’appuieraient ses experts pour juger de la "juste" facturation d’un certain nombre d’opérations peinture.Un barème hors référence constructeursPourquoi cette pratique agace-t-elle tant les carrossiers ? Parce que «le BCA nous impose son propre barème, qui serait, à l’entendre, le reflet de ses meilleures statistiques internes. Mais sa fourchette mini est très basse et sa fourchette maxi encore beaucoup trop faible», constatent-ils. Et c’est là que le bât blesse : «Le BCA se prend-il pour un Dieu ? Depuis environ trois ans, il ne respecte plus les temps constructeurs», explique l’un de ces carrossiers sudistes qui croit savoir que les temps minimum de référence sont ceux obtenus auprès de carrossiers bretons. A quoi sert-il d’être "labellisé" BCA, s’interroge-t-il ? «L’unique avantage serait-il d’obtenir le ticket d’entrée pour le réseau Assercar(*)auquel le BCA est lié?»Les critiques faites à BCA Expertise ne s’arrêtent pas là. Les carrossiers lui reprochent également de revoir «systématiquement» à la baisse les chiffrages réalisés par EAD (Expertise à Distance) sans discussion aucune. Puis, dans une liste à la Prévert, ils égrènent les manquements à la charte signée en mars 2010 entre BCA Expertise et les organisations professionnelles de réparateurs :
  • Rapport, retour, modification EAD communiqués au plus tard dans la ½ journée ? Non respecté.
  • Accord pour facturer un raccord peinture sur un élément adjacent ? Non respecté.
  • Si l’expert décide d’une expertise terrain, il motive son choix : non respecté.
  • Accord final pour facturer entre 24 et 48 heures : non respecté.
  • Si l’expert modifie le chiffrage, il prend contact par tout moyen avec le réparateur pour un échange contradictoire : non respecté.
Ce dernier point est encore plus mal vécu par les carrossiers. D’abord parce que l’article R. 326-4 du Code de la Route le stipule clairement : «Dès qu'il a connaissance d'une contestation portant sur les conclusions techniques ou sur le coût des dommages ou des réparations, l'expert en automobile doit en informer, par tous moyens à sa convenance, les parties intéressées, notamment le propriétaire et le professionnel dépositaire du véhicule».Des expertises trop unilatérales ?Seulement voilà : toujours aux dires de nos lecteurs carrossiers, les experts du BCA auraient tendance à passer outre tout échange contradictoire pour imposer unilatéralement leurs propres estimations. Ce que les carrossiers ne supportent plus : «cette faculté donnée à l’expert de discuter un devis ne l’autorise pas à imposer arbitrairement un tarif de réparation», soulignent-ils en rappelant que c’est là l’esprit «du jugement de la cour d’Appel de Lyon dans un arrêt du 7 décembre 2000 qui est toujours d’actualité».Cela ne concerne pas que le Sud de la France, soulignent les carrossiers. Il est vrai que BCA Expertise revendique environ le tiers du marché français de l'expertise, fort de ses 103 millions d'euros de CA, de ses 82 agences et de ses 1 200 collaborateurs dont 600 experts. Et il affiche une belle santé sur un marché pourtant dépressif, confirmant ainsi qu'il s'inscrit pleinement dans le sens de l'histoire écrite par les assureurs : la baisse, coûte que coûte, des coûts sinistres. Et cela s'applique aussi aux experts. Au détour d'un discours tenu lors de la Convention des Managers du 22 juin 2012, Serge Brousseau, le président de BCA Expertise, l'expliquait clairement : «l’expertise traditionnelle [est] révolue dans ses process comme dans ses performances»...«Un barème non applicable»Pierre StewardPierre Steward, directeur de la coordination des 9 régions BCA Expertise et lui-même directeur régional outre-Mer, réfute l'accusation d'un refus du contradictoire : «Nos experts ont une charge de travail réelle, mais ils ne refusent jamais le dialogue. Tous les experts ne sont pas parfaits, mais c'est l'exception plus que la règle. Il est aussi possible que, face à des récriminations constantes et injustifiées de certains carrossiers, ils arrêtent des dialogues stériles pour faire avancer les dossiers concernés».Quant au non respect des barèmes constructeurs, il précise que «c'est tant mieux pour les carrossiers : ces barèmes sont indicatifs et la plupart du temps, si nous les appliquions, les coûts de réparation baisseraient encore plus».Enfin, à propos du barème peinture en question, sa réponse plaira sûrement aux carrossiers qui disent le subir : «En tant qu'ancien expert moi-même, je sais que ce type de fourchette qui ignore les spécificités des véhicules et les particularités propres à chaque sinistre n'est pas applicable. Je suis donc très surpris que ce document puisse être utilisé par nos experts». Avant de préciser fort adroitement que «ce ne peut être un document officiel : il n'y a d'ailleurs aucune référence à BCA Expertise sur ce document»...Fin de l'histoire ? A nos lecteurs carrossiers et experts de nous le dire...(*) Assecar : 1 523 réparateurs agréés pour servir les besoins d’une douzaine d’assureurs.
Jean-Marc Pierret
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