Comment « PSA Aftermarket » part à l’abordage de la rechange indépendante…

Jean-Marc Pierret
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PSA vient enfin d'officialiser sa vaste offensive sur le business de la rechange indépendante et à cette fin, sur sa révolutionnaire adoption de la pièce équipementière jusqu'alors réservée aux distributeurs indépendants. Il élargit son offre pour offrir tout le panel des “solutions pièces” attendues, explique-t-il, par 100% des consommateurs comme par 100% des réparateurs, indépendants ou agréés. Que la stratégie soit suffisante ou pas en l'état pour y parvenir, deux évidences déjà : les autres constructeurs ne le laisseront pas seul sur ce marché et la concurrence avec les groupements de distribution indépendants est désormais frontale…

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Le 4 juillet dernier, PSA levait les derniers voiles de son projet «business multimarque» devant la presse spécialisée. Pour cette présentation enfin officielle, trois hommes-clés de cette stratégie étaient présents : Jean-Baptiste de Chatillon, directeur financier de PSA et architecte de ce plan, accompagné de Christophe Musy, directeur de la division Pièces et Services de PSA dorénavant rebaptisée «PSA Aftermarket» et de Nuno Zigue, responsable de la business unit nouvellement créée en charge d’Eurorepar et de cette fameuse pièce équipementière qui fait ainsi sa toute première entrée dans l'offre après-vente d'un constructeur.

Tout d'abord, J.-B. de Chatillon s'est attaché à expliquer comment et pourquoi la pièce équipementière vient dorénavant s'insérer dans l'offre de PSA Aftermarket. C'est une logique de marché qui préside à cette décision, a-t-il souligné : «Nous adressons 30% du marché avec nos pièces d'origine ; ce qui signifie que nous nous privons de 70% du marché et surtout des clients de ce marché. Nous avons donc décidé de revoir notre offre dans une logique de marché et de nous mettre en situation d'offrir la bonne solution adaptée à chaque type de client.» A commencer par les clients aux voitures de plus de 5 ans, «qui échappent pour 50% aux réseaux constructeurs, aux nôtres comme à ceux de nos concurrents», complétait Christophe Musy.PSA a donc identifié trois types de clients de pièces automobiles à servir absolument, au travers de 3 canaux de vente :

  1. Tout d'abord, celui de ses clients naturels, détenteurs de véhicules récents, qui veulent de la réassurance et donc de la pièce d'origine ou, à tout le moins, la MDD Eurorepar du groupe ;
  2. Ensuite, la grande masse des clients partis dans la réparation et la rechange indépendantes, ceux qui veulent le meilleur rapport qualité-prix. Le cœur de l'offre est la pièce équipementière et Eurorepar ;
  3. enfin, ceux qui ne cherchent que du prix, notamment sur Internet. Ceux là retrouveront la pièce équipementière à prix cassé sur Mister-Auto, voire la MDD Bölk de Mister-Auto, moins chère que moins cher...

Fort du rachat de Mister-Auto il y a un an, de son réseau multimarque Eurorepar Car Service en plein développement (plus de 2 900 sites en Europe fin 2016, 10 000 dans le monde en 2021) et surtout de sa volonté confirmée de distribuer de la pièce équipementière, PSA Aftermarket estime avoir maintenant tous les atouts pour s'adresser à 100% du marché de la pièce. Ce graphique résume bien la façon dont il revendique sa pleine couverture :PSA_positionnement_pieces1

Il faut comprendre que, dans l'offre pièce de PSA ainsi définie par canaux de vente et même si ce n'est pas écrit, la pièce équipementière sera en fait accessible dans les trois canaux. Durant la réunion presse, Jean-Baptiste de Chatillon a clairement précisé que si le client d'un réparateur agréé préfère de la pièce équipementière à Eurorepar, le réparateur sera en mesure de lui proposer... 

 
Humble mais déterminé…

A la délicate question de la mise en musique de cette véritable révolution pour un constructeur, Jean-Baptiste de Chatillon reconnaît que PSA se doit d’être humble s’agissant d’un métier nouveau pour un constructeur : «en matière de rechange indépendante, nous sommes un animal apprenant». La meilleure preuve ? Ce que les équipementiers disent à PSA, PSA l'applique, affirme-t-il. «Ce sont eux qui savent», en matière de gammes adaptées à la réparation indépendante bien sûr, en termes de positionnements-prix aussi, explique-t-il, comme pour effacer tout soupçon de stratégie d'achat façon 1ère monte et, par là même, d'éventuels tarifs préférentiels par rapport à ceux obtenus par la rechange indépendante, cliente naturelle desdits équipementiers.

