Recours direct et jurisprudence : l’expertise contradictoire « facultative » pour (au moins) un assureur…

Romain Thirion
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La pratique de l’expertise contradictoire n’est clairement notifiée dans aucun texte de loi. Et si les assureurs l'imposent contre le recours direct, force est de constater que même la Convention IRSA, censée faciliter les relations inter-assureurs, la déclare pourtant facultative, comme l’évoque cette note de SwissLife à l’attention de son réseau d’experts ! Et ceci même à l’heure de son actualisation. Le recours direct, lui, se le voit pourtant systématiquement imposé par les assureurs. Deux poids, deux mesures ?
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lecteur 110C’est Swisslife qui l’évoque dans cette toute récente note envoyée le 16 juin dernier à l’ensemble de “son” réseau d’experts : l’expertise contradictoire y reste bel et bien «facultative», même au-delà de 6 500 euros. En dessous ? Eh bien… rien. Dans sa version du 1er mars 2010, suite à l’établissement de la procédure VGE, «l’évaluation des dommages faite par l’expert est dans tous les cas, expertises VGE comprises, incontestable lorsque son montant ne dépasse pas 6 500 euros HT», selon un portail d’information bien connu des experts en automobile. Et qui dit incontestable dit incontestable même par un confrère expert...

Le problème de l’expertise contradictoire, c’est qu’elle n’est en fait rendue obligatoire par rien ni personne, mais qu'elle arrange parfois les assureurs. Car même si la Cour de Cassation a réclamé sa pratique dans le cadre d’un dossier de recours en droit commun présenté par le cabinet Taverriti, expert à Forbach, C'était dans un cadre particulier qui n'a rien à voir avec un dossier classique de réparation-collision comme nous le précisions récemment (voir «Recours direct et jurisprudence : NON, la procédure n’est pas remise en question !»). De toute façon, aucun texte de loi n’oblige un expert à convoquer toutes les parties concernées par un sinistre automobile, à partir du moment ou son rapport est «argumenté, le lien des dommages avec l’accident clairement établi, les diverses interventions de l’expert, notamment dans le cadre de la procédure VGE très clairement commentées, des photos versées au dossier, les honoraires justifiés, etc.», selon Jasmine Ducarn, juriste pour le cabinet juridique Légi Recours.

Ce qui n’empêche pourtant pas l’expertise contradictoire d’avoir bonne presse chez les assureurs et même auprès de la nomenklatura de l’expertise française, comme en témoignent les discussions autour des tables rondes du Congrès de l’ANEA au mois d’avril dernier. L’expertise contradictoire figure certes en bonne place dans la récente «charte experts/réparateurs», mais il s'agit là de confronter les chiffrages du réparateur à celui de l’expert.

Recours direct :  contradictoire... et contradiction

Mais pour ce qui est de confronter le rapport de «leurs» experts à celui d’un autre expert, les assureurs sont rarement les plus enclins. D’ailleurs, même leur texte de référence, la Convention IRSA qui organise l’indemnisation des compagnies d’assurance entre elles, n’assigne aucun caractère obligatoire à l’expertise contradictoire… Voilà qui correspond totalement à la fluidification des relations inter-assureurs qu’elle est chargée d’assurer. Certains accords venus amender la convention année après année ont d’ailleurs assoupli la question de l’expertise lorsqu’il s’agit de simples rapports entre elles, puisque l’expert missionné par la compagnie couvrant le véhicule accidenté peut réaliser son rapport seul, sans que l’assureur du conducteur responsable n’ait besoin de mander aussi un expert. Et voilà même qu’à l’heure d’être actualisée par sa commission d’application, la Convention IRSA n’implique toujours pas d’expertise contradictoire obligatoire !

Étrange, donc, que les assureurs estiment contestable et propice à la contradiction un rapport d’expertise réalisé par un professionnel travaillant hors du cadre de la convention… Ce que, par définition, font tous les experts pratiquant le recours en droit commun, ou "recours direct". CQFD ?

Romain Thirion
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