EXCLUSIF – Carrosserie : des agréments pas si puissants ?

Jean-Marc Pierret
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L’étude 2014 de GiPA montre une inattendue fragilité des positions acquises par les assureurs en matière de maîtrise des flux de sinistres vers les carrossiers agréés : pour 25% des automobilistes suivant la préconisation des assureurs, la principale motivation de le faire... est qu’ils se croient tenus de la suivre !
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L’étude «Conducteurs» annuelle de GiPA (près de 4 000 automobilistes interrogés), a de quoi faire chaud au cœur des carrossiers. Tout particulièrement auprès de ceux qui, nombreux, cherchent à s’affranchir du contrôle pris par les assureurs et leurs plateformes de gestion de sinistres en matière de flux entrants dans leurs ateliers.Car sur la base des conducteurs déclarant aller dans l’atelier préconisé par leur assureur en cas d’accident, 75% le font principalement pour des raisons de confort (pas d’avance d’argent et par simplicité) et pour 25% d’entre eux, parce qu’ils ne savaient même pas qu’ils ont le choix, souligne en substance l'étude de GiPA. Mieux : la moitié de ce quart d'automobilistes se croyant obligés de suivre leur assureurs disent qu’ils préféraient avoir le choix !Au moment où la «Loi Hamon» vient de consacrer le libre choix du réparateur par l’assuré, ces chiffres sont particulièrement rassérénants. Si l'on superpose les pourcentages de cette étude au nombre d'accidents indemnisés selon les assureurs, on constate que seulement le quart des quelque 8,5 millions de sinistres indemnisés (accidents et bris de glace), chaque année sont donc plus ou moins captifs. Les 6,375 millions d'autres sinistres concernent donc des automobilistes spontanément ouverts à toute solution alternative crédible...
Seulement 1/8ème des préconisations assureurs sont réellement captives !
Cette étude révèle aussi une inattendue fragilité des préconisations assurantielles, alors même qu’on les croyait bien plus solidement installées dans le paysage de la réparation-collision.Les assureurs se félicitent certes aujourd’hui (ou ambitionnent encore) d’orienter, dans le meilleur des cas, 50% à 60% de leurs clients sinistrés vers “leurs” seuls carrossiers agréés. Mais dans les faits, l’étude de GiPA montre que seulement un quart de ces automobilistes qui suivent la préconisation le font aveuglément. Et seulement la moitié de ce quart déclare que cela ne leur pose pas de problèmes. CQFD : le “socle” des sinistres réellement maîtrisés par les assureurs se limite au final… à un petit 1/8ème des conducteurs !Vu comme ça, les autres 7/8ème des automobilistes sinistrés sont donc potentiellement réceptifs au «libre choix», pourvu que des solutions alternatives au “clé en main” des assureurs parviennent jusqu’à eux et que ces solutions ne changent rien à leurs habitudes de délégation opérationnelle et financière.
Un vrai «boulevard» ouvert au libre choix
Les carrossiers disposent d’un boulevard plus large qu’ils ne le pensaient pour profiter pleinement de l’effet «Loi Hamon». Face à ce fantastique potentiel, toutes les actions menées par les réparateurs ont donc du sens, a fortiori maintenant que la loi va au moins endiguer les velléités de captation massive, par ceux qui les assurent, des flux de véhicules sinistrés.Dès lors, tout vaut le coup d’être tenté, qu’il s’agisse de la simple proposition de remboursement de tout ou partie de la franchise et/ou du paiement par l’automobiliste différé dans l’attente du remboursement par l’assurance et/ou des stratégies d’information et de fidélisation de leurs propres clients et prospects automobilistes (voir par exemple ««Vivre sans agrément : oui, mais comment ?» ou «Peugeot Ricci Autos- Fidélisation : 1 - agréments : 0»).
Ne pas sous-estimer les inerties…
Mais attention : les professionnels doivent aussi se souvenir qu’il n’y a jamais de miracle immédiat. Les inerties comportementales sont fortes, surtout quand elles sont installées depuis longtemps.Le meilleur exemple reste l’histoire récente de l’entretien d’un véhicule hors réseau de marque sans perte de garantie. Ce droit était instauré par la réglementation européenne en 2002. Mais ce n’est… qu’en 2012 que  GiPA constatait que “seulement” 56% des automobilistes concernés le savaient enfin (voir «50% des conducteurs sous garantie se savent libres du choix du réparateur !»).Et encore avait-il fallu pour cela que les grandes enseignes de centres auto et spécialistes se mettent à mobiliser leurs puissants budgets de communication dès début 2009, après avoir passé plusieurs années à préparer techniquement leur offensive (voir «Feu Vert : méchant coup de griffe aux constructeurs !»)… Les réseaux de carrossiers oseront-ils la même conquérante communication ? Il leur sera plus difficile de lâcher ainsi la proie pour l’ombre : ils ne peuvent pas se mettre à dos leur stratégie de développement d’accords-cadres signés avec des apporteurs d’affaires qui sont, directement ou indirectement… des assureurs.Il faudra donc du temps aux carrossiers pour profiter du libre choix. Les organisations professionnelles qui se sont battues pour faire émerger ce nouveau droit savent donc ce qu’il leur reste à faire : s’inscrire sur le long terme en continuant à déployer communication et nouveaux services pour faire vivre la loi. En s'assurant parallèlement que les experts ne deviennent pas, malgré eux, les contre-feux à la Loi Hamon (voir «Rôle économique de l’expert : FNAA et FFC quittent la table des négociations»).Le tout, sans jamais oublier de surveiller étroitement, comme elles s’y engagent toutes, chaque initiative anti-libre choix venant d’assureurs qui, donc, ont vraiment tout à craindre de cette loi…
Jean-Marc Pierret
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