Mais cette humilité n’interdit pas la détermination et l'optimisme. A l’image des grandes plaques de distribution souhaitées par PSA pour pousser son offre gigantesque. Parce que la disponibilité de la pièce est devenue l’un des critères −si ce n’est LE critère− de choix d’un fournisseur de pièces par les professionnels de l’entretien-réparation, le constructeur va mailler le territoire avec d’importantes plaques de distribution de «80, 100 ou 120 millions d'euros de chiffre d'affaires chacune, voire plus», annonce Christophe Musy. Elles accueilleront chacune 40 000 références (20 000 en pièces d'origine et Eurorepar, 20 000 autres en pièces équipementières). Il en existe déjà 28 en Europe, dont 8 en France, à l'image de la plaque Marseille-Marignane récemment inaugurée. Le reste va très vite sortir de terre : il y en aura 80 à la fin de l’année, dont 19 en France. Un nombre qui devrait, à terme, être porté à 40 dans l’Hexagone et à 140 au total.

Suffisant pour aller chatouiller les monstres logistiques que sont les grands groupements de distributeurs indépendants ? Jean-Baptiste de Chatillon le pense. «Ce nombre de 40 plaques PR en France est celui qui autorise un maillage idéal pour assurer 3 à 5 livraisons quotidiennes». Mais là encore, le constructeur délaisse son dogmatisme supposé pour un pragmatisme assumé : «nous nous sommes assigné l’objectif d’une couverture de parc de 95%, d’un taux de couverture des besoins de 98%, poursuit le directeur financier. Si nous devons augmenter la cadence des livraisons ou adapter nos gammes, nous le ferons !» Et probablement faudra-t-il le faire tôt ou tard. Pour servir un marché multimarque, il faut en gros avoir constitué un catalogue de 4 millions de pièces et pouvoir en livrer les 20/80, soit 400 000 références. Les 40 000 références promises par les plaques PR de PSA semblent donc un peu légères...

Mais grâce à cette offre qu'il estime à terme exhaustive ou presque, le constructeur entend se positionner en partenaire privilégié des professionnels de l’entretien-réparation, pour ne pas dire potentiellement unique (concept du “one stop shop”, un seul lieu pour tout acheter).

Eurorepar : meilleur prix mais même marge

Le positionnement tarifaire a lui aussi été en partie dévoilé. Sur une “base 100” pour la pièce d'origine, la pièce équipementière sera à environ 85 et la pièce Eurorepar, à 70. Visiblement les inquiétudes des réseaux RA1 et RA2 de PSA ont été entendues : la pièce Eurorepar n'apparaît plus dans le canal e-commerce/Mister-Auto. Mais elle n'en sera pas moins compétitive en termes de prix et surtout, en termes de marges.

En même temps que les 9 000 références de la gamme Eurorepar ont été refondues, son sourcing a été totalement revu, explique en substance Jean-Baptiste de Chatillon. En achetant mieux et aux bons endroits partout dans le monde, PSA peut ainsi promettre des tarifs consommateurs compétitifs mais surtout, garantir la même marge en valeur que pour une pièce équipementière pourtant positionnée plus cher !

La clé de ce petit miracle, le staff de PSA ne la donnera pas, mais on la devine aisément : pour reconstruire sa gamme Eurorepar, PSA se fournit à la source même des équipementiers, là où ces derniers s'approvisionnent pour constituer des gammes qu'ils ne fabriquent pas ou pour compléter celles qu'ils ont déjà. PSA économise ainsi une étape et peut donc en faire profiter ses réparateurs...

Révolution cultu(r)elle assumée

A jouer certes adroitement sur tous les positionnements, PSA ne met-il pas en danger le positionnement marché de sa  propre pièce ? Cette remise en question possible du référentiel prix d'origine, J.-B. de Chatillon ne la craint pas et n'y croit pas, même s'il reconnaît que «tous les constructeurs en ont peur. Mais nous voulons pouvoir aller vers tous les clients sans rester prisonnier des dogmes. Nous apportons une capacité nouvelle de croissance à nos clients réparateurs sur un marché qui se contracte, poursuit le directeur financier, mais aussi une capacité nouvelle d’élargissement de leur clientèle

Attention quand même : si le référentiel pièces d’origine devait s'effondrer sous les coups de boutoirs de constructeurs pressés de reconquérir le marché de la pièce (voir à ce titre la nouvelle et étrange gamme «Prime Parts» lancée par Fiat), la marge des réparateurs agréés pour réagir serait très faible. Autant les réparateurs indépendants pourront toujours compenser en augmentant leurs taux horaires, autant les réparateurs agréés sont déjà prisonniers de leurs tarifs élevés, imposés en partie par les exigeants standards de représentation des constructeurs qu'il faut bien financer...

Pour Jean-Baptiste Chatillon, la stabilité des positionnements prix n'est de toute façon pas remise en question par la stratégie de PSA, qui se contente de s'adapter au marché en élargissant l'offre sans en changer les fondamentaux. Le temps de la remise en question est de toute façon venu : «Une partie de nos clients ont besoin d’un panier de réparation qui baisse. C'est un fait. Les réparateurs agréés qui ne le comprennent pas et préfèrent ne proposer que des pièces d’origine appauvrissent la base clientèle de leurs fonds de commerce ; les autres savent et ont compris qu’avec notre nouvelle approche, ils vont pouvoir séduire de nouveaux clients.»

