Pénurie de pièces de rechange : risque ou opportunité ?

Caroline Ridet
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Les pénuries de composants et matières premières font la Une des JT. L’industrie est sur les dents, les constructeurs en première ligne. Les ruptures se multiplient, les délais de livraison s’allongent, les fournisseurs parent au plus pressé ! Et bien évidement, ces tensions se répercutent sur les acteurs de la pièce de rechange. Appuyés sur des stocks surgonflés, ils tiennent ! Mais il ne faudrait pas que ce grand maelstrom dure encore longtemps, même si la pénurie redonne de la valeur !
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La rechange tient son rôle d’amortisseur. Les stocks constitués depuis le premier confinement sont encore là, mais « actuellement, on les vide. Et les réappros se font attendre avec des délais qui s’allongent tous les jours », décrit un concessionnaire. Reste que le ralentissement d’activité compense encore ces livraisons erratiques… Même constat du côté de la rechange indépendante qui, en surgonflant les stocks dès février 2020, avait anticipé le Nouvel An chinois et de fait, une Chine « tombée malade ». Sauf que la situation perdure et même s’aggrave. Les plateformes de groupement, indépendantes, et les distributeurs-stockistes fournissent encore mais au prix de quatre à six mois de stock « quand habituellement avec deux à trois mois, on passait large ». Faire tampon pour servir le client en bout de chaîne, mais jusqu’à quand ?

 Tensions

Le dogme du flux tendu des constructeurs et équipementiers a le premier montré ses limites. « Pour être tendu, c’est tendu. » Le Covid, déstabilisateur industriel avec une Chine à l’arrêt puis en pleine surchauffe, fait toujours ses dégâts. Les constructeurs et les équipementiers peinent à faire repartir leurs chaînes de production faute de composants et mobilisent tous les stocks dispos. « Dans ce contexte, la rechange n’est clairement pas prioritaire, du moins chez les fournisseurs première monte. La reprise asiatique est également privilégiée au détriment de l’Europe », s’exaspère un pro. Résultat : sur le premier trimestre, les taux de service descendent jusqu’à 40 % chez certains équipementiers, avec un pic à 72 % pour les meilleurs se plaint un autre distributeur, « contre habituellement 90-95 % et 85 % pour les moins bons ». S’y ajoutent des livraisons intermittentes. « À un moment, une marque peut fournir pour s’interrompre brutalement suite à une surchauffe ou à une forte demande d’un client constructeur toujours prioritaire. Son concurrent prend alors le relais ! Heureusement que nous stockons trois ou quatre marques sur chaque fonction. » « On jongle, on court tout le temps après les pièces », remarque-t-on dans une plateforme régionale. « Dans les pénuries, ce sont les meilleurs qui s’en sortent. Multimarque, équivalence… »

L'inflation menaçante

Et bien évidement, ce qui est rare est cher. L’opportunisme joue aussi son rôle notamment du côté des frais de port multipliés jusqu’à cinq et des containers manquant à l’appel. En cause : le ralentissement des échanges, disent certains, « une réduction organisée de l’offre des acteurs asiatiques », recadrent d’autres. Mais la hausse des prix des produits n’est cependant pas encore le sujet phare du moment. Les plans d’achat annuels freinent encore la répercussion des hausses des matières premières. Du côté des pièces pourtant concurrencées, on parle de + 3 % à + 5 %. « Les équipementiers en profitent sûrement pour nous passer des augmentations qu’ils n’ont pas pu imposer les années précédentes », suppose un grand distributeur qui ne se plaint pas : « Nous les répercutons intégralement… » En revanche, les tarifs commencent à sérieusement s’emballer sur les produits issus de la pétrochimie (huiles, fluides…, la filtration). « Les premières hausses tarifaires ont déjà été appliquées et les industriels anticipent une nouvelle révision des tarifs pour septembre. ».

Opportun rééquilibrage ?

« En vingt-cinq ans, je n’avais jamais vu une telle situation avec des augmentations à deux chiffres sur les emballages plastiques, les cartons, les lubrifiants, les liquides… » Effet d’aubaine pour justifier plus facilement des hausses ? « Il faut reconnaître que cet épisode arrive après une décennie de stabilité impressionnante », tempère un industriel. Un mal pour un bien ? Un prix qui augmente accroît la marge en proportion. Pas sûr donc que l’écosystème qui devra répercuter ces hausses sur le client final y perde ! Et si augmentation il y a eu, ce sera toujours cela de pris. « Ce n’est plus uniquement une question de prix. Celui qui a le produit et le service est celui qui vend. C’est encore plus vrai en période de pénurie. » Tous espèrent cependant que le flux d’appro reprendra son cours normal, d’ici l’été pour les plus optimistes et à l’automne pour les autres…

Caroline Ridet
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