L’Airbus de la batterie n’est plus seul sur le tarmac

Muriel Blancheton
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Deux ans après l’annonce d’un consortium européen pour produire des batteries électriques Made In Europe et contre-attaquer le monopole asiatique, le projet Airbus de la batterie est légèrement court-circuité par d’autres initiatives plus personnelles de constructeurs qui préfèrent voler en solo plutôt qu’en escadron.
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Pour déboulonner l’Asie et plus particulièrement la Chine de son piédestal de premier producteur mondial de batteries électriques (85% de la production mondiale), la France et l’Allemagne sont partis les premiers en croisade en 2019 avec cinq autres Etats Membres (Italie, Pologne, Belgique, Suède et Finlande). Au total, 17 acteurs industriels dont Stellantis et Saft (Total) via leur co-entreprise Automotive Cells Company (ACC), mais aussi BASF, Solvay, ainsi que des PME et la Banque européenne d’investissement. L’Airbus de la batterie compile 6 Md€ de subventions publiques et privées. En France, on se réjouit donc de la sortie de terre d’ici 2023 de deux giga factories, poussées par l’ACC de Stellantis (qui récolte 1,3 Md€ de subventions européennes) : l’une à Douvrin dans le Nord (500 000 batteries produites en 2030), et l’autre en Allemagne avec un site similaire.

Les ambitions de l’Airbus européen sont claires : devenir compétitif sur une batterie dont le coût équivaut à 40% de la valeur d’un VE, et surtout, ne plus se faire tailler des croupières sur son propre marché par les géants chinois CATL et BYD, les sud- coréens LG/Chem et Samsung et enfin le japonais Panasonic. Un projet rassembleur et électrisant sur un marché européen prometteur : 1,3 million de VE et de VHR en 2020, avec des projections de 50 millions de véhicules électriques en circulation d’ici 2030.

Vol en solo

Mais depuis quelques mois, le temps s’accélère avec d’autres acteurs qui ont déjà poussé les gaz (façon de parler), pour s’envoler eux aussi sur des courants porteurs, mais sans prendre l’Airbus  :

Fin 2020, Tesla a annoncé la plus grande usine mondiale de batteries à Berlin (avec Panasonic) à l’occasion de la construction de son premier site de fabrication de véhicules en Europe. L’américain a même prévu de surproduire pour revendre l’excédent de batteries aux autres marques européennes en mal de cellules. Le tout en bénéficiant des subventions accordées par Bruxelles (on parle de 1 Md€).

Dans la foulée, Volkswagen s’est émancipé de toute mutualisation en mettant 24 Md€ sur la table pour ouvrir 6 giga usines d’ici 2026, et diviser par deux le coût d’une batterie.

Résultat : Tesla et Volkswagen vont s’octroyer avant tout le monde la part du lion, quand l’Airbus européen ne fabriquera qu’une batterie sur quinze…en 2030.

Et le groupe Renault ? Le français – qui a dealé avec LG -  n’est pas monté à bord de l’Airbus avec son homologue français, car il semble hésiter à pénétrer dans un consortium où il ne serait pas jugé « à parité avec PSA », a ainsi lâché le mois dernier Jean-Dominique Senard. Et voilà que le patron de Renault-Nissan annonce sa propre usine de fabrication, également dans le nord de la France, proche de ses sites historiques de Douai et Maubeuge qui fabriquent la R5 électrique. Le tout avec l’approbation de l’Etat sur un projet certes concurrent à Stellantis, mais générateur d’emplois. Pas facile d’accepter de partager ses recherches avec ses concurrents ?

Bruxelles veut également pousser la R&D

Le 26 janvier dernier, la Commission européenne a autorisé une nouvelle aide publique de 3 Md€ à douze États membres, dont l’Allemagne, la France et l’Italie, pour pousser la R&D impliquant 42 entreprises jusqu’en 2028. Et on retrouve les mêmes dont BMW, Fiat et Tesla, le chimiste français Arkema et le suédois Northvolt, impliqué dans le projet ‘Innovation européenne dans la batterie », et portant sur l’ensemble de la chaîne. Avec cette enveloppe publique, l'UE espère mobiliser 9 Md€ supplémentaires en investissements privés.

Muriel Blancheton
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