États-Unis : les ADAS n’aiment pas les piétons !

Jérémie Morvan
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Selon de récents tests effectués par l’Association Américaine des Automobilistes, les dispositifs de freinage automatique d’urgence se montrent encore trop perfectibles en matière de chocs piétons. Pire : ils sont parfois totalement inopérants…
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Les Américains seraient-ils décidément les premiers à se réveiller brutalement du doux rêve que leur vantent les constructeurs d’automobiles en matière de véhicules plus sûrs grâce à leurs équipements électroniques dernier cri destinés à sauver des vies ?

Nous vous avions déjà parlé des plaintes de plus en plus nombreuses déposées auprès de l’agence fédérale américaine en charge de la sécurité routière, la NHTSA (voir l’article «Des ADAS encore trop souvent à la ramasse ?»). Les automobilistes rencontraient des dysfonctionnements d'équipements embarqués dans leur automobile, notamment le freinage automatique d'urgence. Ce sont maintenant les résultats d'expérimentations menées par l’association américaine des automobilistes (AAA) qui montrent du doigt le même système, cette fois avec le test du piéton que beaucoup d'ADAS revendiquent pouvoir détecter et éviter.

L'association, qui regroupe plus de 59 millions d’adhérents outre-Atlantique, a ainsi testé 4 berlines de milieu de gamme équipées notamment du freinage automatique d’urgence - une Chevrolet Malibu, une Toyota Camry, Une Honda Accord et enfin une Tesla Model 3. Ces tests ont été menés afin de constater l’efficacité des dispositifs dans des situations quotidiennes de roulage et leur capacité à éviter un choc piéton. Ou pas, car les résultats ne sont pas brillants. AAA titre sans concession que «les systèmes de détection de piétons ne marchent pas quand on en a le plus besoin»...

Les chocs piétons en hausse vertigineuse

Car la problématique des chocs piétons est aigüe de l’autre côté de l’Atlantique. Tandis que le nombre de morts sur la route a substantiellement baissé concernant la population des occupants des véhicules, celui des piétons a significativement augmenté depuis 2010, souligne l’association. Selon elle en effet, 6 000 personnes sont mortellement fauchées par un véhicule chaque année en moyenne, au point de représenter 16% du nombre total de décès liés aux accidents de la route…

«Les accidents mortels impliquant les piétons sont en hausse, ce qui augure d’un réel impact en termes de sécurité de ces systèmes lorsqu’ils seront perfectionnés, estime Greg Bannon, directeur des équipements automobiles de l’AAA. Mais nos recherches pointent du doigt les systèmes actuels, loin d’être parfaits et sur lesquels ne peut entièrement se reposer le conducteur derrière son volant.»

Systèmes (très) perfectibles…

D'autant que les tests effectués avec des mannequins ont été suffisamment divers pour être considérés comme crédibles. Traversée d’un piéton adulte face à un véhicule roulant de jour à 30km/h (20 mph) puis 50 km/h (30 mph) ; test identique, mais cette fois effectué de nuit à une vitesse d’environ 40 km/h (25 mph) ; enfant débouchant sur la route entre deux véhicules garés (test réalisé à 30 puis à 50 km/h) ; véhicule tournant à droite et trouvant sur sa trajectoire un piéton en train de traverser la rue adjacente ; deux piétons adultes dos au trafic sur le bord de la route, avec un véhicule arrivant en face d’abord à une vitesse de 30 km/h, puis de 50 km/h.

A 30 km/h, la collision avec un piéton adulte traversant la route de jour (test ‘standard’) est évitée dans seulement 40% des cas. Les enfants ont, eux, plus de difficultés à se faire reconnaître par les systèmes électroniques. Le cas d’un enfant déboulant d’entre deux voitures garées sur le bas-côté est à cet égard assez révélateur des limites de ces systèmes de sécurité : dans 89% des cas, la collision n’a pu être évitée. Et ce, même 30 à l’heure…

La vitesse est assez logiquement très perturbante pour les ADAS : dès que le test ‘pousse’ les véhicules à un peu plus de 50 km/h (30 mph), la collision se produit la plupart du temps, quel que soit le test considéré et qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant. Et les conséquences sont dramatiques : si un choc à 30 km/h n’engendre ‘que’ 18% de cas de blessures graves ou mortelles pour le piéton, cette proportion bondit à 47% lors d’un choc à 50 km/h, rappelle l’AAA. Autrement dit, elle a plus que doublé pour une augmentation de la vitesse de 10 mph seulement !

Autre preuve des limites des systèmes actuels : tous ont échoué à éviter le choc lors d’un virage à droite alors qu'un piéton traverse la rue.

… voire aveugles la nuit !

Mais il y a pire : lorsque les tests ont été réalisés de nuit, aucun des systèmes embarqués sur les 4 modèles de véhicules n’a arrêté ni même ralenti le véhicule. Aucun n’a même alerté le conducteur de la présence immédiate d’un obstacle devant le véhicule !

Ces tests réalisés de nuit sont d’autant plus alarmants que 75% des accidents impliquant des piétons ont lieu durant cette période de la journée, souligne l’AAA.

Bien sûr, l’association reconnaît que les systèmes sont en soit une aide précieuse pour amoindrir l’impact avec un piéton. Mais elle invite sérieusement les automobilistes à ne pas baisser la garde et à ne pas se reposer sur ces ‘anges gardiens’ encore trop perfectibles devant les diverses situations possibles, voire totalement inopérant en raison de la vitesse du véhicule comme en période nocturne.

Décidément, les assureurs vont finir par revoir à la baisse leurs espoirs mis dans les systèmes dits avancés d'assistance à la conduite. D'ailleurs, le retour sur terre a commencé (voir «AXA s’inquiète des véhicules électriques… et des ADAS»)...

Jérémie Morvan
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