Pneumatiques : les réseaux spécialistes prêts à repartir

Jérémie Morvan
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Trois membres du Syndicat des Professionnels du Pneu - Eurotyre, Profil + et Cailleau Pneus (membres de Profil +)- ont accepté pour Après-Vente Auto de revenir sur les brusques mouvements d’activité liés à la crise sanitaire. Et sur tous les problèmes organisationnels et financiers qui en ont découlé : activité partielle, protection des salariés et des clients, responsabilité du chef d’entreprise… Sans oublier l’après-confinement : quid de la reprise après le 11 mai ? Analyse...
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En première ligne depuis le début de la crise sanitaire pour garantir la mobilité des poids-lourds, véhicules d’urgence ou automobiles des personnels soignants, les réseaux spécialisés dans le pneumatique ont comme tant d’autres subit un brutal coup d’arrêt pour leur activité. Le 28 avril dernier, le syndicat des Professionnels du Pneu nous a ouvert son système de communication digitale «MySPP» (nous y reviendrons dans un prochain article) pour nous permettre d'évoquer avec plusieurs têtes de réseau l'impact du confinement dans l'univers des pneumaticiens...

Entre activité partielle et maintien du service pour la mobilité -a minima des véhicules d’urgence et de première nécessité-, les points de vente jouent aux équilibristes en termes financiers et attendent la reprise avec impatience. Mais non sans angoisses du fait d’inédites problématiques...

TC4 proche de 0%, PL à -50 %, agraire presque intact

Les premiers jours furent difficile, à l’instar des autres acteurs de l’entretien-réparation. Se posait d’abord une question juridique : «On n’a d’abord pas su tout de suite s’il nous était possible d’ouvrir, se souvient Pascal Audebert, directeur général du réseau Profil+. Et lorsque les ordonnances sont parues, on ne savait pas non plus s’il était possible de fermer ! Il a fallu aller chercher les bonnes infos au bon endroit, et le SPP s’est mobilisé très vite dans ce but.»

Au-delà de l’anecdote, le flou artistique entourant ces premières heures du confinement de la population soulignait le manque de préparation de l’ensemble des acteurs de l’après-vente – si tant est que l’on puisse être préparé à une telle situation.

S’ensuit alors pour les réseaux une descente aux enfers en terme d’entrées-atelier et de chiffre d’affaires. «A fin avril, le réseau accuse un recul d’activité de 50% en moyenne sur notre activité industrielle, mais est proche de 0% sur le TC4, poursuit-il. En revanche, l’agraire est à 90% de la normale.»

Même son de cloche chez l’adhérent au réseau Profil + Cailleau Pneus (7 points de vente dans le Maine-et-Loire) : «On accuse une baisse de CA de 65% depuis le début du confinement, renchérit Frédéric Livenais, PDG de Cailleau Pneus. Sur le segment TC4, la chute est de 71% avec une activité quasi nulle pour le B2C (NdlR : aussi dite ‘au comptant’). Sur le segment du PL, on est à -64% et à -80% en génie civil... Reste l’agraire, où l’on enregistre une hausse de 1% de notre CA.»

Pour Franck Mathieu, directeur général d’Eurotyre, les tendances sont peu ou prou les mêmes : «On atteint 10% d’activité sur le TC4 grâce au commerce B2B, mais en parallèle on manque de bras sur l’activité agricole !»

... mais un «début de frémissement»

«Depuis la fin avril, on sent quand même un frémissement sur le TC4», tempère Pascal Audebert. Et ce, alors même que le déconfinement ne doit intervenir que le 11 mai prochain…

Un frémissement avant une dynamique de reprise plus franche, en tout cas espérée comme telle ? Dans l’immédiat, cela poserait plutôt une question d’éthique selon le directeur général de Profil + : doit-on en effet effectuer toutes les prestations demandées alors même que le Gouvernement prône le confinement de la population ?

A cela s’ajoute aussi la responsabilité du chef d’entreprise, qui peut inutilement mettre en danger la santé de ses salariés pour quelques euros facturés. «Tous les adhérents du SPP ont assumé leur responsabilité dans cet épisode, en garantissant la mobilité au des véhicules prioritaires, véhicules d’urgence et aux véhicules particuliers dont les propriétaires étaient en première ligne (NdlR : typiquement les personnels de santé) tout en assurant la protection sanitaire des employés comme des clients.»

