Misfat-Mecafilter : l’ambitieux industriel du filtre…

Jérémie Morvan
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Mieux connu en France pour sa marque Mecafilter, le groupe tunisien Misfat Filtration dispose d'un outil industriel particulièrement flexible, apte à répondre aux problématiques des divers marchés de la rechange allant de la MDD au constructeur. Il affiche ses ambitions, bien décidé à maintenir le rythme d'un doublement de son chiffre d'affaires tous les 5 ans…
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Misfat Filtration est l'équipementier Tunisien propriétaire des marques Mecafilter, Lautrette et dépositaire d'une licence Lucas que TRW lui a cédé pour la commercialisation de filtres sur les marchés européens et d’Afrique du Nord (voir «Misfat (Mecafilter) ressuscite les filtres Lucas !»). Il affiche et assume de grandes ambitions sur le marché de la rechange. D'abord parce qu'il peut “jouer” sur tous les segments de marchés via ces différentes marques aux positionnements et modes de distribution diversifiés :
  • Mecafilter (2 500 références) est la marque-étendard du groupe en Europe et plus largement dans une soixantaine de pays.
  • Lautrette, une autre marque historique en France, est aujourd’hui commercialisée en tant que gamme courte (500 références) dans les réseaux de centre auto pour le marché français, mais pourrait aussi se décliner sur d’autres marchés.
  • Misfat (1 000 références VL et PL) est quant à elle leader au Maghreb sans oublier d'être également présente en France pour se mettre au service de réseaux ‘alternatifs’.
  • Enfin, l’annonce sur Equip Auto en octobre dernier de l’obtention de la licence Lucas lui donne une nouvelle corde à son arc déjà bien fourni. Mais une corde stratégique dans son plan de marche. Certes, «Mecafilter est une marque française reconnue quasiment partout dans le monde, explique Amin Ben Amed, directeur général de Misfat Filtration ; mais cet atout peut aussi parfois s’avérer un frein, les intervenants étrangers ayant souvent le réflexe de ne destiner les filtres Mecafilter qu'aux applications françaises.» Aussi, disposer d’une seconde marque très connue en Europe, forte de 1 400 références −avec un accent particulier qui sera mis sur les applications asiatiques− sera, dès le mois de juin prochain fort utile pour aller gagner encore des parts de marché sur le Vieux Continent et en Afrique du Nord. La mise en stock des filtres Lucas/Misfat a déjà commencé...
Jedeida, «l’arme» aftermarket du constructeur à la MDD
Mais derrière toute cette stratégie commerciale, il y a aussi –et surtout−, une astucieuse organisation de la production industrielle chargée de “nourrir” toutes ces marques et d'assurer la meilleure couverture possible du marché. Le site, implanté à Jedeida, dans la banlieue de Tunis, démontre en effet les possibilités dont dispose le groupe tant en volume de production qu’en profondeurs de gammes.Ligne Automatisée Spin On 2 bis La ligne automatisée pour spin on.Son arme : la qualité (certifications nombreuses, dont celles des constructeurs) et la flexibilité. Entre ses ligne destinés aux gros volumes (une récente ligne de production pour filtres à huile est capable de produire 5 000 filtres/heure…) et ses lignes semi-automatisées capables de répondre à des besoins en (toute) petite série, Jedeida offre un éventail des plus larges en matière de production.Du coup, Misfat fait feu de tous bois. Il produit non seulement pour ses multiples marques, mais également pour d’importants volumes en rechange constructeur (le groupe y compte 10 clients). Il vient même de faire son entrée en 1ère monte chez un constructeur français. Il n'oublie pas non plus de fournir tous les acteurs de la rechange indépendante, qu’il s’agisse de grands noms de la filtration ou de nombreuses MDD ! In fine, pas moins de 35% de la production de l’usine est destinée aux boîtages de pas moins de 50 marques différentes (10% des volumes via les constructeurs et 25% via la rechange indépendante)…
Relocalisation en France
Et parce que le «Made in France» a de l’avenir selon le directeur général, le groupe tunisien a également modernisé en 2014 le site français de Crépy en Valois repris en 2009 à Mecaplast. «Depuis la reprise de l'usine, nous avons relocalisé une partie de la production initialement faite à Jedeida, rappelle en effet Amin Ben Amed. Plusieurs millions d’euros ont été investis afin de doubler la production en 6 ans qui est passée de 1 à 2 millions d’unités par an en France.»Pourquoi la France alors que les coûts de production sont bien moindres en Tunisie ? D'abord parce que la France est idéalement placée au cœur du dispositif commercial européen. Mais aussi parce que la productivité française est une des meilleures du monde, souligne le directeur général, surtout quand on l'associe à une modernisation et une automatisation des moyens de production, clé du renouveau du site de Crépy.Misfat est d'ailleurs très fier de ce qu'il appelle la «co-production» déployée entre la France et la Tunisie. En produisant prioritairement dans l'Hexagone ce qui aurait coûté logistiquement cher à faire venir de l'usine de Jedeida, le groupe est arrivé à une différence de coût de production suffisamment faible entre les deux pays pour justifier pleinement l'activité du site de production français. A tel point qu'il embauche dans cette région industriellement dévastée...
