Et si les constructeurs pensaient à « labelliser » les indépendants?

Jean-Marc Pierret
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Nous n'en sommes pas là, mais dans les cénacles constructeurs, l'idée ne semble plus hérétique : et si on en venait à labelliser des réparateurs indépendants pour les adouber réparateurs agréés ? L'éventualité semble osée et difficile à déployer. Mais les temps changent si vite...
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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!L'idée semble bien dans l'air, un peu comme ces réflexions qui germent lentement dans différents esprits, maturent en silence avant d'émerger simultanément et s'imposer tout d'un coup comme une évidence de toujours.

Quelle est cette pensée qui effleure sinon les constructeurs, au moins leurs aussi prolixes que coûteux consultants ? Au lieu de réserver à leurs seuls réseaux agréés la primeur de l'information technique, voire même de la commercialisation de leurs nouveaux véhicules aussi longtemps qu'une extension de garantie doublée d'un contrat d'entretien permettent de les garder captifs, les constructeurs pourraient changer de paradigme. Ils pourraient bien rendre tout cela accessible à des réparateurs dûment labellisés, quelles que soient leurs histoires ou leurs appartenances.

Le rêve déchu de la marche technologique ultime

La question semble bien se poser dans quelques têtes pensantes, qui constatent des évolutions porteuses en la matière. Commençons par les constats d'impossibilités. Le mythe du “verrouillage du capot” a vécu. Les constructeurs ont longtemps rêvé de l'innovation ultime qui puisse écarter de leur après-vente ces increvables indépendants. Ils y ont souvent cru, de la si complexe DS Citroën des années 50 jusqu'à l'avènement du common rail.

Ils y croient peut-être encore, à l'occasion de l'actuel véhicule connecté dit “distant” ou même potentiellement autonome. Fiat a même tenté de privatiser sa prise OBD. Ils l'espèrent évidemment tous et toujours, cette marche technologique une bonne fois pour toute trop haute pour qu'enfin, tous ces loqueteux hors réseaux constructeurs soient définitivement disqualifiés et centrifugés.

Le frère ennemi équipementier

Las, il y a toujours quelque part une autorité de la concurrence qui veille, quelque lobby indépendant qui sabote l'ambition. Et surtout, à force de désintégrer l'innovation technologique vers “leurs” équipementiers, les constructeurs se sont finalement tiré une balle dans le pied. Car l'équipementier a certes besoin des lignes de production constructeurs pour financer son développement et soutenir ses structures. Mais il ne peut guère se passer non plus de la rechange constructeur -et surtout indépendante- pour conforter ses marges.

Avec une constance qui force le respect, ledit équipementier déploie donc tous ses efforts pour permettre auxdits indépendants de maîtriser l'entretien-réparation de chaque nouvelle innovation technologique. Le constructeur voit ainsi ses rêves de puissance et de domination chaque fois repoussés sine die. Et perdurer son cauchemar cohabitationnel où l'indépendant non seulement survit, mais lui gratte avec malice et agilité toujours plus de parts de marché après-vente.

L'après-vente, la clé d'avenir

C'est d'autant plus rageant que le constructeur sait à quel point il a et aura besoin de l'après-vente. Face à toutes les incertitudes d'avenir, il ne sait qu'une chose : produire des voitures lui coûtera toujours plus cher, dans un contexte concurrentiel où les tensions sur les prix des véhicules iront toujours croissant. Les anciens se souviennent à quel point l'industrie automobile japonaise, si raillée dans les années 70, a dans les années 80 failli envoyer par le fond les séculaires constructeurs occidentaux. Les mêmes anciens regardent maintenant émerger les constructeurs chinois avec l'angoisse du vécu.

Il faut certes donner aux réseaux constructeurs de quoi maintenir leur image et leur représentation. En tout cas tant qu'internet n'aura pas rendu suffisamment subsidiaires les si coûteux écrins physiques exigés des concessionnaires et agents. C'est probablement pourquoi tous les constructeurs réfléchissent à chaque outil et service qui leur permettraient d'élargir leur assise après-vente, à tout le moins d'en sanctuariser l'importance. PSA Aftermarket/Distrigo est certainement, en l’occurrence, le concept le plus abouti en la matière. Ses complémentarités “omnichannel” le rendent capable de s'adapter à tout type et à toute évolution de marché.

Élargir l'approche "RA3" ?

Et puis, soyons réalistes : en recrutant pour des enseignes Motrio, Eurorepar Car Service ou Motorcraft, trois constructeurs testent déjà la compatibilité/complémentarité d'agréés (au moins “d'agréables” au sens premier du terme) d'un niveau 3 qui ne dit pas encore son nom. Tous les membres des ces réseaux sont issus du monde indépendant. Et quand on voit le chemin que parcourt rapidement le réseau multimarque de PSA (voir «Eurorepar Car Service encore enseigne de l’année !»), on sent bien que cette stratégie n'a rien de secondaire...

Mais si malgré tout leurs efforts, leurs réflexions et leurs projets, les constructeurs ne parvenaient pas à maintenir leur business model actuel, à savoir des réseaux de marque disciplinés, exclusifs, dopés aux avantages liés logiquement à leur primeur technologique ?

C'est là que l'idée des consultants reprend toute sa force. Sur le thème du vieux dicton voulant que l'on s'associe avec l'ennemi que l'on ne peut vaincre, voilà qu'émerge donc, au moins théoriquement, une “option” révolutionnaire. Ouvrir l'entretien-réparation au plus grand nombre des réparateurs n'est plus inimaginable, dès lors bien sûr que le réparateur candidat se soumet à quelques solides pré-requis de formation, d'équipement et de taille critique. En respectant chaque cahier des charges, tout réparateur pourrait ainsi être agréé auprès de plusieurs marques constructeurs...

Demain, après-demain ou jamais ?

Une sorte de labellisation qui permettrait à l'indépendant de s'anoblir agréé. Et au constructeur, de satisfaire aux obligations concurrentielles tout en laissant vivre les indépendants, mais en liberté très surveillée ? Il resterait quand même parallèlement à régler, d'une façon ou d'une autre, la problématique croissante de la coûteuse densité de leurs réseaux primaires et secondaires...

Du pur “jus de crâne” ? Voire. Car les réseaux indépendants, en emmenant leurs adhérents à marche forcée vers plus de formation, d'équipement, de prise de conscience du parcours client optimal, physique comme digital, préparent en fait le terrain et rendent ce futur possible. De plus en plus de réparateurs indépendants montent ainsi en compétence, pendant que leurs confrères des réseaux franchisés et succursalistes font de même.

A l'opposé, les constructeurs s'interrogent aussi sur le réseau idéal de demain qui soit capable d'associer efficacité et proximité. Maintenant que la pièce équipementière est devenue “constructeur”, est-ce par les ateliers après-vente que l'ultime séparation entre réseaux constructeurs et indépendants prendra fin ?

Cela n'arrivera peut-être jamais. en tout cas, certainement pas demain matin. Mais en ce qui concerne après-demain, comme d'habitude, nous serons là pour vous tenir au courant...

Jean-Marc Pierret
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