Le délicat 'déconfinement' des entreprises

A quelques jours du 11 mai, soit après deux mois de confinement, reste quand même des contraintes économiques pour les adhérents des réseaux : «Si 80 % de nos centres étaient fermés depuis la mi-mars, 80 % sont ouverts depuis la mi-avril», souligne ainsi Franck Mathieu.

Et ces réouvertures ne vont bien sûr pas sans poser de problèmes. A commencer par les nécessaires EPI pour protéger les collaborateurs. «C’est en train de se décanter un peu, mais nombreuses sont les entreprises qui n’ont toujours pas accès à des masques de protection, déclare Frédéric Livenais (Cailleau Pneus). Surtout, une même question revient pour tous les chefs d’entreprises : à quel rythme va-t-on pouvoir déconfiner les entreprises ? Avec quels effectifs ? Et surtout dans quel état d’esprit ?...»

La gestion du personnel des points de vente revêt depuis le début de la crise sanitaire une importance capitale. Dans le cadre des mises en activité partielle chez les adhérents, il a fallu composer avec des horaires réduits mais aussi, pour limiter au maximum les contacts, faire des roulements pour assurer les permanences, et parfois jongler avec deux équipes.

Une chose impossible à maintenir si l’activité reprend après le 11 mai. «On essaie de tourner avec des doubles équipes, confirme Pascal Audebert (Profil +), mais c’est particulièrement complexe et cela deviendra illusoire lorsque l’activité va repartir pour des métiers déjà en tension comme c’est le cas sur l’activité PL par exemple.»

A ne pas sous-estimer non plus : malgré le respect des gestes barrière, il suffirait d’un cas pour que le point de service doive fermer ses portes pour 14 jours… «Le rôle des managers de centre sera incontestablement de jouer de pédagogie pour rabâcher en permanence l’application des mesures sanitaires strictes, qui seront d’autant plus importantes à l’heure de la reprise, et éviter au maximum qu’un telle situation se produise», estime Frédéric Livenais...

Travailler ses marges, pas ses prix...

La reprise ne s’annonce donc pas simple. «Pour rassurer les clients, il va nous falloir rebâtir tout un modèle d’activité, note Pascal Audebert. Le plan de continuité d’activité des entreprises devra s’opérer dans un cadre particulièrement contraignant, avec nettoyage de la zone d’accueil, des véhicules réceptionnés comme des produits des fournisseurs...» Avec un impact inévitable sur la productivité des points de vente : «Avec la mise en place des mesures sanitaires, on estime à 15 points de perte la productivité des opérateurs, notamment sur le TC4», confie Frédéric Livenais.

Et pour tenter de regagner le business perdu, la fin de la période de confinement va-t-elle voir les réseaux s’engager dans une dangereuse guerre des prix pour emporter la préférence des consommateurs automobilistes ? « C’est très peu probable, considère Franck Mathieu, directeur général d’Eurotyre (NdlR : réseau propriété du manufacturier Continental), d’abord parce que les manufacturiers ont eux aussi des problématiques financières après l’arrêt des lignes de production un peu partout dans le monde. Maintenant que les usines redémarrent progressivement, ils vont se focaliser sur la production de leurs marques premium justement dans l’objectif de dégaer un maximum de marges dans un minimum de temps.»

Quant aux réseaux, sur le terrain, Pascal Audebert n’y croit pas non plus : «Sur l’activité B2B, les prix sont négociés en début d’année, donc ça ne bougera pas, explique-t-il. En revanche, sur le B2C, si les acteurs du marché se mettent à tirer les prix par le bas alors qu’ils font face à des problèmes de productivité, cela risque de devenir trop vite mortel pour beaucoup d’entre nous !» D’ailleurs, le directeur général d’Eurotyre note qu’après une période de baisse des prix dans les premières semaines de l’année, «les prix commencent à remonter de 2 à 3 % un peu partout».

Preuve que chacun panse ses plaies. Et pense ses marges...

Jérémie Morvan
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