Pourquoi la Feda redoute une guerre des prix avec PSA Aftermarket…

Jérémie Morvan
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Alain Landec, le président de la Feda, vient de faire part d'une inquiétude : si PSA a vraiment l'intention de proposer son offre en pièces équipementières à un prix public inférieur de 20% par rapport à la pièce d'origine pour mieux séduire les consommateurs, c'est tout le marché de la rechange qui risque inévitablement de dévisser d'autant...
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Mi-décembre, quelques jours après l'annonce de l'entrée de Renault au capital d'Exadis, nous tentions ici de comparer les stratégies “pièces équipementières” respectives de Renault et PSA Aftermarket en France (voir «Renault/Exadis démode-t-il PSA/Distrigo ?»). L'exercice nous conduisait alors à une inquiétante hypothèse : alors que la stratégie de Renault ne fait que s'appuyer prudemment sur des stocks équipementiers déjà existants car déjà constitués par Exadis, celle de PSA/Distrigo suppose la création de stocks nouveaux. Or, sur un marché français déjà saturé, cette surabondance peut provoquer une crise de l'offre, potentiellement génératrice de guerre des prix.A l'appui de notre thèse, nous estimions alors le poids de cette offre nouvelle à l'aune des prévisions de chiffre d'affaires que PSA a officiellement faites pour ses 40 plateformes PR françaises. Le résultat de notre calcul n'était pas anodin. Il constatait que, peu ou prou, le constructeur est en train de constituer de nouveaux stocks équipementiers approchant à terme la valeur de ceux d'un Autodistribution ou d'un Alliance Automotive Group.
1 milliard de pièces équipementières PSA en plus...
Dans ce contexte, PSA s'apprête donc à pousser sur le marché de la distribution traditionnelle de pièces une offre supplémentaire avoisinant plus ou moins le milliard d'euros. Ce n'est pas rien. Sur son site, Groupauto estime le marché indépendant à 4,9 milliards d'euros par an en France, «dont 60% transitant par les distributeurs grossistes et 40% par la réparation moderne». La distribution traditionnelle s'adjugerait donc 3 de ces 5 milliards. 5 milliards qu'il faut évidemment comprendre «au niveau distribution» écrit Groupauto, c'est-à-dire au prix de cession du distributeur au réparateur.Si c'est bien le cas, nous maintenons plus que jamais nos craintes : on ne propose pas un surstockage de +20% (1 milliard sur 5) sans mettre directement en danger la stabilité tarifaire du marché concerné. Et tout particulièrement au périmètre des 3 milliards de la seule distribution traditionnelle. Sur le papier au moins, ce nouveau “milliard PSA Aftermarket” prétend lui reprendre 30% de son business...a_landec_vignetteAlain LandecCertes, notre analyse laissait alors quelques uns de nos lecteurs dubitatifs. Mais depuis mercredi, c'est Alain Landec lui-même, le président de la Feda, qui semble bel et bien la partager. «Un nouvel entrant sur un marché aujourd’hui mature ne peut s’implanter que de deux manières, a-t-il expliqué en marge de sa traditionnelle conférence de presse de début d'année. «La première manière consiste à réussir à pénétrer le marché grâce à un service associé à la pièce (marketing notamment) plus performant que celui proposé par les professionnels déjà présents. Dans ce cas, il n'y a donc pas besoin de toucher aux tarifs habituellement pratiqués.»
Le tarif de la pièce équipementière peut dévisser
Le problème, c'est que cette approche vertueuse semble apparemment peu vraisemblable à Alain Landec. «L'autre manière, c'est de prendre des parts de marché en attaquant ce dernier par le bas !» Comprendre : par des tarifs très agressifs...Si le patron de la Feda privilégie ce deuxième scénario, c'est d'abord parce que le marché de la pièce n'est guère extensible. Il constate la stagnation de la rechange en France et l'estime même à -0,5% en 2016. En outre, la rencontre qu'il a eu récemment avec Nuno Zigue, responsable PSA de la business unit PSA en charge d’Eurorepar et de l’IAM, n'a apparemment fait qu'attiser ses craintes. «Les équipementiers calquent plus ou moins le tarif de leurs pièces de marques sur celui des constructeurs. Si, comme il l'affirme, PSA veut vraiment positionner son offre équipementière 20% sous celle de ses pièces d'origine, le risque est fort de voir le constructeur provoquer une baisse du positionnement des pièces équipementières».
La délicate question du prix public...
Pour suivre le raisonnement d'Alain Landec, il faut bien comprendre une chose. Comme indiqué plus haut, les tarifs de la pièce équipementière et de la pièce constructeur sont certes similaires facialement. Mais la différence couramment admise de -20% au profit de la pièce équipementière existe bel et bien... au niveau de la vente au professionnel. En moyenne, le constructeur laisse traditionnellement environ 30% de marge au réparateur qui achète ses pièces ; en moyenne toujours, le distributeur indépendant propose quant à lui environ 45%.C'est précisément là que vient se nicher l'inquiétude d'Alain Landec. Si c'est bien le prix public de la pièce équipementière que PSA Aftermarket a l'intention de baisser de 20%, cela peut conduire la distribution indépendante à devoir mécaniquement réduire d'autant son offre actuelle pour rester compétitive.Si le président de la Feda s'inquiète à raison, on devrait le savoir vite. Et comme d'habitude, on vous tiendra au courant...
Jérémie Morvan
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