Convention AECP (réseau européen Peugeot): Carlos Tavarès fâche ses DOPR

Jean-Marc Pierret
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Les 19 et 20 novembre derniers, les concessionnaires Peugeot européens étaient réunis en convention à Lisbonne dans le cadre de leur Amicale Européenne des Concessionnaires Peugeot (AECP). Un communiqué de synthèse du 4 décembre ne fait pas d'allusion directe à une phrase de Carlos Tavarès, le président de PSA, qui a beaucoup agacé les concessionnaires Peugeot. Mais indirectement, on peut en retrouver traces entre les lignes. Décryptage...
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Dans le cadre de l'Amicale Européenne des Concessionnaires Peugeot (AECP), la convention de Lisbonne réunissait, les 19 et 20 novembre derniers, 400 concessionnaires de 18 pays européens dans la capitale portugaise. Un communiqué officiel de synthèse vient d'être diffusé par l'amicale européenne. Et c'est un modèle de subtilité.
Communiqué “crypté”
A sa première lecture, il ne déroge pas à la règle habituelle qui sied à ce type de communication : le texte s'attache à exprimer une symbiose volontariste entre les concessionnaires et leur constructeur. On y parle ainsi «d'objectif commun d'amélioration», de «réunion avec des échanges très francs, toujours constructifs», d'un «réseau européen des concessionnaires Peugeot [...] prêt à relever tous les défis», le tout «sous le signe du dialogue avec la marque». Bref : rien ne manque à l'habituel compte-rendu très policé lorsqu'on décide de rendre publiques les discussions menées durant ce type de rencontre à huis-clos.Mais pourtant, plusieurs expressions ou phrases attirent l'attention. Ainsi, «échanges très francs» veut parfois diplomatiquement dire... “musclés”. Quant au mot «rentabilité», il est utilisé quatre fois, dans un pourtant très court communiqué. En outre, deux phrases semblent particulièrement lourdes de sens caché :
  • quand l'AECP souligne avoir émis pour l'occasion «un message fort [...] rappelant le besoin des chefs d'entreprise du réseau en matière de visibilité, de rentabilité et de plaisir d'entreprendre» ;
  • et surtout, quand l'amicale européenne précise avoir «également souligné qu'il convenait de sortir du schéma manichéen consistant à voir le réseau comme l'élément faible dans la chaîne de satisfaction client.»
Tous ces cryptages rédactionnels sont en fait destinés à n'être lus et compris que par les concessionnaires absents de cette réunion mais très au fait de ce qui s'y était dit. En l'occurrence, la phrase enjoignant indirectement PSA à «...sortir du schéma manichéen...» se veut probablement la réponse codée à un moment précis de la convention européenne. Même passé sous silence par le communiqué sorti presque 15 jours après l'événement, il a tout particulièrement agacé les concessionnaires français présents comme absents : dans une vidéo pré-enregistrée, le président de PSA Carlos Tavarès est intervenu à Lisbonne pour expliquer en substance qu'en termes de qualité de service, le «pneu dégonflé» du programme «Back in the Race»... c'est «le réseau».
Le réseau ne s'est pas dégonflé...
Des témoins présents soulignent que Jean-Charles Herrenschmidt, le président de l'AECP et du groupement français des concessionnaires Peugeot (GCAP), a vivement réagi à l'assez maladroite allégorie. Nous l'avons contacté mais il a refusé même d'évoquer le sujet : «ce qui se dit entre les concessionnaires et le constructeur dans ce type de réunion ne regarde qu'eux», a-t-il poliment décliné. Pour tout commentaire, il nous a renvoyé au seul communiqué ci-dessus qui était alors en préparation.Ce qui se passe à Lisbonne reste à Lisbonne ? Notre enquête l'a pourtant confirmé : beaucoup de concessionnaires, à commencer par les plus petits qui se sentent ou se savent déjà exclus de la révolution logistique PR voulue par le constructeur, ont effectivement mal vécu l’image. Ils ne savent même pas encore si −et surtout comment− ils pourront compenser d'une façon ou d'une autre la vitale marge PR confisquée par le nouveau schéma logistique. C'est d'abord le cas des plus performants d'entre eux qui se sont investis avec succès dans la distribution PR et qui ont donc beaucoup à perdre (voir «PSA : les ex-DOPR Peugeot et Citroën n’aiment pas la “tectonique des plaques PR”…»)...
Nerfs à vif
D'autres témoins nous confirment que, face aux réactions mitigées du président Herrenschmidt et de l’assistance,  l’état-major PSA présent s’est empressé d’expliquer que l’expression de Carlos Tavarès n’induisait pas un jugement de valeur mais plutôt un constat général, une prise de conscience d’un état de fait.C'est très possiblement vrai. Mais cela n'a visiblement pas suffi à endiguer colère et reproches. Pour preuve, ceux qui nous ont fait part de l’anecdote avaient souvent transformé, dans leurs souvenirs, l’expression «pneu dégonflé» en celle, plus violente et plus blessante, de “roue crevée”. S’ils ont ainsi injustement aggravé la phrase du grand patron pour s'en faire l’impression déformée d'une quasi-agression verbale, ce n'est pas pour nuire mais, en toute bonne foi, parce qu'ils l'ont vécue et ressentie comme telle.L'anecdote peut au moins avoir une possible vertu : celle de faire peut-être prendre conscience à PSA que les nerfs du réseau se sont considérablement crispés... nerfs auditifs compris. Et qu'il y a urgence à donner de la visibilité à ceux des DOPR que la révolution logistique PR programmée prive de perspectives d'avenir et fait craindre des dépôts de bilan.A Lisbonne, l'AECP a d'ailleurs décidé de la création d'un groupe de travail baptisé «Réseau 2020». Il y a de fortes chances qu'on y parle de tous les sujets officiellement évoqués durant la convention : “pricing”, qualité de service, digitalisation, parcours client, etc. Sans oublier bien sûr l'épicentrale stratégie en pièces de rechange...
Jean-Marc Pierret
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