Faux VO/vrais VGE (suite) : qui doit payer le prix de l’expertise de sécurité?

Romain Thirion
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C’est le 15 décembre prochain que la procédure de rappel expresse des 2 500 véhicules d’occasion identifiés par la Délégation à la sécurité routière (DSR) comme dangereux doit prendre fin. Mais compte tenu de la très faible indemnisation de l’expertise de sécurité à laquelle les propriétaires desdits véhicules doivent se soumettre à leurs propres frais, les questions concernant la réelle sécurité des véhicules autorisés à être remis à la route pourraient demeurer…
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150 euros. Et pas un centime de plus. C’est le tout petit montant que les compagnies et mutuelles d’assurance ont bien voulu accorder à leurs clients touchés par l’escroquerie aux 2 500 épaves roulantes, en guise d’indemnisation pour l’expertise de sécurité dont ils doivent s’acquitter avant le 15 décembre 2019. En effet, la procédure de rappel lancée au pas de charge par Emmanuel Barbe, Délégué interministériel à la sécurité routière, le 9 octobre dernier, ne faisait aucun mystère de l’urgence et du poids des responsabilités qui pesaient sur les propriétaires de ces faux VO/vrais VGE, pourtant les premiers à souffrir de s’être fait arnaquer par des experts et réparateurs véreux.

De la pingrerie des assureurs…

Dans son courrier, expédié il y a un peu moins de deux mois et reproduit in extenso ci-dessus, Emmanuel Barbe ne faisait pas mystère de l’urgence de la situation. «À compter de la réception du présent courrier, il vous est demandé de prendre contact, dans les meilleurs délais, avec la Confédération française des experts de l’automobile (CFEA) (sic) par courrier électronique (operation-securite@cfea-expertauto.fr) et de laisser vos coordonnées […] afin de prendre rendez-vous avec un expert en automobile, d’ici le 31 octobre 2019, pour faire contrôler l’état de sécurité de votre véhicule. En accord avec le ministère de l’Intérieur, cet expert en automobile pourra examiner rapidement votre véhicule, et ce avant le 15 décembre 2019.»

Bien entendu, la suite de la lettre rappelle combien les assureurs des véhicules concernés ont su minimiser au maximum leur implication dans la prise en charge des expertises… tout en s’affirmant grands seigneurs de bien vouloir participer aux dépenses engagées.

«Cette expertise sera à vos frais, poursuit Emmanuel Barbe. Toutefois, bien qu’étranger à cette situation, votre assureur prendra en charge exceptionnellement et en partie les frais d’expertise, à hauteur de 150 euros, si le véhicule était assuré au 15 septembre 2019 et à condition que l’expertise soit réalisée avant le 15 décembre 2019. Dans ce cas, cette somme sera déduite du prix de l’expertise sans que vous ayez besoin de contacter votre assureur.»

Des expertises à la rentabilité médiocre

Les remontées terrain qui nous sont parvenues laissent pourtant entendre que le montant de l’indemnisation envisagée au départ, en amont du lancement de la procédure de rappel, devait être supérieur de plusieurs centaines d’euros… Un montant qui aurait permis aux experts en charge des expertises de sécurité d’être mieux rémunérés pour un examen du véhicule pourtant essentiel dans la perspective de sa remise ou non en circulation.

Ce qui laisse planer le doute quant à l’exhaustivité et la rigueur de l’examen des quelque 1 200 voitures concernées par des experts de la CFEA déjà extrêmement pressurisés par les volumes élevés d’expertises commandées par leurs donneurs d’ordres.

Déontologie ou rentabilité ?

Quelle place les expertises de ces véhicules, dont les assureurs se lavent les mains malgré les 150 petits euros accordés pour leur prise en charge, prennent-elles réellement dans l’agenda surchargé des experts de la CFEA qui en ont la charge ?

La déontologie voudrait qu’elles figurent en tête de liste mais leur rentabilité, à la lumière de la poignée d’euros lâchée par les compagnies et mutuelles qui assurent les véhicules concernés, pose naturellement question... Que privilégier, lorsque l’on est à la tête d’un cabinet d’expertise, entre des missions rémunératrices et d’autres, pourtant indispensables comme l’expertise de ces véhicules supposés dangereux, dont la charge pèse pourtant en grande partie sur des propriétaires déjà dégoûtés de s’être fait escroquer, forcément touchés au porte-monnaie et dont la mobilité risque d’être compromise ? Le temps accordé aux véhicules problématiques est-il à la hauteur des enjeux de sécurité routière ?

Gare à la tentation de se débarrasser du véhicule

Les récipiendaires du courrier sont mis en garde contre le risque d’interdiction définitive de circuler auquel s’exposerait leur véhicule en cas d’absence de rendez-vous avec un expert de la CFEA avant le 31 octobre. Pas question non plus de tenter de revendre le véhicule avant l’expertise de sécurité (NdlR : sauf à un centre VHU agréé pour destruction) : il s'agirait alors d'une escroquerie passible de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Le Délégué interministériel à la sécurité routière précise enfin qu'«à l’issue de l’expertise, votre véhicule pourra soit être déclaré apte à la circulation, soit devoir faire l’objet de réparations pour pouvoir circuler de nouveau dans des conditions normales de sécurité, soit être considéré comme techniquement irréparable». Une sentence implacable et à la logique imparable. Le consommateur est aussi coincé que l'expert...

…Mais au cas où leur véhicule s’avèrerait effectivement irréparable, Emmanuel Barbe laisse néanmoins les destinataires de sa lettre avec quelques conseils légaux. «Dans l’hypothèse où l’expertise que vous ferez réaliser révèlerait que votre véhicule était, lors de son acquisition, impropre à la circulation, vous pourrez engager un recours pour défendre vos droits, peut-on y lire. Dans ce cas, vous pourrez vous rapprocher de votre assureur de protection juridique, pour examiner les conditions dans lesquelles il peut vous aider et vous soutenir dans vos démarches. À défaut, vous pouvez aussi vous rapprocher de l’association France Victimes», conclut-il.

Romain Thirion
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