<strong>Exclusif</strong> – Pourquoi diable Renault rachète-t-il un distributeur de pièces italien ?

Jean-Marc Pierret
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Le 20 septembre, Renault SAS a pris la majorité du distributeur italien de pièces multimarque, Pitteri Violini (PiVi Ricambi). Piloté au niveau du siège du constructeur, ce rachat résonne comme le début opérationnel d'une stratégie multimarque en pièces équipementières orchestrée par Renault, surtout quelques mois seulement après les spectaculaires initiatives de PSA en la matière...
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La question n'était plus de savoir pourquoi, mais seulement quand et comment Renault allait se lancer dans la pièce de rechange équipementière pour accroître son emprise sur le marché de l'après-vente, à l'image de ce qu'a déjà entrepris PSA avec sa stratégie de plateformes PR. Si la volonté de Renault émerge, ce n'est pas par la France mais par l'Italie : le 20 septembre dernier, Renault SAS a racheté la majorité du capital du distributeur milanais Pitteri Violini (PiVi Recambi).
Un petit distributeur, mais d'emprise nationale
Qui est Pitteri Violini, par ailleurs membre de Nexus Automotive International ? Sur le site de Nexus, il revendique une taille certes modeste (quoique relativement forte au regard du marché atomisé italien) mais en affichant une honnête couverture du territoire transalpin qui peut aisément justifier l'intérêt de Renault :
  • 32 M€ de chiffre d'affaires ;
  • 16 filiales régionales pour les 20 régions italiennes couvertes ;
  • 95% de taux de couverture du parc dans 25 000 m2 de stock, avec des marques équipementières telles que Sachs, Bilstein, Mahle...
Une certitude pour l'instant : Pitteri Violini reste adhérent de Nexus, confirme le groupement aux 10,5 milliards d'euros d'achats cumulés. Un communiqué en ce sens a été diffusé par Nexus Italia. Décidément, les temps de la distribution de pièces s'avèrent étonnamment mouvants et changeants : qui aurait pu penser que Renault deviendrait, même brièvement, adhérent d'un groupement indépendant de distributeurs de pièces, aussi mondial soit-il ?
Symptôme d'une stratégie Renault en pièces équipementières ?
Que déduire donc de ce rachat sinon qu'il est potentiellement lourd de plusieurs sens ? Le premier tient au repreneur lui-même : il s'agit là d'un achat effectué par Renault SAS, pas par la filiale italienne qui pourrait ainsi tester ou saisir une spécificité locale sans avoir à assumer une quelconque vision d'ensemble. Or, dans ce cas, l'opération semble d'autant plus importante et stratégique que le rachat de Pitteri Violini est piloté depuis le siège même du constructeur.Autre indice : alors que PSA s'applique à créer ex nihilo une ambitieuse stratégie de distribution de pièces, Renault semble donc plus pragmatiquement procéder par acquisition pleine et entière dans la distribution traditionnelle. Ce qui pourrait tout bonnement signifier que le schéma “pièces équipementières” apparemment envisagé par Renault serait le suivant : acquérir certes de la compétence comme PSA l'a fait avec Mister-Auto et en recrutant des collaborateurs chez les distributeurs et autres équipementiers ; mais, en ce qui concerne Renault, en “s’embarrassant” cette fois d'un distributeur traditionnel, fort de tous ses pré-requis en la matière que sont un stock central dument constitué, des équipes et compétences intégrées, le ou les réseaux de distribution déjà déployés, les multiples comptes-clients animés, une utile visibilité des tarifications et marges concédées, etc., etc.
Renault pense-t-il pièces équipementières avec ses DOPR ?
En reprenant le distributeur italien, Renault aurait-il donc confirmé par l'exemple vouloir opter pour une stratégie de “base arrière” au service de ses réseaux actuels de distributeurs de pièces dans chaque pays-cible, en choisissant de les alimenter complémentairement en pièces équipementières, à la façon des réparateurs classiquement clients des distributeurs indépendants ? Pour faire clair : Renault conçoit-il une offre équipementière en totale complémentarité de l'activité actuelle de son réseau de distribution de pièces d'origine, de Motrio et de l'émergente marque Equation, alors que PSA a plutôt préféré récupérer cette distribution chez ses ex-DOPR pour la reconcentrer et la restituer en partie à ses seuls gros investisseurs privés ?On sait que Renault veut augmenter l'efficience de sa logistique pièces d'ici 2018. En mai dernier, Pierre-Michel Erard, directeur après-vente de Renault France, annonçait à notre confrère Autoactu.com qu'il fallait que ses distributeurs de pièces passent des 6 000/8 000 références stockées en moyenne à quelque 10 000. Pour cela, il confiait devoir passer par une «révision de notre modèle logistique [qui] doit nous permettre d’améliorer le taux de service du réseau pour l’amener à 92%» contre 87% actuellement, précisait alors P.-M. Erard. La pièce équipementière via des distributeurs traditionnels fait-elle partie de cette (r)évolution logistique ?Si la stratégie de Renault se confirme en l'état, PSA va devoir se justifier un peu plus vis-à-vis de ses DOPR français (Distributeurs Officiel de Pièces de Rechange), toujours frustrés d'avoir été résiliés pour devenir supports commerciaux des plateformes PR chargées, elles, de concentrer le stock et la distribution des gammes de pièces. Ces ex-DOPR vont demander pourquoi PSA ne fait pas, comme Renault, avec eux au lieu de faire malgré eux. Voire même, pour les plus performants de ces ex-DOPR répudiés, contre eux...
l'ère des folles rumeurs...
Voilà en tout cas un rachat italien qui vient confirmer que les concentrations dans la distribution européenne de pièces ne sont pas prêtes de ralentir. Un rachat qui va également renforcer et relancer l'une des rumeurs récurrentes captées sur le dernier Automechanika : Renault chercherait aussi un distributeur à reprendre sur le marché français, là encore de taille suffisamment honorable pour couvrir l'Hexagone. Le choix étant restreint après le dernier rachat de Flauraud par PGA Motors (société de la galaxie VW) , la rumeur se concentrait à Francfort sur les deux derniers gros indépendants français de tailles suffisantes que sont IDLP et Laurent, sans autre élément de crédibilité que le fait qu'ils soient justement indépendants. Sans d'ailleurs exclure, pour la beauté d'une complète réflexion au moins, que Flauraud puisse aussi faire l'objet d'une “re-revente”, façon double effet “kiss-cool”...Puisqu'on les liste, rappelons aussi cette autre rumeur venue elle aussi du salon de Francfort et voulant que Renault, qui bosse d'arrache-pied sur sa stratégie digitale de pièces, ferait les yeux doux au puissant Oscaro. Mais là encore, cette éventualité peut tout simplement et logiquement venir d'une très théorique pseudo-évidence : si PSA a racheté Mister-Auto, Renault ne peut donc que vouloir le singer avec Oscaro...Ah, les rumeurs... Hormis le fait qu'elles sont par essence incertaines, elle ressemblent aussi aux lignes de crédits bancaires d'aujourd'hui : on ne les prête volontiers qu'aux riches...
Jean-Marc Pierret
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