AXA s’inquiète des véhicules électriques… et des ADAS

Jean-Marc Pierret
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C'est maintenant un assureur et non des moindres -AXA- qui commence aussi à s'interroger sur les effets accidentogènes de deux grandes évolutions technologiques pourtant largement plébiscitées : les véhicules électriques... et les ADAS.

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Cet article de notre confrère les Échos nous avait échappé en cette fin août 2019. Sinon, nous l'aurions évoqué plus tôt car il confirme que nous avons raison de nous interroger sur la "contre-productivité" des assistance actives de conduite, à savoir les tant désirés ADAS. Dans un précédent article, nous expliquions avoir croisé un assureur qui, sous couvert d'anonymat par peur de ne pas être “main stream”, nous confessait s'interroger sur les très décevantes statistiques sinistres affichées par les véhicules "Adassés".

AXA s'interroge

Cette fois, c'est le puissant AXA qui le proclame haut et fort. «Selon l'assureur AXA, les véhicules électriques de luxe et les SUV électriques provoquent 40% d'accidents de plus que les voitures traditionnelles en Suisse, relate ainsi notre confrère. Et ce n'est pas la seule évolution technologique qui préoccupe AXA. L'assureur a donc «réalisé des crash-tests pour identifier les causes spécifiques aux véhicules électriques, comme la plus forte propulsion ou le pilotage automatique». Et il en tire une possible et surprenante conclusion : il lui faudra peut-être bien adapter ses contrats d'assurance à ces constatations, ce qui reviendrait à pénaliser les dernières technologies au lieu de les encourager...

La voiture électrique n'a pas encore sauvé la planète qu'elle en tue déjà ses habitants ? C'est apparemment un fait établi pour AXA : les fantastiques capacités d'accélération des véhicules électriques sont accidentogènes, soit parce qu'elles surprennent les automobilistes, soit parce qu'ils en abusent imprudemment. Pendant qu'à l'opposé, l'assureur découvre aussi que les ADAS qui conditionnent l'automatisation de la conduite endorment les vigilances puisqu'ils promettent la Lune alors même qu'ils s'éclipsent aléatoirement face à une multitude de configurations imprévues. Ou dès que la géométrie est faussée, même de façon imperceptible pour le conducteur, par le premier coup de trottoir...

Un progrès à contre-courant

Quelle étonnante contradiction ! Le progrès technologique automobile semble, pour la première fois, avancer à contre-courant de sa logique historique : chaque génération de véhicules était censée être plus sûre que la précédente ; mais cette fois, la nouvelle l'est désespérément moins.

Nous voilà donc au volant de véhicules électriques qui semblent devoir exiger ces cours de pilotage jusqu'alors réservés aux heureux nouveaux détenteurs de supercars. Ou/et soumis à ces ADAS qui endorment la vigilance (cette sacrée homéostasie du risque qui nous fait facilement croire depuis la nuit des temps que les limites peuvent être dépassées). Pire : qui ne fonctionnent pas ou imparfaitement, au moment où ils devraient pourtant impérativement nous suppléer ; ou qui se déclenchent intempestivement quand rien ne le justifie...

En ce qui concerne les ADAS au moins, AXA n'est pas le seul assureur à s'interroger. Aux États-Unis, le tant répandu freinage automatique d'urgence commence à être publiquement décrié par ses confrères américains, voire même par les autorités de sécurité routière (voir «Des ADAS encore trop souvent à la ramasse ?»).

Constructeurs apprentis-sorciers ?

Tout cela semble hélas venir confirmer notre sentiment : pour des raisons qui nous échappent encore, ces systèmes d'assistance active semblent déployés avant qu'ils ne soient en mesure de rendre pleinement le service qu'ils assurent prodiguer. Les constructeurs veulent-ils ressembler aux fabricants de smartphone qui ont pris depuis longtemps cette agaçante habitude de faire “débuguer” leurs nouvelles productions par les premiers utilisateurs, pourtant des technophiles convaincus ? En matière de sécurité routière, ce n'est pas seulement énervant. C'est immédiatement dangereux et infiniment plus coûteux...

Mais ce n'est pas la seule inquiétude que nous inspire cette tendance. Si les ADAS suscitent plus d'inquiétude que de sérénité, le bon sens de l'automobiliste s'imposera de lui-même. Pour la même raison qu'il recourt peu à la fonction de parking automatique -les pré-requis pour son utilisation sont encore trop éloignés des réalités- il finira par renoncer à enclencher les autres fonctionnalités aux comportements trop erratiques ou à exiger des voitures non-équipées.

L'après-vente, victime indirecte ?

Vous l'aurez compris : alors que tous les professionnels sont encouragés à s'équiper dare-dare en systèmes de calibrage ADAS, le marché après-vente ne sera peut-être pas au rendez-vous si les systèmes d'assistance sont massivement boudés par leurs utilisateurs. S'ils ne les utilisent plus, pourquoi diable feraient-ils entretenir des fonctions aux si mauvaises réputations ou réactions ?

Les assureurs, qui attendent des ADAS tant de vertus sécuritaires, seront les premiers punis. Mais ils seront aussi les premiers à continuer d'en refuser l'entretien-réparation au juste prix, a fortiori s'ils n'en tirent non seulement aucun gain, mais même un accroissement de la sinistralité.

En ces temps de technophilie de plus en plus irrationnels, la promesse du mieux risque bien de devenir l'ennemi du bien, pour les consommateurs comme pour les pros de l'après-vente...

Jean-Marc Pierret
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