«Time to market» optimisé
Misfat ne se contente pas de ‘produire’. Il conçoit également, fort d'une équipe de 25 ingénieurs affectés à la R&D intégrée au site de production tunisien. Avec un laboratoire comptant tous les bancs de test possibles pour valider les choix technologiques (et pour se “benchmarker” vis-à-vis de la concurrence) ainsi qu’une imprimante 3D pour le prototypage rapide, le groupe est à même de proposer en peu de temps les nouvelles références de filtres qui débarquent constamment sur le marché.Cette hyper-réactivité permet ainsi de proposer une référence au mieux en 3-4 semaines, «3 à 6 mois pour les filtres les plus complexes», se félicite l'équipe de Misfat. Pour les références plus rares qu'il ne serait pas rentable de concevoir et produire, Misfat fait comme tous les autres acteurs : il s'approvisionne chez le fabricant concurrent. «Nous sommes ainsi en mesure de garantir à nos clients qu'ils disposeront toujours, dès que la réparation commence à en avoir besoin, de gammes complètes capables de répondre aux besoins de chaque parc automobile», promet Amin Ben Amed.
Le choix stratégique du stock
En matière logistique, Misfat ne fait pas non plus les choses à moitié. A 20 km de l’usine de Jedeida, il dispose d’un impressionnant stock central de quelque 12 500 m² qui accueille... 4 millions de filtres ! Rare pour un monospécialiste… Cette surface se divise en 5 cellules de 2 500 m² chacune. L'une d'elle , en cours de finalisation, s'annonce particulièrement innovante : consacrée à un stock de tous types de filtres "neutres", elle sera doublée d'une ligne dédiée à la sérigraphie des pièces et à leurs emballages, pour répondre immédiatement à tout type de demande, le temps pour le flexible outil industriel de prendre si nécessaire le relais...Et pour la proximité française, l’équipementier s’appuie, pour sa marque Mecafilter, sur pas moins de 9 dépôts régionaux. «Nous privilégions au maximum les stocks pour optimiser notre taux de service moyen qui dépasse aujourd’hui les 98%, explique Amin Ben Amed. Un excellent taux de service permet de ne pas rater de vente !» Une notion sur laquelle le directeur général insiste particulièrement, car seule arme véritable selon lui pour disputer des parts de marché aux grands noms de la filtration…
Doublement du CA tous les 5 ans
Ayant réalisé un CA de 58 M€ l’année dernière, Misfat Filtration projette d’atteindre 65 M€ en 2016. De quoi envisager de maintenir le rythme inédit du doublement du chiffre d'affaires tous les 5 ans. «Cette croissance est pour nous un fantastique cercle vertueux, souligne Amin Ben Amed ; cela nous permet d'investir constamment et sans état d'âme, puisque chaque nouvelle machine, chaque nouvelle ligne de production, vient pérenniser cette progression qui nous permet de gagner des parts de marché et consolider nos relations commerciales dans plus de 60 pays».Un rythme qui ne semble pas prêt de s'essouffler : en bordure du site actuel, les travaux pour une nouvelle usine vont bon train et devraient s'achever fin 2016. Misfat Filtration a initié un très vaste programme d’investissements avec une enveloppe de 30 M€ prévue sur 6 ans pour augmenter la surface du site et moderniser les lignes de production. La capacité de production passera ainsi de 16 millions actuellement à... 30 millions d’unités par an !Usine en construction La nouvelle usine en construction en bordure du site de Jedeida
Jérémie Morvan
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