Cette révolution culturelle et même cultuelle qu'il espère de ses réseaux, Jean-Baptiste de Chatillon confesse l'avoir vécu d'abord chez PSA où il a fallu passer d'une culture d'ingénieur exigeant un cahier des charges maximum pour chaque pièce à une culture de marché, où la pièce doit d'abord savoir répondre au besoin du consommateur. «Nous sommes repartis du besoin des clients consommateurs, réparateurs et distributeurs. Ce sont les clients qui décident, pas PSA.» Dorénavant donc, «tout en respectant les fondamentaux PSA en matières de montabilité, de sécurité et de qualité, nous adoptons des cahiers des charges marketing", complète Nuno Zigue, responsable de la “Business Unit” Eurorepar/IAM (pour “Independent AfterMarket”, c'est-à-dire la rechange indépendante).

… déterminé et ambitieux

Mais pourquoi diable les réparateurs indépendants iraient-ils acheter chez un concurrent constructeur quand ils sont déjà servis par des partenaires distributeurs ? Là encore, Jean-Baptiste de Chatillon croit aux vertus de sa stratégie et surtout, à la capacité d'adaptation de cette dernière. «Nous avons intégré tous les préalables : apporter la même offre, le même service, la même disponibilité, la même régularité, la même livraison et la même reprise des pièces gratuitement que dans la rechange indépendante. Nous avons déployé des outils de commande et de facturation performants, des call centers compétents. Le service sera extrêmement complet. Après ? Que le meilleur gagne et nous sommes prêts à être stimulés pour devenir encore meilleurs !»

Les objectifs annoncés par le directeur financier sont effectivement à la hauteur de l'ambition : PSA espère augmenter ses ventes de pièces de 10% au global d’ici 2018… et de 25% à l’horizon 2021 ! Et si le canal internet, aujourd’hui présent dans 13 pays via Mister-Auto doit voir ses volumes quintupler à cette date, le groupe automobile fonde l'essentiel de ses espoirs sur le cœur de son offre traditionnelle, les pièces équipementières et Eurorepar.

Le nouveau rôle des ex-DOPR...

Même s'il croit dur comme fer que les 40 plaques de distribution suffiront à remplir se objectifs de conquête auprès des réparateurs français, PSA semble comprendre qu'elles sont en revanche insuffisantes pour conduire correctement la conquête commerciale. Surtout s'il espère, comme le promettent déjà les 12 plaque PR que déploie PSA Retail, de réaliser en 2021 quelque 50% du chiffre d’affaires pièces avec les réparateurs indépendants, contre les 18 à 20% actuels.

PSA a donc trouvé une raison de demeurer encore “piéçards” à ses 464 ex-DOPR qu'il a d'ailleurs promis d'accompagner jusqu'en 2018 pour les aider à compenser la perte du business  pièces dorénavant alloué aux 40 plaques. Ceux qui le souhaitent deviendront animateurs technico-commerciaux de cette nouvelle offre et bénéficieront «d’une rémunération significative basée sur leur performance dans leur zone de chalandise», explique Jean-Baptiste de Chatillon, ajoutant que pour certains, cela pourrait même être plus profitable.

Mais vu les remontées terrains suscitées par cette proposition, lesdits DOPR demeurent plutôt dubitatifs. «C'est certes mieux que les propositions initiales qui consistaient en gros à licencier le personnel concerné et à réallouer les m2 libérés à d'autres éventuelles activités pour compenser le manque à gagner, souligne un ex-DOPR ; mais même cette nouvelle proposition ne nous permet pas de retrouver la marge perdue dans des proportions satisfaisantes.» Il reconnaît en fait que l'offre faite par PSA peut être intéressante pour un DOPR qui n'avait pas vraiment développé son business pièces ; mais en aucun cas, martèle-t-il, pour celui qui faisait correctement son travail...

Évidemment, l'originalité et la puissance de l'offensive PSA sur le marché de la pièce ne laissent pas les autres constructeurs indifférents, à commencer par le frère-ennemi qu'est Renault. S'il prépare pour sa part d'autres stratégies pièces, il n'oublie pas de fait plancher ses équipes sur ce plan PSA pour comprendre ce qu'il aurait pu en rater. Surtout s'il entend Jean-Baptiste de Chatillon, en même temps qu'il rappelle que le business pièces est important dans le CA d’un constructeur, dire qu'il est convaincu que cette stratégie pièces «sera un élément significatif de la profitabilité du groupe». Venant d'un directeur financier, l'affirmation mérite l'attention...

Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...

Jean-Marc Pierret
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